Le Carnet d'Ysengrimus

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Analogie vernaculaire intempestive entre les films THE CURIOUS CASE OF BENJAMIN BUTTON (2008) et FORREST GUMP (1994)

Posted by Ysengrimus sur 1 décembre 2018

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Dans le long-métrage, vieux de dix ans (pilepoil), The Curious Case of Benjamin Button (2008), on nous relate l’histoire un petit peu grotesque et forcée d’un personnage fictif de la Nouvelle Orléans né en 1918 et mort en 2003. Benjamin Button (joué par Brad Pitt) aura une trajectoire de vie bien remplie (il travaillera sur un remorqueur, sera mobilisé lors de la seconde guerre mondiale et fera naufrage, deviendra l’amant de l’épouse d’un ministre britannique, héritera de l’entreprise paternelle de boutons à quatre trous etc.). Simplement son existence est tributaire d’une détermination fondamentale qui est aussi une particularité surnaturelle fort déroutante: il naîtra vieillard avec un esprit de babi et mourra babi avec un esprit de vieillard. Le protagoniste, donc, recule en âge physique à mesure qu’il avance et mûrit en âge moral. Cette dynamique hautement insolite n’est d’ailleurs pas introduite d’office. On la découvre cahin-caha, au fil du déploiement de l’intrigue. Et cette situation aura des conséquences assez catastrophiques, notamment sur la vie amoureuse de Benjamin Button. Il aime passionnément Daisy Fuller (jouée par Cate Blanchett) et c’est seulement quand leurs âges physiques seront à peu près parallèles (aux environs de 1962) qu’ils pourront temporairement consommer leur amour… pour finir par se quitter à cause de cette situation si biscornue. Les gros emmerdements physico-psychologiques de Benjamin Button vont se manifester de façon cruciale surtout au début de sa vie (il est si atroce en babi-vieillard que ses parents naturels terrifiés l’abandonnent à la naissance) et à la fin de sa vie (il est si erratique en vieillard-babi que son ex-amoureuse Daisy, qui a fini par piger son secret au fil des années, notamment en prenant connaissance de son journal intime, sera la seule personne pouvant le guider adéquatement vers la suite des choses). Au milieu de sa vie, les événements se jouent, pour le citoyen Button, à peu près normalement. Les moments du passage de l’adulte à l’adolescent sont particulièrement curieux, par contre, et le travail tant de Bratt Pitt que des concepteurs des effets spéciaux rajeunissants sont honorablement réussis. Sinon, on a un scénario à la fois étrange et passable, une direction d’acteurs et une distribution relativement satisfaisantes (ce sont surtout les actrices qui sauvent le film, en fait, je trouve), un rythme et un ton assez intéressant. On peut aimer ou ne pas aimer mais en tout cas, The Curious Case of Benjamin Button vaut le détour. Bon, on ne parle pas ici d’une œuvre inoubliable, loin s’en faut. Mais, il faut le noter, elle fit un certain bruit en son temps. Et pour cause…

Car en effet, il traîne dans la culture vernaculaire un fait fort bizarre concernant ce film: on le rapproche intempestivement de Forrest Gump (1994). Or, j’ai visionné attentivement les deux long-métrages et je ne vois entre eux absolument aucune ressemblance. La solide et unilatérale dimension de métaphore de l’Amérique que formule Forrest Gump (qui est un opus ayant fait époque et, conséquemment, qu’on ne présente plus) ne tient pas avec The Curious Case of Benjamin Button. Ce dernier, beaucoup plus erratique et biscornu, ressemble par moments à rien d’autre qu’un freak show un peu gratuit et sans grande portée symbolique, allégorique ou thématique (Pitt en vieux nain au début et en ado à la fin, cela fait vraiment bizarre). Il y a indubitablement de bons moments, une atmosphère par bouffées, qui doivent énormément à la prestation des actrices (la principale et les actrices de soutien). Je le redis: mention honorable… mais ceux qui crient au chef-d’œuvre forrestgumpesque pour The Curious Case of Benjamin Button poussent un peu fort dans le pétage de jet set, je trouve. En identifiant ce film spécifique si abruptement à Forrest Gump, on pourrait autant dire que cela se ressemble parce que les protagonistes ont un papa, une maman, bossent, baisent, mangent par la gueule et chient par le c… Souffrez que, m’inscrivant en faux avec cette idée vernaculaire du tout venant, je vous soumette quelques différences cruciales entre ces deux œuvres (en essayant soigneusement de ne pas vendre de secrets):

  • Le citoyen Forrest Gump est le fils naturel d’une femme de race blanche. Le citoyen Benjamin Button est le fils adoptif d’une femme de race noire. Forrest Gump est élevé par sa mère naturelle et monoparentale. Benjamin Button est élevé par une mère adoptive mariée. Ce sont les antipodes.
  • Forrest Gump, pas très doué intellectuellement, va à l’école parce que sa mère couche avec le principal pour le faire inscrire. Benjamin Button, qui est sans déficience intellectuelle particulière, je ne le vois tout simplement pas passer une minute à l’école.
  • Forrest Gump vit seul avec sa maman. Benjamin Button partage son enfance avec la foule variable d’un hospice pour vieillards.
  • Forrest Gump est le co-propriétaire de son crevettier. Benjamin Button est simple employé sur un remorqueur (sur lequel il fera la guerre de 39-45 alors que Forrest Gump est fantassin dans la jungle au Vietnam, sans la moindre coque de noix en vue).
  • Forrest Gump préserve des amitiés déterminantes du temps du service militaire. Benjamin Button, aucune.
  • Forrest Gump s’enrichit graduellement, d’abord sur son crevettier, grâce à une tempête qui coule les autres mais épargne son entreprise, puis de par des fonds placés dans Apple par son sergent amputé des jambes. Benjamin Button touche sur le tard l’héritage d’une usine de boutons à quatre trous du père qui l’avait initialement abandonné et qui, éventuellement, le retrouve. L’enrichissement de Forrest Gump se construit, se travaille, louvoie, bénéficie de conjonctures, de la chance, de l’amitié, du surf sur les vagues historiques. Forrest Gump devient le self made man semi-involontaire qui a joué d’équipe, passant d’un secteur économique à l’autre, et a gagné. Benjamin Button touche nunuchement et un peu abstraitement un héritage par pur hasard et devient rentier comme dans les romans de Balzac. Ce sont les antipodes.
  • Forrest Gump rencontre personnellement des personnages historiques à la pelle et, assez ouvertement, interagis avec eux (Elvis, Kennedy, il fait partie de l’équipe de ping-pong qui monte en Chine avec Nixon, etc). Benjamin Button ne côtoie que des inconnus. Forrest Gump INFLUENCE les grandes figures de l’Amérique. Ses mouvements d’infirme dans ses appareils de marche inspirent le déhanché d’Elvis… etc. Cette thématique d’un Forrest Gump anonyme fabriquant les grands hommes de son temps sans s’en rendre compte est centrale dans Forest Gump. Il n’y a rien de cela dans The Curious Case of Benjamin Button.
  • L’amoureuse de Forrest Gump est une fausse artiste (je n’en dis pas plus pour ne pas trahir de secrets). L’amoureuse de Benjamin Button est une vraie artiste (une danseuse de ballet).
  • Forrest Gump a un fils (d’intelligence normale) qu’il finit par rencontrer et avec lequel il finit pas interagir, malgré les limitations de sa propre intelligence. Benjamin Button a une fille avec laquelle il évite soigneusement toute interaction, à cause de sa condition.
  • Benjamin Button a une grosse idylle parallèle hautement torride avec une femme mariée. Cette idylle durable, passionnée et passionnante, distante et intense, avec cette épouse d’un homme politique important alors qu’il n’est qu’un petit marin, est de loin un des meilleurs moments du film. Rien de ce genre n’illumine la vie de Forrest Gump. Forrest Gump a une idylle sur le tard avec son tracteur-tondeuse.
  • Forrest Gump ne meurt pas. Benjamin Button… vous verrez bien.
  • Et… ce qui arrive à la ballerine Daisy Fuller à Paris (strictement entre nous), il n’y en a pas d’équivalent dans Forrest Gump. Et… ce qui arrive à Jenny Curran derrière sa guitare et sur la couverture d’un certain magazine (strictement entre nous), il n’y en a pas d’équivalent dans The Curious Case of Benjamin Button.

Alors, si toutes les histoires se déroulant sur une longue période de temps, impliquant l’amour, la mort, une séparation, une guerre, un coup d’argent, une paternité, une grande maison et un navire se ressemblent, alors là, Lelouch, Coppola et bien d’autres n’ont fait qu’un seul film… En termes de préférence maintenant, je juge que Forrest Gump plante The Curious Case of Benjamin Button à plate couture. Le premier est une réflexion allégorique sur l’improbabilité du rêve américain. Le second est un freak show inane qui cherche à déclencher des émotions en utilisant trop souvent des procédures de cirque et de vaudeville. Parler de ressemblance, c’est injurier Gump de par Button. Parler de plagiat, c’est discréditer Button de par Gump. Je ne vois vraiment aucun des deux. Dans The Curious Case of Benjamin Button, madame Blanchett et les autres actrices font flotter au mieux un gros bateau poussif (encore un bateau — haro, je suis un plagiaire) à la ligne de flottaison fort basse.

Culture vernaculaire, monde des certitudes colportées et des idées reçues qui ne citent pas leurs sources, alimente-moi quand tu dis vrai. Dors sur nos cyber-étagères quand tu serines le faux. C’est le cas ici… curiosité, insolite et bizarrerie à part, naturellement.

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Paru aussi (en version remaniée) dans Les 7 du Québec

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Ces problèmes de logique posés par les statistiques intempestives

Posted by Ysengrimus sur 15 août 2011

Oh, les statistiques, on leur fait dire ce qu’on veut…

[Vieil adage]

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La présentation journalistique des informations objectives n’est pas toujours extraordinairement rigoureuse. Qui n’est pas tombé un beau jour, entre les tranches de pain grillé et le beurre frais, en lisant son journal du matin, sur ce genre de statistique intempestive qui nous laisse indubitablement dubitatif. Une étude sociologique savante et sophistiquée nous annonce que les hommes portant des chapeaux gris égarent quatre fois plus souvent leurs clés de voiture que les femmes pourtant des souliers rouges. Le sentiment qui nous gagne généralement face à ce type d’info crucialement anecdotique concerne son caractère irritant car inutile. Pour ma part, tout m’intéresse et je crois moins à l’inutile qu’au bousillé ou, comme on dit chez moi, bizouné. De fait, le caractère suprêmement bousillé/bizouné de ce genre de renseignement ne l’empêche pas d’être gorgé d’une vérité importante. Sans que des pourcentages ne soient toujours explicitement fournis, il appert que la culture vernaculaire regorge du genre de corrélations logiques servant de terreau aux statistiques intempestives. Un cultivateur du voisinage nous annonce, à mon fils Tibert-le-Chat et moi, que les pelures des oignons sont particulièrement minces cette année, ce qui laisse présager un hiver doux. Un débat discret s’ensuivit alors entre Tibert-le-Chat et moi, sur lequel je reviendrai en conclusion. Disons simplement ici que cela ne fut pas sans me rappeler une prédiction météo faite, il y a quelques trente ans, par le bonhomme Robichaux dans son champ de tabac, apercevant une tornade miniature sur l’horizon. Une sorcière de vent, ça annonce trois jours de temps sec. Trois jours juste. Il se mit à pleuvoir le quatrième jour et force me fut d’envisager la possibilité que le bonhomme Robichaux détienne, comme maint de ses semblables, des connaissances de météorologie empirique valant bien celle de nos téloches. On pourrait citer de tels exemples ad infinitum de jeux malicieux sur le guéridon central des causes et des conséquences… Cela ne vaut pas dire qu’il ne faille pas s’imprégner de tout cela avec la plus sidérale des circonspections, car sensationnalisme et irrationalité s’y enchevêtrent intimement, plus souvent qu’à leur tour.

Bon, pour ne pas flétrir tel ou tel de nos folliculaires qui font hardiment remonter un bon lot de ces statistiques intempestives à la surface de notre attention, en les faisant dériver, comme le reste, de dépêche en dépêche au gré de l’actualité, je tirerai tous mes exemples ici d’un ouvrage aussi incontournable que parfaitement imperméable au moindre sarcasme grinçant. J’ai nommé: Noel BOTHAM (2004), The World’s Greatest Book of Useless Information [Le plus grand livre d’informations inutiles au monde], John Blake Publising Ltd, London, 408 p {dont nous abrégerons le titre ici en WGBUI  – je traduis directement les citations en français et, s’il faut tout dire, je les tire de la version papier de cette copieuse compilation de faits désarmants, dont je n’exploite pas 5% du contenu – et ceci sera ma seule statistique intempestive personnelle aujourd’hui). Comprenons nous bien ici, pour le bénéfice du petit exercice d’inquiétude critique auquel je vous convie, je vais postuler que le susdit WGBUI nous dit la vérité vraie, même s’il ne cite pas ses sources ou ses procédures d’investigation et envoie parfois des relents aussi denses que douteux de légende urbaine. Ce postulat véritabliste est un strict artéfact de méthode et, avant que ceux de mes lecteurs qui me traitent de tous les noms ajoutent celui de statisticien intempestif au corpus copieux de leur antipanégyrique, je vous dirai sans faillir que si la fumeuse étude vaguement citée plus haut se trompe et qu’en fait ce sont incontestablement les hommes portant des chaussures avec lacets qui égarent quatre fois plus souvent leurs clés de voiture que les femmes pourtant des chapeaux rubanés, les tout petits mais fort agaçants problèmes logiques posés par les statistiques intempestives restent parfaitement entiers et entraînent, dans leurs sillages poisseux, une portée générale pour le sociologue, l’ethnologue et l’historien sur laquelle j’aimerais bien, par la présente, vous faire quand même un petit peu tiquer. C’est au problème logique de principe que je m’intéresse ici, donc, en fait, bien plus qu’aux «informations» statistiques (intempestives) spécifiques ou à leur véracité, si tant est.

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Nombres bruts, souvent invérifiables mais, au moins, (presque) toujours limpides. D’abord voyons les cas les moins suspects ou bizarres dans tout ce fatras informatif: les nombres bruts. Contrairement aux statistiques intempestives impliquant des proportions ou des pourcentages, les présentations de nombres bruts, elles, n’opèrent aucun nivellement de données quantitativement comparées et ne cultivent aucun beau risque explicitement ou implicitement explicatif. L’information transmise est donc moins susceptible de charrier des flous corrélatifs permettant d’ouvrir la porte à des dérives délirantes de nature intempestive. Donc, on peut proposer que ça se boit comme de la bonne eau de source. Jugez plutôt.

Douze millions d’américains ne savent pas que la capitale de leur pays est Washington. (WGBUI, page 334)

496 des 500 plus grosses entreprises américaines sont dirigées par des hommes. (WGBUI, page 374)

Le bottin téléphonique de New York avait 22 Hitler enregistrés avant la Seconde Guerre Mondiale et aucun après. (WGBUI, page 363)

Il y a plus de 63 millions d’ouvrage portant sur Star Trek publiés dans le monde, en plus de 15 langues. Il se vend 13 de ces ouvrages par minute, aux États-Unis. (WGBUI, page 285)

Lors de la grande panne de courant électrique sur New York les 13 et 14 juillets 1977,  il y eut un nombre record de 80 millions de coups de téléphones. (WGBUI, page 321)

Des 34,000 morts annuelles par arme à feu aux États-Unis, moins de 300 sont des homicides qu’on pourrait considérer comme «légitimes», catégorie incluant le fait d’abattre un cambrioleur, un agresseur violent ou un violeur. (WGBUI, page 347)

Depuis 1976, il y a eu plus de 700 exécutions aux États-Unis. Près du tiers de ces exécutions a eu lieu au Texas. (WGBUI, pages 374, 376)

Annuellement aux États-Unis, une valeur de $200 millions en timbres-poste demeure inutilisée et finit dans des albums de collectionneurs. Ces derniers sont au nombre d’au moins 22 millions, dans ce seul pays. (WGBUI, page 352)

Neuf personnes meurent quotidiennement aux États-Unis pour avoir bu, mangé ou inhalé quelque chose d’autre que de la nourriture. (WGBUI, page 370)

500 américains meurent de froid à chaque année. (WGBUI, page 370)

Deux millions de personnes sont hospitalisées chaque année suite aux effets secondaires de médicaments prescrits ou à des réactions à ceux-ci, et le nombre astronomique de 140,000 personnes meurent pour ces raisons. (WGBUI, page 114)

Plus de 100,000 américains meurent annuellement de réactions allergiques (ou autres) aux effets secondaires de médicaments leur ayant été prescrits. (WGBUI, page 348)

Le 13 du mois tombe un vendredi plus souvent que tous les autres jours de la semaine. Sur une période de 400 ans, il y aura 688 vendredis 13. (WGBUI, page 375)

Dans le laps de temps qu’il vous faudra pour lire cette phrase, 50,000 cellules de votre corps mourront et seront remplacées. (WGBUI, page 112)

Un mille cube (4 kilomètres cubes) de brouillard ordinaire contient moins d’un gallon (4.5 litres) d’eau. (WGBUI, page 143)

Il faudrait manger 11 livres (5 kilos) de pommes de terre pour prendre une livre (0.45 kilos) de poids corporel. Une pomme de terre ne contient pas plus de calories qu’une pomme. (WGBUI, page 309)

Les croustilles (potato chips) sont le goûter favori des américains. Ils en dévorent annuellement 1.2 milliards de livres (environ 540 millions de kilos). (WGBUI, page 348)

Un individu ordinaire passe 30 ans en colère contre un membre de sa famille. (WGBUI, page 237)

On estime que le nord-américain moyen ouvre la porte de son réfrigérateur 22 fois quotidiennement. (WGBUI, page 351)

En 1987 American Airlines fit une économie de 23,000 livres sterling en retirant une olive de la salade des passagers de première classe. (WGBUI, page 367)

Ces chiffres cruciaux bien en main, la part du sociologiquement révélateur et de l’anecdotique creux reste naturellement à faire pour les uns et pour les autres mais, bon, au moins, les chances de se faire jouer un hocus-pocus sur les quantités, les implications ou les significations sont réduites à un minimum acceptable. Profitons-en car ce ne sera pas toujours le cas.

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Pourcentages limpides et pourcentages fumeux. Le problème vers lequel on se dirige, qui, fondamentalement, en est un de communication adéquate des informations quantifiées, va subitement s’intensifier avec les incontournables pourcentages (et comparaisons proportionnelles du même type, y compris les fameux «pour mille» des démographes). Dans le monde lapidaire des statistiques intempestives, de nombreuses informations se fournissent en ronflants pourcentages. Si certains de ces pourcentages sont clairs comme de l’eau de roche, d’autres apparaissent vite comme de véritables casse-tête mentaux.

Pourcentages parfaitement compréhensibles. Il ne semble pas y avoir de problème particulier avec les pourcentages de la série suivante. On ne sait toujours pas d’où ils sortent mais enfin, au moins, ils se décodent sans ambivalence.

Près de 50% des journaux publiés au monde le sont aux États-Unis et au Canada. (WGBUI, page 282)

La forêt couvre environ 60% de la Pennsylvanie, dont le nom signifie la «forêt de Penn» (du nom de son fondateur William Penn). (WGBUI, page 350)

25% des américains ne savent pas ce que l’on entend par l’Holocauste. (WGBUI, page 321)

Environ 27% de la nourriture produite dans le monde industrialisé est perdue, parce que tout simplement jetée. (WGBUI, page 313)

Près de 25% des propriétaires d’animaux domestiques américains amènent leur animal domestique au travail. (WGBUI, page 320)

62 % des propriétaires de chiens américains signent leurs lettres ou cartes postales de leur nom et de celui de leur chien. (WGBUI, page 321)

49% des américains ne savent pas que le pain blanc est fait de blé. (WGBUI, page 324)

La diète contemporaine de l’américain moyen consiste en 55% de malbouffe (junk food). (WGBUI, page 325)

Les gens ayant des ordinateurs à la maison ont tendance à regarder 40% moins de télévision que la moyenne. (WGBUI, page 223)

 Le nombre de centenaires (100 ans ou plus) a plus que doublé depuis 1980 et se situe aujourd’hui aux environs de 50,000. Quatre sur cinq [80%] d’entre eux sont des femmes. (WGBUI, page 115)

La perte de seulement 15% de l’eau de notre corps pourrait nous être fatale. (WGBUI, page 116)

Les muscles d’un homme de taille moyenne représentent environ 40% de son poids, soit environ 32kg (70 lb). Les muscles d’une femme de taille moyenne représentent environ 30% de son poids, soit environ 20kg (43 lb). (WGBUI, page 90)

Le cerveau moyen représente 2% du poids total du corps. Il requiert cependant, pour fonctionner, 25% de tout l’oxygène absorbé, quand 12% de celle-ci va aux reins et 7% va au cœur. (WGBUI, page 97)

Alors que 7 hommes sur 100 souffrent d’une forme ou d’une autre de cécité aux couleurs, seulement une femme sur 1,000 souffre de cette déficience. (WGBUI, page 100)

Environ 6% de la population mondiale est susceptible de subir la paralysie du sommeil, une incapacité à bouger et à parler perdurant plusieurs minutes après le réveil. (WGBUI, page 130)

On estime que 60% des détecteurs de fumée résidentiels actuellement en usage ne fonctionnent pas, soit parce qu’ils n’ont pas de piles, soit parce que leurs piles sont à plat. (WGBUI, page 146)

Seulement 29% des couples mariés sont en accord sur l’intégralité des questions et enjeux politiques. (WGBUI, page 231)

75% des personnes qui font jouer la radio de leur automobile chantent sur l’air jouant à la radio. (WGBUI, page 235)

30% de tous les mariages se font par simple amitié. (WGBUI, page 237)

70% des femmes préfèrent manger du chocolat qu’avoir une relation sexuelle. (WGBUI, page 237)

Un poulet sur cinq que vous trouvez au supermarché est infecté au Campylobacter, une bactérie susceptible de causer un empoisonnement alimentaire. (WGBUI, page 316)

Des bactéries, notamment le Staphylocoque, la E Coli et la Klebsiella, sont présentes sur 18% des pièces de monnaie et sur 7% des billets de banque, aux États-Unis. (WGBUI, page 318)

Un aborigène américain sur 5 meurt dans un accident routier tandis qu’un américain de la population non-aborigène sur 17 meurt dans un accident routier. (WGBUI, page 318)

Une enquête portant sur des jeunes de 18 à 24 ans de neufs pays place les américains au dernier rang pour les connaissances générales en géographie. Un américain sur 7, soit environ 24 millions de personnes, ne saurait vous montrer son propre pays sur une mappemonde muette. Fait plus alarmants, tous les participants à cette enquête étaient des diplômés de collège ou d’université. (WGBUI, page 318)

8% des américains qui s’embrassent le font en gardant les yeux ouverts, tandis que 20% d’entre eux jettent un petit coup d’œil de temps en temps. (WGBUI, page 327)

Les États-Unis s’approprient 50% de la production mondiale de diamants alors qu’il n’existe qu’une seule mine de diamant aux États-Unis, en Arkansas. (WGBUI, page 326)

Les adolescents américains jouent jusqu’à un milliard de dollars par année, et on croit qu’environ 7% des adolescents de moins de 18 ans aux États-Unis sont des joueurs compulsifs. (WGBUI, page 327)

21% des enfants américains mangent du chocolat tous les jours. (WGBUI, page 328)

Les États-Unis, avec 5% de la population mondiale, ont 70% des avocats du monde. (WGBUI, page 329)

Per capita, les américains dépensent quatre fois plus d’énergie que ne le faisaient la génération de leurs grands parents. (WGBUI, page 331)

Environ 60% des bébés américains sont nommés d’après des membres de leur famille ou des proches. (WGBUI, page 333)

Il est estimé qu’un américain sur 5 –environ 38 millions de personnes- n’aime pas le sexe. (WGBUI, page 333)

20% des américains ne savent pas qu’Osama Ben Laden et Saddam Hussein sont deux personnes différentes. (WGBUI, page 335)

Dans plus de 40% des maisonnées américaines où vivent des enfants, il y a une arme à feu. (WGBUI, page 336)

Aux États-Unis, les tribunaux consacrent environ 50% de leur temps à des causes impliquant ou concernant des automobiles. (WGBUI, page 336)

Les États-Unis produisent 19% des détritus mondiaux. Cette contribution annuelle inclut notamment 20 milliards de couches jetables et deux milliards de rasoirs jetables. (WGBUI, page 337)

Environ 25% du territoire de la ville de Los Angeles est couvert de voitures. (WGBUI, page 342)

52% des américains croient que l’homme préhistorique co-existait avec les dinosaures. (WGBUI, page 344)

65% des américaines portent un soutien-gorge de la mauvaise grandeur. (WGBUI, page 346)

Environ 66% des magazine que l’on retrouve jetés le long des routes aux États-Unis sont des revues pornographiques. (WGBUI, page 347)

Il arrive que la quantité de chiens-chauds (hot-dogs) vendus dans les stades de baseball dépasse le nombre de spectateurs présents. Mais, habituellement, le nombre de chiens-chauds vendus dans un stade de baseball représente 80% du nombre de spectateurs. (WGBUI, page 348)

On estime qu’environ 33% des blondes américaines sont de fausses blondes. (WGBUI, page 350)

Tous les jours, aux États-Unis, une centaine de personnes âgées de plus de 14 ans se suicident. Il s’agit là d’une augmentation de 50% entre la décennie 1990-2000 et la décennie 2000-2010. (WGBUI, page 354)

Les chiens mordent environ un million d’américains par année. 800,000 de ces morsures de chiens nécessitent une attention médicale urgente. Les morsures de chiens, arrivent en second, juste après les maladies transmissibles sexuellement, au chapitre des problèmes de santé les plus coûteux aux États-Unis. 60% des personnes mordues sont des enfants et 80% des personnes y perdant la vie sont aussi des enfants. (WGBUI, page 357)

Seulement 8% des pommes de terre cultivées aux États-Unis sont utilisées pour confectionner des croustilles (potato chips) (WGBUI, page 359)

Le 2/3 des adultes américains souffre d’hémorroïdes. (WGBUI, page 360)

Une boite de céréales sur 11 vendue aux États-Unis est une boite de Cheerios. (WGBUI, page 361)

Un(e) adulte américain(e) de moins de 45 ans sur 15 a eu son premier emploi chez McDonald’s. (WGBUI, page 364)

25% des américains croient que Sherlock Holmes a véritablement existé. (WGBUI, page 364)

Le gagne-pain d’un travailleur de Caroline du Nord sur 11 dépend de l’industrie du tabac. (WGBUI, page 365)

Dans près de 10% des foyers américains, on costume l’animal domestique de la maison pour l’Halloween. (WGBUI, page 365)

Un américain sur 16 porte un des 12 noms de familles américains les plus usuels. (WGBUI, page 368)

Au jour d’aujourd’hui, seulement 33% des américains font de l’exercice régulièrement, et 66% d’entre eux ont un problème d’embonpoint. (WGBUI, page 370)

Pendant la première semaine du passage à l’heure avancée, le nombre d’accident de voitures augmente de 10%. (WGBUI, page 378)

50% de tous les meurtres sont commis avec une arme à feu. (WGBUI, page 378)

69% des accidents de voiture ont lieu à une distance de 25 milles [40 km] ou moins de la résidence de l’accidenté. (WGBUI, page 379)

19% des dormeurs ronfleurs ronflent suffisamment fort pour que leur ronflement soit audible à travers une porte close. (WGBUI, page 130)

À ceux qui diront qu’Ysengrimus est un chieur, je veux simplement dire que la majorité (je ne vais pas vous donner ça en pourcentage!) des pourcentages qu’on retrouve dans le journal du matin ne posent pas de problèmes particuliers. Ils sont clairs et nets, comme ceux que vous venez de lire ici, dans cette série spécifique. Le seul reproche qu’on peut leur faire est que, dans certains cas, un élément d’information resté implicite peut fausser la lecture du message global. On nous parle du pourcentage des dormeurs ronfleurs dont le raffut passe à travers une porte, sans fournir le pourcentage des ronfleurs. Une lecture distraite pourrait conclure, fautivement, que 19% des dormeurs ronflent aussi fort (alors qu’en fait c’est 19% du n% non spécifié des ronfleurs, sous-ensemble implicite de l’ensemble des dormeurs). Cette erreur, due à la mécompréhension d’un implicite, est assez commune dans ce genre d’info et, évidemment, le cocktail bien connu des contraintes de brièvetés et du goût du sensationnel n’arrange rien. Force est de supposer qu’Ysengrimus et le journal du matin ont en commun de ne pas écrire pour un lecteur sot ou inattentif. Force est cependant aussi d’observer que cette entourloupe de statistique intempestive est systématiquement et ouvertement utilisée pour fausser au moins une chose importante: la compréhension des résultats électoraux. L’exemple classique s’est reproduit sans encombre lors des élections canadiennes de 2011. On nous claironne partout que les Bleus réacs sont allés chercher leur gouvernement majoritaire avec 39.62% du ci-devant «vote populaire». En fait, il s’agit de 39.62% des 61.2% de canadiens ayant effectivement voté. Le pourcentage réel des purs électeurs réacs de 2011, au Canada est donc, en fait, de 24.24%… Laissez-moi vous dire qu’il faut creuser un petit peu plus loin que le canard matinal pour finir par dégotter ce chiffre. Ce ne serait pourtant rien de dire: 39.62% des électeurs effectifs (soit 24.24% des personnes ayant le droit de vote). On en rajoute plus pour les soi-disant températures «ressenties» dues à un facteur vent ou humidex vachement showbiz mais, de fait, bien mal étayé, lui…

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Pourcentages ambivalents. Dans la série suivante, par contre (justement), astuce, duplicité ou maladresse, il y a toutes sortes de sémillements informatifs qui font qu’on a subitement perdu la belle clarté de mes exemples antérieurs. On entre subrepticement dans une première forme de casse-tête logique.

En 1954, la compagnie d’alimentation General Mills introduisit sur le marché la céréale Trix. Cette nouvelle céréale, qui eut un succès immense auprès des enfant, était constituée de 46.6% de sucre. (WGBUI, page 307)

Aux États-Unis, plus de 50% des personnes qui se font mordre par un serpent venimeux, et ne se font pas soigner pour cette morsure, survivent. (WGBUI, page 318)

Plus de 40% des américaines ont fait parti de l’organisation du Scoutisme Féminin. Les deux tiers des femmes  inscrites au Who’s Who of Women sont d’anciennes Scoutes. (WGBUI, page 325)

Les relations sexuelles, les éclats de rage et le tennis extrême sont responsables de 17% des crises cardiaques. (WGBUI, page 117)

Le quart des gens qui perdent le sens de l’odorat perdent aussi le désir sexuel. (WGBUI, page 128)

10% des amateurs de Star Trek remplacent les lentilles de leurs lunettes tous les cinq ans, que le besoin s’en fasse sentir ou non. (WGBUI, page 220)

4% de la nourriture que vous mangerez dans votre vie le sera devant un réfrigérateur dont la porte sera ouverte. (WGBUI, page 315)

Moins de 33% des repas mangés aux États-Unis sont servis à une famille entière réunie. (WGBUI, page 367)

Environ 25% de tous les enfants vivent un ou plusieurs épisodes de somnambulisme entre l’âge de sept et douze ans. (WGBUI, page 88)

L’hémisphère gauche du cerveau préside au langagier chez 95% des droitiers. Chez les gauchers, pour 70% d’entre eux c’est l’hémisphère droit qui préside au langagier. (WGBUI, page 98)

L’accumulation moyenne de cirripèdes pour une durée de six mois sur la coque d’un navire produit une inertie qui force le véhicule à consommer 40% plus d’énergie en se déplaçant. (WGBUI, page 141)

Plus de la moitié des espèces animales du monde ne se retrouvent que dans la mer. Il y a mille fois plus d’êtres vivants dans la mer que sur terre. (WGBUI, pages 141, 143)

Environ 350 millions de boites de soupe au poulet et aux nouilles de toutes marques sont vendues annuellement aux États-Unis. 60% des ces dernières sont achetées pendant la saison des rhumes et des grippes. Le mois de janvier est le meilleurs mois de l’année pour la vente de soupe au poulet et aux nouilles. (WGBUI, page 306)

Une fois qu’une orange a été pressée ou coupée, sa vitamine C se dissipe rapidement. Après seulement 8 heures à la température de la pièce ou 24 heures au réfrigérateur, il y a une perte de 20% de la vitamine C d’une orange moyenne. (WGBUI, page 309)

Entre 1988 et 2003, le nombre de femmes vivant seules aux États-Unis a augmenté de 33% pour atteindre 33 millions. (WGBUI, page 345)

Avec 20.7 divorces pour 1,000 personnes mariées, les États-Unis sont les champions mondiaux du ménage rompu. Leur plus proche «rival» est le Danemark, avec 13.1 divorces pour 1,000 personnes mariées. (WGBUI, page 349)

De tous les états américains, Hawaï détient le plus haut taux d’incinérations avec 60.6 % de préférence pour l’incinération par rapport à l’enterrement. (WGBUI, page 362)

45.5% des meurtres sont le résultat immédiat d’une dispute, notamment d’une disputes entre des membres d’une même famille ou des amis. (WGBUI, page 375)

70% des américains ayant un cours secondaire ou moins encourageraient leur fille si elle souhaitait concourir pour devenir Miss America. 41% des détenteurs de diplômes universitaires disent qu’ils n’encourageraient pas leur fille à participer à un tel concours. (WGBUI, page 352)

Lorsque la diète quotidienne des pensionnaires d’un centre de détention juvénile de Virginie passa de la malbouffe américaine type à de la nourriture normale – céréales sans sucres, jus de fruits au lieu de boissons gazeuses etc. – le nombre de personnes commettant des offenses chroniques diminua de 56% et le nombre de personnes se comportant avec de bonnes manières augmenta de 71%. (WGBUI, page 366)

Les ordinateurs portables se font trop bousculer dans tous les sens. Cela les rend à peu près à 30% plus susceptible de cesser de fonctionner que les ordinateurs fixes. (WGBUI, page 147)

Environs 70% des ménages américains achètent de la moutarde jaune annuellement. (WGBUI, page 333)

Si cette seconde série vous semble aussi lisible que la précédente, je suggère que c’est un réflexe conformiste de lecture qui vous donne l’illusion d’avoir clairement compris ce qu’on vous raconte ici. On pourra discuter certains de ces cas de figures dans l’espace de discussion, si vous le voulez. Pour le moment, je vous laisse les décanter en m’en tenant à quelques exemples représentatifs. L’insulte la plus explicite à l’intelligence reste l’utilisation de pourcentages avec décimales pour la description de réalités non continues, comme un nombre de meurtres ou d’incinérations. Aussi, pensons-y une minute en sautant hors de la roue de la cage. Que signifie concrètement, pour un ordinateur portable d’être 30% plus susceptible de cesser de fonctionner et que font exactement les américains qui ne sont pas des acheteurs annuels de moutarde jaune? Ils en achètent bi-annuellement, hebdomadairement, sporadiquement ou pas du tout? Et que font de leurs lunettes les 90% d’amateurs de Star Trek qui n’en changent PAS mécaniquement et automatiquement aux cinq ans? L’implicite englobant la portion de réalité extérieure à la description devient ici trop vaste et cela brouille dangereusement la compréhension de l’information quantitative fournie. Il y a notamment le problème de la corrélation entre la statistique présentée et une tranche temporelle spécifique. L’orange coupée en quartiers finit-elle totalement exempte de la moindre vitamine C après une semaine au frigo ou 40 heures à l’air libre? Un an d’agglutination de cirripèdes sur la coque du navire lui fait-elle alors flauber 80% d’énergie supplémentaire, et un an et demi, 120% de ladite énergie en sus? Et est-ce alors, oui ou non, la panne des moteurs? Les enfants somnambules entre sept et douze ans voient-ils leur somnambulisme augmenter ou diminuer avec l’âge? Qu’en est-il du somnambulisme des babis de cinq ans, est-il plus ou moins fréquent? Que nous dit-on ici exactement, finalement? On dirait qu’un abus de la formulation en pourcentage, à la Yogi Berra («90% of the game is half mental» est une de ses devises cardinales) bizoune complètement la précision de l’information relayée. Regardez attentivement les pourcentages de cette série. Chacun d’eux fait l’objet d’une tendancieuse diversité possible d’interprétations, surtout eu égard aux éléments laissés implicites. Il n’aurait peut-être pas fallu user si cavalièrement des symboles % et ‰.

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À-peu-près-100%. Et, à propos, au chapitre de l’abus de la formulation en pourcentages, figurent en excellente position les À-peu-près-100%. Voici, en effet, le lot des certitudes, habituellement, presque toujours, piquées d’un petit bémol autoprotecteur. Il y en a des plus bizarres que d’autres et, notre tout premier exemple le prouve, on pourrait parfaitement les avancer sans que le mythologique signe % n’apparaisse dans la formulation.

Si un jumeau identique grandit avec une dent en moins, le second jumeau identique grandira habituellement, lui aussi avec une dent en moins. (WGBUI, page 96)

La vue compte pour 90% à 95% de toutes les perceptions sensorielles. (WGBUI, page 101)

99% de toutes les formes de vie ayant existé sur terre sont aujourd’hui disparues. (WGBUI, page 149)

Plus de 95% de la population de la Grèce est orthodoxe, de l’Église Orthodoxe Grecque. (WGBUI, page 154)

Près de 100% de la saleté d’une maison normale vient du dehors. 80% de cette saleté est apporté par les gens, collée à leurs chaussures ou à leurs vêtements. (WGBUI, page 376)

Et le 20% qui reste, il entre par les fenêtres par jour de vent ou marche par lui-même sous formes de frémilles, de mites et d’araignées? Dites-moi, un peu? À ce point-ci, inévitablement, notre entendement commence aussi à se révolter quand même un petit peu, et des questions commencent à percoler dans notre esprit, devant toutes les certitudes claironnées de ce savoir folliculaire bizarroïde. Comment savez-vous cela? Qui vous l’a dit? Et subitement, zouzouzou… cela nous entraîne vers la catégorie suivante, qui, elle, est un indubitable scandale informatif et intellectuel aussi virulent que sidéralement banal.

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Les statistiques d’autoproclamation. Que valent, en effet, des pourcentages subtils de précision, comme du papier à musique, quand ils portent non pas sur soi mais sur ce que l’on dit, ou affirme, ou prétend, ou croit, ou veut croire, ou veut faire croire de soi?

Une personne sur dix admet qu’elle serait susceptible d’acheter une tenue vestimentaire avec l’intention délibérée de la porter une seule fois et d’aller la rendre ensuite. (WGBUI, page 231)

39% des gens admettent que, invités chez des amis, ils ont jeté un coup d’œil fureteur dans leur cabinet à médicaments. (WGBUI, page 231)

33% des propriétaires de chien américains admettent parler à leur chien au téléphone ou lui laisser des messages sur un répondeur, quand ils sont absents. (WGBUI, page 326)

Près de 90% des américains se décrivent comme timides. (WGBUI, page 328)

16% des américains affirment lire la Bible tous les jours. (WGBUI, page 359)

62% des buveurs de café réguliers âgés entre 35 et 49 ans disent se fâcher s’ils ne peuvent pas boire une tasse de café à l’heure où ils le font habituellement. Seulement 50% des buveurs de café réguliers de moins de 35 ans déclarent se fâcher pour la même raison. (WGBUI, page 238)

Près de 70% des écoliers américains déclarent que la pizza est leur plat de résistance favori, le maïs leur légume favori, le biscuit leur dessert favori. (WGBUI, page 364)

49% des papas américains se décrivent comme étant un meilleur parent que leur père. (WGBUI, page 349)

36% des américains déclarent qu’ils n’éliraient pas un athée comme président. (WGBUI, page 361)

73% des américains sont prêts à porter leurs vêtements jusqu’à leur usure complète. (WGBUI, page 354)

Oui, mais le feront-ils? On voit bien le problème ici et, perso, je le trouve suprêmement agaçant. Tant admettent faire ceci mais combien le font sans l’admettre? Tant prétendent lire la Bible mais combien ne le font pas et disent le faire. Je me trouve meilleur papa que mon papa mais qu’en dirait mon papa… ou ses petits-fils? Les petits jeunes buveurs de café connaissant peut-être plus mal que leurs aînés une corrélation colère/manque qui, elle, monte en eux, tant et tant qu’ils sont moins aptes à la rapporter et ce, sans que cela n’atteste son inexistence. Les statistiques intempestives sont déjà bien faiblardes par elles-mêmes, faut-il en plus les plomber en les lançant dans une problématique de la si brumeuse traversée du filtre subjectif, abdiquant de ce fait notre fonction d’ethnologue ou de sociologue en la vissant sans méthode sur le dos de nos informateurs, comme une selle sur un cochon? Sans compter que, parfois, cela bascule de bonne fois dans le pragmatisme le plus pernicieux. Si un pourcentage élevé d’américains croit que Roxie Hart n’a pas fait le coup de feu, ça y est, subitement, elle ne l’a plus fait? Si la majorité des américains croit que le service de la dette est plus important que la couverture de santé, ça y est, il faut ne plus les soigner? Bon, s’ils sont massivement favorables à la peine de mort ou à la ségrégation, pourquoi ne pas les réintroduire? Dangereux, ça. Virtuellement omniprésentes, ces statistiques d’autoproclamation renseignent plus sur celui ou celle qui autoproclame que sur ce qui est autoproclamé. Ajoutons que plusieurs des informations «objectives» de mes autres catégories se fient, largement ou totalement, sur la parole de la personne sondée, sans explicitement l’admettre (que l’ethnologue fureteur qui a observé de visu le comportement oculaire des américains quand ils se bécotent lève la mains svp). On a là un artefact de plus. Ce problème de brouillage subjectif, derrière lequel se profilent des problèmes de méthode plus profonds, est donc passablement plus étendu qu’il n’y parait, surtout dans l’information journalistique usuelle qui, elle, s’alimente massivement aux sondages et polls d’opinions de toutes farines. Mais revenons à nos questions de corrélations de quantités objectives.

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Ceci pour cela. Avec le nivellement des faits, souvent passablement fallacieux, du ceci pour cela, on tombe dans le problème inverse du précédent. Oh, l’information, cette fois-ci, est totalement objective mais son organisation est si crûment éclectique qu’on se demande un peu si ce n’est pas plus du divertissement que du journalisme effectif qui nous roule sous le nez. Il s’agit ici simplement de comparer les deux quantités distinctes de deux objets distincts, au sein d’un ensemble donné. La question, respectueuse mais toutefois incontournable, que cela soulève est tout simplement: pourquoi le faire?

La population mondiale de poulets est de plus du double de la population mondiale d’humains et la population mondiale de bétail est supérieure à la population humaine de la Chine. (WGBUI, page 141)

Sur Terre, il y a 200 millions d’insectes pour chaque humain. (WGBUI, page 147)

Il y a environ un livre de bibliothèque par personne sur terre. (WGBUI, page 293)

Il y a deux cartes de crédit par personne, aux États-Unis. (WGBUI, page 337)

Avec approximativement 135 millions d’automobiles au plan national, il est estimé qu’il y a environ une automobile pour deux américains. (WGBUI, page 338)

En 1995 aux États-Unis, KFC a vendu un morceau de poulet pour chaque homme, femme et enfant américain. (WGBUI, page 344)

À Las Vegas, il y a une machine à sous pour 8 habitants. (WGBUI, page 333)

L’Alaska compte plus de caribous que de citoyens. (WGBUI, page 351)

Il y a plus de gens dans la ville de New York (8 millions de personnes) que dans les états de l’Alaska, du Vermont, du Wyoming, du Dakota du sud, du New Hampshire, du Nevada, de l’Idaho, de l’Utah, d’Hawaï, du Delaware, et du Nouveau-Mexique combinés. (WGBUI, page 340)

Il y  a plus de téléphones que de personnes dans la ville de Washington. (WGBUI, page 341)

Il y a plus de téléviseurs aux États-Unis qu’il n’y a de personnes au Japon. (WGBUI, page 341)

Il y a une distributrice automatique pour chaque 55 américains. (WGBUI, page 370)

Il y a un psychologue ou psychiatre pour chaque 2,641 américains. (WGBUI, page 369)

Aux États-Unis, une personne meurt dans un incendie toutes les 147 minutes. (WGBUI, page 364)

En dépit de systèmes de protections incluant des clignotants lumineux, des cloches et des barrières mobiles, un train percute un véhicule routier tous les 90 minutes, aux États-Unis. (WGBUI, page 352)

On se fait dire qu’il y a deux cartes de crédits par personne aux États-Unis, de là à se mettre a croire que tout le monde a sa Visa et sa Master Card, il y a un pas vite et distraitement franchi. Alors qu’en fait, évidement, on se console en se disant que, nivellement statistique oblige, chaque homme, femme et enfant n’a pas vraiment mordu dans un morceau de poulet-merde KFC, sauf que, tout de même… Un cas spécifique du Ceci pour cela c’est l’équivalence, établie intempestivement, entre une action et une quantité temporelle fixe (Le fameux: Los Angeles, toutes les minutes, un crime y est commis). Nivellement statistique bassement mécaniste ou information effective et factuelle? Allez donc vraiment savoir… Et bon, le reste à l’avenant…

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Comparaisons sans transposition. Bon, notre premier vrai problème de logique affleure ici. C’est un problème ensembliste, si vous voulez. L’idée est qu’il faut, en fait, procéder à des comparaisons sans transposition ou tout simplement: comparer, sans éclectisme, ce qui est comparable. Cela arrive fréquemment d’ailleurs, sans référence trop appuyée à des quantités explicites, et avec un efficace descriptif parfaitement honnête.

La population mondiale de religion Catholique Romaine est plus nombreuse que celle de toutes les autres sectes chrétiennes combinées. (WGBUI, page 154)

Don Quichotte est le second ouvrage ayant été traduit dans le plus grand nombre de langues, le premier étant la Bible. (WGBUI, page 296)

Plus d’ouvrages ont été écrits sur Jack l’Éventreur que sur tout autre meurtrier au monde. (WGBUI, page 294)

Le cerveau des hommes est moins bien formé et rétrécit à une vitesse plus grande que le cerveau des femmes. (WGBUI, page 119)

Les garçons sont plus susceptibles d’être gauchers que les filles. (WGBUI, page 121)

Les principaux systèmes corporels des humains de sexe masculin – système circulatoire, respiratoire, digestif et défécatoire – sont tous hautement susceptibles de cesser de fonctionner avant les principaux systèmes corporels des humains de sexe féminin. (WGBUI, page 121)

Les hommes atteignent le sommet de leur ardeur sexuelles vers la fin de l’adolescence, début de la vingtaine. Leur ardeur décline graduellement à partir de ce moment là. Les femmes, pour leur part, n’atteignent le sommet de leur ardeur sexuelle que vers la fin de la vingtaine, début de la trentaine. Elles maintiennent alors ce niveau stable d’ardeur sexuelle jusque vers la fin de la cinquantaine début de la soixantaine. (WGBUI, page 123)

Le granite conduit les sons 10 fois plus vite que l’air. (WGBUI, page 147)

Quiconque écrit une lettre au New York Times a une chance sur 21 de la voir publiée. Ceux qui écrivent au Washington Post disposent de meilleures chances avec une lettre sur 8 publiée. (WGBUI, page 282)

Il y a plus d’hommes que de femmes qui se suicident aux États-Unis. (WGBUI, page 360)

Il y a plus de femmes que d’hommes millionnaires aux États-Unis. (WGBUI, page 365)

Une femme noire américaine est quatre fois plus susceptible de mourir en couche qu’une femme blanche américaine. (WGBUI, page 374)

Les hommes sont quatre fois plus susceptibles de commettre une tentative de suicide que les femmes. (WGBUI, page 375)

Des 20 plus grands pays industrialisés, Les États-Unis sont celui avec le taux de participation le plus faible aux élections. (WGBUI, page 375)

Il y a, en moyenne, plus d’animaux tués par des automobilistes que par des chasseurs armés de fusils. (WGBUI, page 377)

Les États-Unis ont [proportionnellement – P.L.] deux fois plus de mères ayant moins de vingt ans que le Canada. (WGBUI, page 374)

Tout à coup le curieux effet d’incohérence fallacieuse (corrélation caribous/citoyens ou citoyens japonais/téléviseurs américains) de la série antérieure disparaît, parce qu’on compare du comparable. On notera le proportionnellement que je rajoute dans le dernier exemples sinon, il devient ouvertement délirant (la population du Canada représentant un peu plus de 10% de celle des États-Unis). Si on laisse ces petits accidents de côté, on a ici, aussi, une série parfaitement informative. La plus informative, peut-être, avec celles des pourcentages non-ambivalents et des nombres bruts. Ces comparaisons ne font pas de transpositions qualitatives. Elles corrèlent, souvent, utilement, ce qui est effectivement existant dans le monde et y est lié, objectivement connecté. Et pourtant la comparaison journalistique la plus sérieuse n’est méthodologiquement pas très éloignée de la comparaison la plus showbiz imaginable.

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Transpositions qualitatives (et comparatives) du quantitatif. Pour fin de «démonstration», on explicite souvent des quantités avec l’aide d’une image qualitative choc, souvent hautement spectaculaire (j’admets sans rougir que cette série compte au nombre de mes préférées, émotivement sinon intellectuellement). Jouissifs pour les sens, marrants pour se fendre le bide, toujours hirsutement fictifs, ces procédés descriptifs, grands favoris des encyclopédies enfantines d’autrefois, interpellent l’imaginaire certes mais on peut, sans honte, se demander ce qu’ils valent vraiment dans notre compréhension effective du monde. Ici, contrairement au cas de figure précédent, et derechef, on compare du pas vraiment comparable.

Un corps humain ordinaire contient suffisamment de soufre pour tuer toutes les puces d’un chien ordinaire, suffisamment de potassium pour actionner la mise à feu d’un canon jouet, suffisamment de carbone pour fabriquer 900 crayons, suffisamment de matière grasse pour confectionner 7 barres de savon, 45 litres (10 gallons) d’eau et suffisamment de phosphore pour confectionner 2,200 têtes d’allumettes. (WGBUI, page 111)

La soute de la navette spatiale est suffisamment volumineuse pour contenir une baleine à bosses tout en ayant encore assez d’espace pour caser 1,000 harengs en sa compagnie. C’est l’équivalent du volume de 250,000 plaques de chocolats de quatre onces. (WGBUI, page 143)

Un Boing 747 pèse 55 fois le poids d’un éléphant d’Afrique moyen. (WGBUI, page 143)

Un éclair génère une température cinq fois plus élevée que celle qu’on détecte à la surface du soleil. (WGBUI, page 144)

Toute la masse des surfaces de terrain terrestres, et même plus, pourrait entrer dans l’Océan Pacifique. (WGBUI, page 144)

Le poids de la Terre équivaut à celui de 80 lunes. (WGBUI, page 147)

Une puce a une vitesse d’accélération pouvant atteindre 50 fois celle de la navette spatiale. (WGBUI, page 147)

Certains petits mammifères, comme les chauve-souris et les musaraignes, consomment quotidiennement jusqu’à une fois et demi leur poids corporel en nourriture. Pour un homme adulte, cela équivaudrait à la consommation quotidienne de 1,000 hamburgers au fromage d’un quart de livre ou de 50 réveillons de Noël. (WGBUI, page 148)

Un million de dollars en billets de $1 pèseraient environ une tonne. Mis en pile, cela donnerait une pile de 360 pieds (110 mètres) de haut, l’équivalent de 60 adultes de taille moyenne empilés les uns par-dessus les autres. (WGBUI, page 331)

Une édition dominicale du New York Times consomme l’équivalent de 63,000 arbres. (WGBUI, page 298)

En terme des ressources consommées et de pollution engendrée dans le cours d’une vie, un citoyen des États-Unis équivaut à 80 citoyens de l’Inde. (WGBUI, page 343)

Si le fleuve Nil s’étendait aux États-Unis, il couvrirait environ la distance entre New York et Los Angeles. (WGBUI, page 343)

Denver, capitale du Colorado, est la plus grande ville d’importance dans un rayon de 600 milles (966 km), soit un territoire de la grandeur de l’Europe (WGBUI, page 346)

L’Alaska est si vaste que si vous pouviez voir un million d’acres de cet état par jour, vous en auriez pour une année entière pour voir tout l’état. (WGBUI, page 353)

Aux États-Unis, une livre (0.45 kilos) de croustilles (potato chips) coûte 200 fois plus cher qu’une livre de pommes de terre. (WGBUI, page 354)

Il y a plus d’américains qui sont morts dans des accidents de voitures que d’américains qui sont morts dans l’intégralité des guerres ayant été menées par les États-Unis. (WGBUI, page 358)

L’américain(e) moyen(ne) mange 38 cochons dans le cours de son existence. (WGBUI, page 362)

Le nord-américain moyen mangera 35,000 biscuits dans le cours de sa vie. (WGBUI, page 339)

Les américains consomment quotidiennement suffisamment de papier de toilette pour faire neuf fois le tour du monde. S’il tenait sur un rouleau unique gigantesque, il se déroulerait à une vitesse de 7,600 milles à l’heure, soit Mach 10, dix fois la vitesse du son. (WGBUI, page 369)

Si toutes les tranches de pizzas mangées quotidiennement par les américains provenaient d’un pizza unique, elle couvrirait 11 stades de footballs. (WGBUI, page 370)

Au Pentagone, il faut 15 mois de formation (à l’Académie de Musique du Pentagone) pour devenir chef d’orchestre militaire, et tout juste 13 mois de formation pour devenir pilote d’avion de chasse. (WGBUI, page 380)

Oh, que c’est showbiz. J’adore. C’est pas sérieux, mais j’adore. Il y a en fait peu de représentants de cette série dans nos journaux d’ailleurs. Ceux-ci, en effet, cherchent tellement à perpétuer leur réputation surfaite de sérieux qu’ils se tiennent loin de ce genre de formulation passablement calembredainesque. Et pourtant, les statistiques qu’ils retiennent sont souvent bien plus proches de ce genre de transposition de guignol qu’on ne le croit.

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Les jeux malicieux sur le guéridon central des causes et des conséquences. Ne cherchez pas trop la signification de ce diagramme, au fait. Comme maintes statistiques intempestives, c’est de la frime pour mystifier les gogos…

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Bon maintenant, épaississons le cloaque logique encore un petit peu plus, si vous le voulez bien. Je vous pérorais, en ouverture, qu’on pourrait citer ad infinitum (vous commencez, j’en suis certain, à prendre la mesure de cette formulation) des exemples de jeux malicieux sur le guéridon central des causes et des conséquences… Commencez d’abord par bien vous imprégner de ce principe fondamental, archi-connu des historiens et des sociologues. Il synthétise tout le malaise cognitif qu’il nous reste encore à vivre: il n’y a rien de plus difficile à circonscrire que la causalité effective des choses.

Tierce causalité. Les cas de tierce causalité apparaissent quand la cause d’un phénomène n’est pas celle qu’on nous fournit (ou semble nous fournir) mais bel et bien un autre phénomène qui lui est afférent et qui, donc, continue de se donner à une recherche que la présentation de la statistique intempestive ne favorise pas parce que, sciemment ou non, elle masque cette tierce causalité.

Il naît plus de jumeaux dans la partie orientale que dans la partie occidentale du monde. (WGBUI, page 112)

Les gens qui se rendent à l’église, à la synagogue ou à tout autre office religieux une fois par semaine vivent en moyenne jusqu’à 82 ans. Les non pratiquants vivent en moyenne jusque à 75 ans, soit sept ans de moins. (WGBUI, page 113)

Des études démontrent que les Protestants mariés à des Catholiques et les Juifs mariés à des Catholiques ont des relations sexuelles plus fréquentes que les Protestants mariés à des coreligionnaires, que les Juifs mariés à des coreligionnaires, ou que les Protestants mariés à des Juifs. (WGBUI, page 154)

La période entre 16 heure et 18 heure est celle où les gens sont le plus irritables. (WGBUI, page 116)

Une victime de morsure de serpent sur trois est ivre. Une victime de morsure de serpent sur cinq est tatouée. (WGBUI, page 221)

Les couples qui suivent une diète alors qu’ils sont en vacance se disputent trois fois plus que ceux qui ne sont pas à la diète. Les couples qui ne suivent pas de diète alors qu’ils sont en vacance ont trois fois plus d’interludes romantiques. (WGBUI, page 230)

En moyenne, le cerveau d’une femme représente 2.5% de son poids corporel. Le cerveau d’un homme ne représente que 2% de son poids corporel. (WGBUI, page 98)

Les femmes âgées sont plus susceptibles de vivre seules que les hommes âgés. 17% des hommes de plus de 65 ans vivent seuls alors que 42% des femmes des plus de 65 ans vivent seules. (WGBUI, page 242)

Les patients dans les hôpitaux tombent de leur lit deux fois plus souvent que les patientes. (WGBUI, page 221)

Les hommes sont plus fertiles en hiver. (WGBUI, page 125)

Les hommes sont plus susceptibles que les femmes d’être porteurs d’une maladie sexuellement transmissible. (WGBUI, page 376)

Les gens qui se suicident le font de préférence le lundi. (WGBUI, page 377)

Chez le jeune enfant, la majorité des étouffements de nature non alimentaires sont causés par des ballons de fête (29%) puis des balles et des billes (19%). Les enfants de plus de trois ans sont plus susceptibles de mourir étouffés par un ballon de fête que les plus jeunes. (WGBUI, page 87)

Il naît plus de jumeaux dans la partie du monde où il naît plus de gens. Big deal! Si la longévité des hommes est inférieure à celle des femmes, elles finiront leur vie seule dans une culture monogame, et, quand on sait l’impact d’une diète sur l’humeur, on n’est pas surpris des conséquences sur les disputes et les interludes romantiques, deux comportements habituellement incompatibles, surtout en vacance (diète et vacance étant aussi culturellement incompatibles). La tierce causalité apparaît quand le lien entre la donnée A et la donnée B tient à une donnée C non explicitée, Les petits babis meurent moins étouffés par un ballon de fête, vu que notre culture commence à impliquer un jeune enfant dans une fête quand il n’est plus tout à fait un babi. Les balles et les billes apparaissent un peu partout. Les ballons de fête n’apparaissent que dans des fête. Il faut s’y rendre pour se les coller dans la face. La forme des billes des balles et des ballons est périphérique. C’est la fête comme gestus social, dans ses limitations temporelles, qui est causative, dans cette statistique intempestive spécifique.

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Causalité explicitement supposée. Naturellement, le commentateur se rend souvent compte de ce fait, somme toute assez simple, de l’existence de la tierce cause. Alors? Bien alors il l’exprime… Et on a alors une causalité explicitement supposée. On s’avise certainement, à ce moment-ci de la présentation, du fait que le WGBUI (ou le journal du matin, qu’il remplace ici pudiquement) n’est pas un analyste plus ou moins fiable que vous et moi sur quoi que ce soit. Mais le fait est qu’il lui arrive de suggérer très explicitement certaines explications causatives. Nous avons eu la grandeur d’âme d’en faire une petite catégorie à part, entre autres pour montrer combien, ce faisant, on fait radicalement perdre tout caractère mystérieux, sensationnel ou spectaculaire à la statistique intempestive.

Environ 66% de toutes les pertes de vie sur les routes surviennent la nuit. On croit qu’il en est ainsi parce que, le soir, il y a plus de conducteurs en état d’ébriété et ce, malgré le fait qu’il y ait moins d’automobilistes sur les routes la nuit que le jour. (WGBUI, page 379)

Un éclair est en fait bien plus susceptible de frapper deux fois au même endroit qu’on ne le dit. Comme tout courant ou décharge électrique, l’éclair suit la route de la résistance la plus faible. (WGBUI, page 146)

Les hommes de New York ont plus de spermatozoïdes et une liqueur séminale de meilleure qualité que les hommes de Los Angeles. Les experts médicaux croient que les températures chaudes et un plus haut taux de pollution seraient les facteurs fondant cette différence. (WGBUI, page 124)

Évidemment les choses ne sont pas aussi prosaïquement présentées en matière d’effets et de causes. Que voulez-vous on est encore loin de connaître si intimement et si parfaitement l’essence secrète des choses. Et aussi, bien, c’est du journalisme, hein. Il faut expliquer un peu mais surtout, il faut intriguer pas mal et beaucoup ébaubir. On s’en avisera dans le passage à la série suivante.

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Explication maintenue implicite parce que problématique. Là, ce sont les cas d’espèce où on se garde bien de donner la raison des faits et ce, (possiblement) parce qu’elle pourrait donner lieu à des débats fort acrimonieux. Les faits sont là, superbes et flamboyants dans toute leur splendeur inexplicable. On notera vite aussi qu’apparaissent ici, indubitablement, un certain nombre de coïncidences certaines ou probables, de corrélations fortuites, de rapprochements fallacieux et autres raccords éclectiques hautement suspects. On observe finalement aussi (pour ne pas dire: surtout) que l’effet sensationnaliste et/ou mystérieux (pour ne pas dire carrément irrationnel ou délirant) est aussitôt nettement décuplé.

Les ongles poussent plus vite sur la main que vous favorisez. Si vous êtes droitier, vos ongles de la main droite pousseront plus vite. Il en sera autant des ongles de votre main gauche si vous êtes gaucher. (WGBUI, page 110)

Une étude récente a démontré que 75% des patients migraineux ressentaient du soulagement quand ils se frottaient sur le nez de la capsaicine (l’ingrédient qui épice la sauce chili). (WGBUI, page 115)

Une personne sur 11 souffre d’un type de phobie à un moment ou un autre de sa vie. Les serpents figurent au sommet de la liste des phobies, à 25%, suivis de la peur d’être enterré vivant, à 22%. (WGBUI, page 116 et 117)

Des événements comme une réunion de famille agréable ou une soirée avec les copains renforcent le système immunitaire pour les deux jours qui suivent. Les moments désagréables ont l’effet inverse. Des événements négatifs, comme se faire critiquer au travail, se sont avéré affaiblir le système immunitaire pour la journée qui suit. (WGBUI, page 118)

Les femmes végétariennes sont plus susceptibles de mettre au monde des petites filles que des petits garçons. (WGBUI, page 125)

Il existe des preuves du fait que de nombreuses personnes perdent ou prennent du poids en conformité avec les cycles lunaires. (WGBUI, page 103)

Les femmes rejettent un cœur transplanté plus souvent que les hommes. (WGBUI, page 128)

Les hommes exposé à des produits chimiques toxiques, des chaleurs élevées, et des intensités de pression inhabituelles, comme les pilotes de ligne ou les hommes-grenouilles ont plus tendance à mettre au monde des filles que des garçons. (WGBUI, page 239)

On rapporte que le Wisconsin compte la plus grande proportion d’obèses aux États-Unis. (WGBUI, page 351)

Per capita, il est plus sécuritaire de vivre à New York qu’à Pine Bluff, Arkensas. (WGBUI, page 352)

Aux États-Unis, il y a trois fois plus de maisonnées sans téléphone qu’il n’y a de maisonnée sans téléviseur. (WGBUI, page 356)

Aux États-Unis, les meurtres sont plus fréquents en août et moins fréquents en février. (WGBUI, page 364)

Second Street est le nom de rue le plus répandu aux États-Unis mais First Street n’est jamais que le sixième nom de rue le plus répandu. (WGBUI, page 367)

Les enfants nés au mois de mai sont, en moyenne, plus lourds à la naissance de 200 grammes que les enfants nés à n’importe quel autre mois. (WGBUI, page 86)

Le degré de stress d’un parent au moment de la conception d’un enfant aurait une incidence importante sur le sexe de l’enfant. L’enfant aurait tendance à être du sexe du parent qui était le moins stressé des deux. (WGBUI, page 124)

Quand Bonaparte portait un foulard noir autour du cou au combat, il gagnait toujours la bataille. À Waterloo, il portait un jabot blanc et ce fut la défaite. (WGBUI, page 247)

Ce dernier exemple montre aussi que nos catégories ne sont pas étanches. L’empereur se sentait très probablement plus sûr de son coup à Austerlitz qu’à Waterloo, cela eut peut-être un impact subjectif sur sa tenue vestimentaire (statistique d’autoproclamation). Cela ouvre aussi toute la question de l’ordre temporel des effets et des causes. Possibilité A: jugement du stratège sur la victoire ou la défaite anticipée, CAUSANT le port de la couleur appropriée COÏNCIDANT avec la victoire ou la défaite subjectivement prévue. Possibilité B: port de la couleur appropriée CAUSANT (magiquement, bon, bof…) la victoire ou la défaite prévue, COÏNCIDANT avec le jugement du stratège sur la victoire ou la défaite constatée. Possibilité C (de loin ma favorite): coïncidence intégrale et aucun lien de causalité là dedans sauf pour ceux qui le surajoutent ex post pour ré-écrire l’histoire sur un modus sensationnaliste, showbiz, tragico-magique et irrationnel.

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Inversion des ordonnancements temporels. Sauf que, dans l’investigation causale, la question se pose, avec une lancinance incontournable. Dans quel ordre les choses se disposent-elles vraiment? Et cela nous ramène à la mince pelure des oignons censée annoncer un hiver doux. Mon fils Tibert-le-Chat et moi avions en commun, dans la discussion, en une hésitation toute cartésianiste, tendance à répugner à imputer aux oignons ou à leurs pelures une aptitude tragico-magique à prédire l’avenir, météo ou autre, non pas sur quelques jours, comme la sorcière de vent du bonhomme Robichaux, mais sur plusieurs mois. Mais, par contre on arrivait à aisément imaginer que l’hiver dernier (l’hiver de 2009-2010) particulièrement clément, avait pu amincir les pelures des oignons de la récolte suivante et une inversion entre le rétrospectif et l’anticipatif aurait pu se produire. Il suffit que, statistiquement (si vous excusez le mot) les hivers doux aillent par petits paquets de deux ou trois années. On peut alors supposer l’intervention d’une tierce causalité déterminante faisant de la pelure d’oignon mince, souvenir d’un hivers doux antérieur l’annonciatrice d’un hiver doux subséquent, s’ils vont par petits paquets. Cultivez ce type d’approche pour méditer la série suivante.

Il a été médicalement prouvé que le pessimisme augmente la pression artérielle. Plus une personne est pessimiste, plus elle risque de mourir avant son vis-à-vis optimiste. (WGBUI, page 107)

Au sein d’un échantillon représentatif d’Américains de la fin du cycle primaire ayant été soumis au test SAT, 55% des enfants ayant «réussi exceptionnellement bien» étaient myopes. (WGBUI, page 101)

Les scientifiques disent que les gens qui dorment moins que la moyenne (moins de six heures par nuit) sont plus organisés et efficaces que qui que ce soit d’autre. (WGBUI, page 130)

Quand personne n’attend pour utiliser un téléphone public, les utilisateurs ont une conversation d’environ 90 secondes. Mais si quelqu’un est en train d’attendre pour utiliser le téléphone, la longueur moyenne de la conversation avoisine les quatre minutes. (WGBUI, page 225)

Une étude sur les participants au marathon de New York conclut que ces hommes et ces femmes ont un taux de divorces qui est le double de la moyenne nationale. (WGBUI, page 328)

La conversation est longue parce qu’il y a une longue file d’attente ou la file d’attente est longue parce que la conversation s’étire? Les gens divorcent parce qu’ils consacrent trop de temps ou d’énergie au marathon urbain ou se ruent sur le marathon urbain pour oublier les affres d’un divorce? Les gamins deviennent studieux parce qu’ils sont myopes ou deviennent myopes parce qu’ils sont studieux? Pour commencer à dépatouiller qui est cause et qui est conséquence il n’est pas inutile de chercher un peu qui arrive avant qui. Autrement, bien, une fois de plus, rien n’est dit. Le reste des questions de ce type, à l’avenant…

Je pense que vous voyez finalement où je veux en venir. Il faut regarder à travers le toc scintillant des statistiques intempestives, journalistiques notamment, et voir si elles sont probantes ou fallacieuses, sur la base de leur fonctionnement logique fondamental et indépendamment de leur vérité ou véracité empirique (questionnable aussi mais, disons, d’autre part). De fait, il y a une illusion statistique un peu comme il y a une illusion d’optique. Cela ne veut pas dire que les faits n’y sont pas. Ils y sont. Ils se donnent ET à la recherche empirique ET à l’analyse spéculative. Il ne faut pas les lâcher frileusement, sous prétexte qu’on nous en bizoune la compréhension avec des statistiques intempestives de feuilles de choux. Simplement, bon, restons circonspects. Comme l’illusion d’optique, l’illusion statistique est très souvent une image imprimée… sur le journal du matin, notamment. Ne la gobons pas trop distraitement… Moi quand j’entrevois le tourbillon bigarré et scintillant des statistiques de folliculaires, l’intégralité du rouleau que je vous ai servi ici me gire dans la tête et je prend, au mieux, acte des faits qui vrillent leur chemin, tout en restant inexorablement sur la réserve pour ce qui en est de leurs interconnections fondamentales et/ou significations sociétales… Comme je le disais pudiquement en ouverture: la présentation journalistique des informations objectives n’est pas toujours extraordinairement rigoureuse.

Moi quand j’entrevois le tourbillon bigarré et scintillant des statistiques de folliculaires, je prend acte des faits, tout en restant sur la réserve…

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Paru aussi dans Les 7 du Québec

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COÏNCIDENCE…

Posted by Ysengrimus sur 1 avril 2011

Qu’on le constate froidement ou qu’on cherche à la nier, l’idée de coïncidence nous hante tous, à des degrés divers. Il s’agit, je ne vous apprend pas ça, d’une concomitance ou d’une succession fortuite d’événements dont la configuration est si harmonieuse et surprenante, dans son élégance, son équilibre, sa symétrie, autant que dans son imprévisibilité et son improbabilité, que l’on est comme irrésistiblement poussé à en inférer des causalités profondes ou secrètes, parfaitement inexistantes. Les coïncidences, dans l’ambiance exempte de sacré et de magie de notre temps, ont souvent tendance à susciter de fortes poussées d’irrationalité (grimées faussement en «vérités scientifiques») dans les esprits impressionnables et à leurs faire délirer des configurations secrètes de l’existence sociologique ou cosmologique, parfaitement non étayées.

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La toute première coïncidence qui marqua mon imaginaire débridé est celle de la si fameuse dualité Lincoln-Kennedy, que je découvris dans un petit journal de faits insolites quand je devais avoir quinze ou seize ans (vers 1973 environs). Je tapai pieusement ce texte à la machine à écrire et le gardai dans mes poches de collégien pendant de longues années, le montrant au tout venant et recueillant les réactions, tant irrationnelles que rationnelles, qu’il ne manquait pas de faire pétarader. Je vous le livre ici, sans vérification (il n’est pas intégralement fiable du point de vue des faits, point s’en faut), pour protéger l’origami fragile du montage coïncidencesque.

La dualité Lincoln-Kennedy. Notez que, dans cette cascade de coïncidences célèbre, tout n’est pas immédiatement vérifiable (je pense aux noms des secrétaires des deux présidents notamment, qui, je dois le dire, me laissent fort sceptique) et il y a une bonne enfarinade de faits fortuits inclus uniquement pour épaissir la sauce (deuil maternel des épouses, implication des deux victimes dans les droits civiques, zigomars aux noms commençant par la lettre G). La version originale de ce document donnait d’ailleurs Lincoln et Kennedy comme étant les deux seuls présidents américains à avoir été assassinés, ce qui est une fausseté factuelle (James Abram Garfield fut assassiné en 1881, William McKinley fut assassiné en 1901, tous les deux par arme à feu). Les dates, incroyablement symétriques, et les nombres de lettres sont eux, pas contre, parfaitement retracables, pour ce que cela change dans la grande équation des choses…

– Morts assassinés, John Fitzgerald Kennedy et Abraham Lincoln sont deux présidents majeurs qui ont dû résoudre des questions de droits civiques au cours de leur présidence.

– Lincoln est entré au Congrès en 1846 et a été élu président en 1860. Kennedy est entré au Congrès en 1946 et a été élu président en 1960.

– Lincoln et Kennedy ont tous les deux été mis en nomination, pour leurs investitures respectives, par un homme dont le nom commençait par la lettre G.

– Les successeurs de Kennedy et de Lincoln s’appelaient tous les deux Johnson. Ils étaient tous les deux des sénateurs démocrates du sud. Le successeur de Lincoln, Andrew Johnson, est né en 1808.  Le successeur de Kennedy, Lyndon Johnson, est né en 1908. Tous deux sont morts une décennie environ après l’assassinat des deux présidents, soit en 1873 pour Andrew Johnson et en 1973 pour Lyndon Johnson.

– L’assassin de Lincoln, John Wilkes Booth, est né en 1839. L’assassin de Kennedy, Lee Harvey Oswald, est né en 1939. Ces deux assassins étaient des extrémistes du sud adhérant à des idées impopulaires. Ils ont été eux-mêmes tous les deux assassinés par arme à feu, sans jugement.

– L’assassin de Lincoln a tiré sur le président depuis un théâtre et s’est réfugié dans un entrepôt. L’assassin de Kennedy a tiré sur le président depuis un entrepôt et s’est réfugié dans un théâtre.

– Lincoln et Kennedy sont morts un vendredi, en présence de leur femme, d’une balle tirée dans le dos et dans l’arrière de la tête, en une année impaire des années 1860 (1865 pour Lincoln) et 1960 (1963 pour Kennedy).

– Les épouses des deux présidents ont perdu un enfant alors qu’elles résidaient à la Maison Blanche.

– Le secrétaire de Lincoln, qui s’appelait Kennedy, lui recommanda de ne pas aller au théâtre. Le secrétaire de Kennedy, qui s’appelait Lincoln, lui recommanda de ne pas aller à Dallas.

– Les noms Lincoln et Kennedy contiennent chacun 7 lettres.

– Les noms Lyndon Johnson et Andrew Johnson contiennent chacun 13 lettres.

– Les noms John Wilkes Booth et Lee Harvey Oswald contiennent chacun 15 lettres.

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Les quatre (ou cinq) coïncidences personnelles de Paul Laurendeau. Sur un modus operandi beaucoup moins douloureux, moi aussi j’ai vécu mon lot personnel de coïncidences sidérantes. Je vous les livre ici. Faites–en ce que vous en voulez. C’est du vécu pur sucre. Garanti sans défaut, ni enjolivure. Ceci dit, il faut bien le dire, j’ai aussi vécu des centaines de milliers d’autres événements, isolés ou combinés, qui étaient, eux, exempts de la moindre coïncidence.

1-     Je viens juste d’être embauché par une université anglophone de Toronto et vais devoir donner un cours de français dans lequel un ouvrage spécifique est à l’étude. Ne connaissant pas encore la ville et surtout, ne sachant pas où on achète des ouvrages en français à Toronto, je gamberge depuis un moment au sujet de cet ouvrage en français que je vais devoir dénicher d’une façon ou d’une autre, afin de pouvoir préparer mes séances. Je suis dans le métro de Toronto, dans un recoin de cette ville de trois millions d’habitants situé bien loin de la fac, et je rumine cette idée, donc. Sur un des embarcadères de transition entre les rames, je croise une jeune femme. Elle tient à la main fort ostensiblement exactement l’ouvrage que je cherche. Sidéré, je l’aborde. Elle m’explique qu’elle suit le cours que je vais commencer à donner dans quelques jours (dans l’université où j’enseigne mais dans une autre section. Je n’ai jamais revu cette personne) et elle m’indique où aller me procurer l’ouvrage recherché.

2-     Je suis dans le métro de Toronto, station Union, la station de métro qui raccorde avec la grande gare ferroviaire Union, et voilà que sortent d’une rame, une demi-douzaine de touristes français. Ce sont des monsieurs et des madames Tout-le-Monde charmants, bien hexagonaux de leurs personnes. Ils cherchent leur chemin au centre-ville de Toronto, en s’informant au tout venant, dans un anglais difficultueux. Je les aborde en français et me propose de les aider à trouver ce qu’ils cherchent. On fraternise et, en bavardant, ils m’expliquent qu’ils font un grand voyage de tourisme de cinq semaines qui les mènera dans quatre provinces canadiennes, dont, naturellement, le Québec. Aucun détail plus fin ne m’est fourni sur leurs pérégrinations des prochaines semaines. Je les quitte et n’y repense plus. Trois semaines plus tard, je me dois de me rendre à Québec pour un colloque. Je viens juste de descendre de mon train à la gare de Sainte Foy et je me tiens devant un autre train, cherchant un peu mon chemin. Qui descend du wagon qui est fortuitement tout juste devant moi? Ma demi-douzaine de touristes français de la Ville-Reine. Nous éclatons de rire tous ensemble, comme des bossus, parfaitement sidérés par ce moment incroyablement insolite.

3-     Je suis dans le RER à Paris, à la station Maubert-Mutualité, pendant une grève de la RATP. Le service est réduit et le quai du RER est archi-bondé. Un foule résignée et incroyablement compacte se presse pour tenter de s’enfourner dans les rares rames que les services essentiels maintiennent en fonction. Une indienne en sari contourne d’autres personnes et s’avance directement vers moi, non sans avoir navigué et joué des coudes dans la masse des chalands pour me rejoindre. Elle me demande en anglais la direction pour la Place de l’Étoile. Je la lui indique et, un peu interloqué quand même, je lui demande pourquoi elle a fait ce détour évident dans la foule pour venir s’adresser spécifiquement à moi. Elle m’explique, en toute simplicité, qu’elle avait juste le sentiment, sur la foi de mon apparence, que je parlais anglais. Quatre jours plus tard, à Roissy, je monte dans l’avion me ramenant à Toronto. Qui vient s’asseoir à côté de moi et partage en ma compagnie une conversation de voyage fort agréable? Mon indienne en sari de la station de RER Maubert-Mutualité. Son sourire est radieux mais elle n’a même pas l’air sidérée, contrairement à moi.

4-     Encore le métro de Paris, mais cette fois-ci, il est deux heures du matin et ses corridors labyrinthiques sont complètement, sidéralement et intégralement déserts. J’y marche depuis de longues minutes, mes pas claquant en écho sur le sol. Je vais, suivant les indications si précises de ce superbe dispositif de transport public et je ne rencontre pas âme qui vive. Paris est une ville de dix millions d’habitants et, cette nuit là, il n’y a vraiment personne dans son métro. Vais-je rentrer à la Cité Universitaire sans avoir coudoyé le moindre chaland? Non, tiens, je finis par rencontrer, au hasard de cette intrication de vastes corridors vides, un couple d’un certain âge, qui s’étonne autant que moi que tout soit si intégralement désâmé. On fraternise, inévitablement, en rase campagne comme ça. Or, non seulement ce sont deux québécois, ce qui était encore passablement rare à Paris à cette époque, mais en plus, ils connaissent un bon copain à moi avec qui j’ai fait mes études de premier cycle universitaire, dans les glorieux Cantons de l’Est, et que je n’ai pas revu depuis des années. Je ne vais pas vous enquiquiner avec des histoires intempestives de probabilités statistiques, l’anecdote parle d’elle-même.

5-     À ce point-ci, il faut ajouter une cinquième coïncidence, une coïncidence de coïncidences en quelques sortes. Toutes ces grandes, ces immenses coïncidences de ma vie ont eu lieu dans les transports publics… Et de fait, pour la jouer ici comme dans la dualité Lincoln-Kennedy, toutes ces grandes coïncidences de ma vie impliquèrent des rencontres (quatre fois), à Toronto (deux fois) et à Paris (deux fois), soit avec des femmes plus jeunes que moi (deux fois, une à Toronto, une à Paris), soit avec des couples plus vieux que moi (les deux autres fois. Un couple une fois à Paris, plusieurs couples l’autre fois à Toronto et Québec). Y eurent un rôle à jouer soit la foule (une fois), soit l’absence de foule (une fois) ainsi que le passage vers un autre mode de locomotion (deux fois: le train et l’avion). Ces coïncidences impliquèrent en plus soit une rencontre se réitérant (deux fois) soit une rencontre ponctuelle unique (deux fois). S’y manifestèrent une interaction cordiale avec des gens que je n’ai jamais revu dans tous les cas, un rapport à la langue française (deux fois), anglaise (une fois), ou à aucune langue spécifique (une fois). Inutile de dire, pour conclure en grande, que j’ai respiré soit par la bouche, soit par le nez, soit les deux, dans tous ces cas, que j’ai cligné des yeux dans tous ces cas, et que mon cœur ne s’est arrêté de battre dans aucun de ces cas. Voilà. Vive les coïncidences. Elles instillent un insolite bien durillon, dans l’existence la plus mollassonne.

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Les coïncidences instillent un insolite bien durillon dans l’existence la plus mollassonne …

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