Le Carnet d'Ysengrimus

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Archive for janvier 2017

Dialogue nocturne et lunaire entre trois tableaux semi-figuratifs de la salle des Arts Contemporains du Musée des Beaux-Arts de Montréal

Posted by Ysengrimus sur 21 janvier 2017

Certains jours de pleine lune, en la petite salle des Arts Contemporains du Musée des Beaux-Arts de Montréal, trois tableaux de l’exposition permanente prennent mystérieusement vie et discutent doctement et vivement d’art moderne. Ces figures tourmentées et très honorablement anthropomorphes, cultivées, omniscientes, pétulantes, astineuses, taquines, mutines, dialecticiennes et fort au fait de ce qui les déterminent sont (dans le désordre):

PORTRAIT DE SIR HERBERT READ (de Karel Appel)

PORTRAIT DE SIR HERBERT READ (de Karel Appel)

LE MOUSQUETAIRE (de Pablo Picasso)

LE MOUSQUETAIRE (de Pablo Picasso)

LA TÊTE (de Joan Miró)

LA TÊTE (de Joan Miró)

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Mais écoutons plutôt…

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Portrait de Sir Herbert Read (de Karel Appel): Mes bons amis, vous y êtes. C’est la pleine lune. Y a plus personne dans le musée.

Le Mousquetaire (de Pablo Picasso): Présent.

La Tête (de Joan Miró): J’en suis.

Portrait de Sir Herbert Read: Bon. Mousquetaire, Tête, de quoi on parlait l’autre nuit?

Le Mousquetaire: Une seconde. Je proteste. On est une sale bande d’hidalgos hipophallocrytes. Y a que des mecs ici. C’est pas bien galant.

La Tête: Je suis une fille.

Le Mousquetaire: Tu dis?

La Tête: Que je suis une fille.

Le Mousquetaire: Ben dis donc. Ça se voit pas tout de suite à ta tête, Tête.

Portrait de Sir Herbert Read: Pas pour rien que son peintre s’appelle Miró. Hu, hu, hu, boutade argotique.

La Tête: Je suis un tableau surréaliste, tas d’andouilles. J’ai pas de modèle figuratif très précis. Alors la barbe. Vous savez pas reformaliser mentalement vos heurts artistiques mais vous savez encore parler, non? UNE Tête. LA Tête. Je suis une fille et tout est dit.

Portrait de Sir Herbert Read: Oui, oui. C’est bon pour moi. Quant au Mousquetaire, va falloir qu’il nous fasse confiance, là dessus. Il a pas les yeux en face des trous, le gars et ce, littéralement.

Le Mousquetaire: Oh, je suis un Picasso, Ducon. Alors il vous fait dire NOBLESSE OBLIGE, le gars bigleux en question.

La Tête: Je seconde le Mousquetaire là-dessus. Par contre Mousquet quand tu t’adresses au digne et altier Portrait de Sir Herbert Read, faut pas dire Ducon.

Le Mousquetaire: Ah non? Faut dire quoi alors?

La Tête: Durubicon.

Le Mousquetaire: Hu, hu, hu. Est bonne ta boutade, Tête.

Portrait de Sir Herbert Read: Je la saisis pas.

Le Mousquetaire: C’est parce que tu t’es pas vraiment vu, mon pauvre rubicon rageur. T’as le visage comme une de ces bouteilles de ketchup inversées à la mode qui reposent sur leur bouchon et ce, de forme et de couleur.

La Tête: Voilà, exactement. Regarde-toi, plutôt. Mate.

Portrait de Sir Herbert Read: Regarde-toi PLUS TOMATE. Ah, ah, ah, très drôle.

Le Mousquetaire: Je l’avais pas saisie. Oh, mais elle est une petite subtile, notre Tête.

La Tête: Je suis une fine bouche de tête. Et j’ai l’œil…

Portrait de Sir Herbert Read: Bon, euh… Mousquet, dis voir un peu… On continue de déconner ironico-dadaïste, en se marrant bien, entre copine et copains, comme ça, sous la lune, cons comme elle, ou on en revient à ta question de l’autre nuit?

Le Mousquetaire: Ah oui, Herbert! T’as tout à fait raison. J’aimerais bien qu’on y revienne.

La Tête: C’était quoi déjà ta question de l’autre fois, Mousquet?

Le Mousquetaire: Ben c’est à propos des ready-made. Tu vois bien ce que c’est les ready-made, oui?

La Tête: Les morceaux d’art trouvé.

Portrait de Sir Herbert Read: Les objets préexistants, habituellement industriels ou à tous le moins usinés, qu’on intronise comme art en les isolant sur un piédestal ou en les combinant entre eux, de façon souvent mutine, éclectique, ou spirituelle, ou tout simplement absurdiste.

Le Mousquetaire: Voilà. Et ma question c’était: comment on les limite?

La Tête: Pourquoi tu voudrais les limiter?

Le Mousquetaire: Bien parce que, bon, des millions d’objets usinés disponibles, des milliards de combinaisons possibles entre eux. Il y a de quoi perdre le contrôle des troupes, dans tout ça. On s’arrête où? On structure comment? On organise notre action de quelle manière?

Portrait de Sir Herbert Read: Venant d’un tableau d’un peintre aussi prolifique et débordant que Picasso, faut dire que ta question manque pas de piquant.

Le Mousquetaire: Oh, laisse un peu Picasso où il est. Je suis très fier de lui, certes, mais, aussi, je suis une œuvre autonomisée de son auteur, moi, gars. J’ai parfaitement droit à mes petites cogitations personnelles.

La Tête: Absolument, Mousquet. Ta question est légitime et, de fait, fort intéressante. Je dirais qu’avec les ready-made, faut PAS structurer ou organiser et surtout faut pas s’arrêter. Il faut laisser arrêt, organisation et structure s’imposer objectalement.

Portrait de Sir Herbert Read: Objectalement… Tu pourrais développer?

Le Mousquetaire: Qu’on s’instruise.

La Tête: Laisse aller tes combinaisons de ready-made. Vas-y. Fais-le monter en toi et prendre corps dans le monde, le torrent des combinatoires du préexistant. Excite-toi avec ton petit mécano préfabriqué. Et à un moment, le scotome va donner un coup d’arrêt objectal, et cristalliser de facto une structure qui, alors, s’imposera à toi.

Le Mousquetaire: Le quoi va donner un coup de… truc?

La Tête: Le scotome. L’image obsédante qui vide ton œil de toute autre chose. La hantise. La fixation.

Le Mousquetaire: Comme mettons… les bouvillons durillons chez Picasso, mon roi, mon peintre?

Portrait de Sir Herbert Read: Très bon exemple que les… euh… les taureaux de Picasso. Ou le petit personnage en gabardine chez Magritte, ou les grands hommes longilignes qui marchent de Giacometti, ou les immenses petits chiens sculptés dans des ballons oblongs de Koons.

La Tête: Voilà. Voilà. Les exemples sont innombrables. Enfin, tu connais nos peintres et nos sculpteurs, Mousquet. Des obsédés, des fixistes mono-orientés, des unaires à la lubie récurrente. Dans tes millions d’objets, tes milliards de combinaisons, ils vont toujours aller chercher la même marotte et la courber dans le même angle. Ne leur limite pas abstraitement, par avance, selon des règles convenues qui ne t’attireront que déconvenue, les combinaisons possibles des ready-made. Les limitations subjectives de l’artiste vont bien s’en charger pour toi, va.

Le Mousquetaire: Je ne vois pas de scotome ou d’entité récurrente dans les ready-made de Marcel Duchamp qui, pourtant, a, lui, proprement inventé le phénomène.

La Tête: Non, en effet. Et, de son aveu même, Duchamp a assez vite cessé de faire des ready-made. Ne sentant pas émerger de scotome structurant, il s’est tout simplement lassé du procédé, plus précisément de l’ennuyeuse puissance du procédé. Vieillots, classiques, un peu dépassés même, les ready-made de Duchamp ne tiennent aujourd’hui que dans une petite salle d’exposition. Les millions d’objets, les milliards de combinaisons se sont lassés en lui longtemps avant que de nous imposer le moindre débordement bringuebalant.

Portrait de Sir Herbert Read: Le scotome donc, c’est lui qui va stabiliser les options dans l’art trouvé. Je voudrais faire remarquer que ton observation sur l’engendrement objectalement circonscrit des ready-made, Tête, s’applique aussi parfaitement, et sans transposition particulière, dans l’art directement produit artisanalement ou reproduit en récurrence. Voyez le très libre Andy Warhol. Ses Marilyn, ses Elvis, ses Mao se démultiplient bien un peu, en jouant des variations ronéo-chromatiques d’un temps mais, ressources industrielles à part, tout finit bien par se fixer, se figer. La réponse à ta question, Mousquet, c’est bel et bien le scotome. Sauf que d’où il vient, lui, le scotome?

Le Mousquetaire: Oh, c’est une blessure, au départ. Comme un coup de fleuret qui aurait laissé sa trace, sa balafre de vie.

La Tête: L’image est badine, mutine, spadassine, mais vive et stimulante. T’es pas mousquetaire pour rien, ardent Mousquet. Mais poursuis plutôt.

Le Mousquetaire: Une blessure qui se fiche, se niche, s’imprime dans l’artiste. Une botte de Nevers semi-consciente qui se plante directement entre ses deux yeux. Et de par la susdite blessure fouaillante enfouie, l’artiste se met à configurer des gestes, des actes, des décisions, comme on décide de ne plus aller se promener en forêt par peur du loup qu’on a cru y voir et qui nous hante déjà. Et si «mon» mousquetaire a les deux yeux du même côté de la tête, il ne sera pas le seul. «Mon» œuvre de portraitiste sera traversée par la redite qui roule les yeux du même bord.

La Tête: Et la fixation devient formule, ritournelle, cheval de bataille, procédé, marque de commerce, hantise.

Portrait de Sir Herbert Read: Ouais… ouais… mais je vous trouve bien psychologisants tous les deux, avec ce genre d’analyse post-traumatique. Vous réduisez un peu les contraintes de production de l’art à un corps passablement riquiqui d’enjeux individuels solitaires.

Le Mousquetaire: Développe un peu ton idée, monsieur le portrait militant et rageur d’un éminent critique d’art anarcho d’autrefois…

Portrait de Sir Herbert Read: Bien pensez à Auguste Rodin au 19ième siècle, à Andy Wahrol au 20ième siècle, à Jeff Koons au 21ième siècle.

Le Mousquetaire: Bon, j’y pense.

La Tête: Moi aussi.

Portrait de Sir Herbert Read: Eh bien, les vastes entreprises artistiques de ces peintres et sculpteurs étaient ou sont de véritables ateliers de montage. Ce sont des ruches bourdonnantes, gorgées d’une nuée d’esprits créateurs en interactions au sein desquelles susdites ruches le caractère collectif de la production rend un peu difficile à défendre votre théorie du scotome sur œil unique faisant boitiller le corps individuel d’un éventuel artiste isolé dans ses bottes, toujours dans le même sens.

Le Mousquetaire: Attention, attention. Les mousquetaires vont par escadrons compacts. Mais ils obéissent pourtant, fidèlement, méthodiquement, à un commandement unifié.

Portrait de Sir Herbert Read: Oh, oh, tu vas pas me raconter que les mousquetaires au combat, dans le feu de l’action, ne prennent pas, par brassées, des initiatives tactiques qui, une fois la position convoitée conquise, voient une telle activité décisive de leur groupe ostensiblement approuvée et revendiquée par le commandement et ce, totalement après coup, vu leur succès.

Le Mousquetaire: Ce que tu décris existe, oui. Je dois l’admettre.

La Tête: Ce que tu nous dit, Herbert, c’est que, dans l’atelier du grand Rodin, se met éventuellement à remuer dans tous les sens une Camille Claudel dont les hantises et les marques de commerce ne sont pas nécessairement les mêmes que celles du maître.

Portrait de Sir Herbert Read: Voilà. Et alors, bon, eh bien, qui est Rodin, qui est Claudel? Qui fait quoi? Et finalement, l’un dans l’autre, quel est le statut artistique du grand atelier? Même sa structure autoritaire et dirigiste ne peut échapper au fait que fondamentalement l’art est collectif, tiraillé, contradictoire, fortuit, interactif.

Le Mousquetaire: Une seconde, une seconde… Dites-moi donc comment jaillissent des hantises individuelles, au sein d’un art qui, lui, est —me dites vous, à raison— une vaste action collective, coordonnée ou non, docile ou séditieuse, toujours un peu grognarde et subversive en fait, remuante, sémillante? C’est ça que tu demandes?

Portrait de Sir Herbert Read: Exactement.

La Tête: Bien, si l’art canalise une hantise, la hantise d’un temps, et que l’art est collectif, selon les modalités de production artistique et pratique d’un temps, y a alors qu’une seule explication.

Portrait de Sir Herbert Read: Laquelle?

La Tête: La hantise exprimée par l’art est, elle aussi, une hantise collective. La hantise collective d’un temps.

Le Mousquetaire: C’est… c’est assez plausible, ce que tu dis là, Tête. M’autorisez-vous, en me l’excusant, une autre analogie militaire?

La Tête: Tire toujours, Mousqueton.

Portrait de Sir Herbert Read: On t’écoute, canon de canons.

Le Mousquetaire: Herbert évoque les initiatives tactiques que doivent constamment prendre les sous-offs et la piétaille dans le feu concret de l’action. Bien vu. Mais la vrai force et le réel avantage d’une armée en campagne réside dans un autre important fait collectif: la réaction favorable des populations de l’hinterland local. Si ces populations se sentent envahies, ça va résister et ton armée va sérieusement pédaler dans la mélasse. Si ces populations se sentent libérées par l’armée qui s’avance, ça va exulter et les mousquetaires auront l’impression de voler sur l’horizon avec leurs capes, emportés qu’ils seront sur le dos et les épaules guillerets de l’hinterland.

La Tête: Et l’équivalent de ces populations de l’hinterland local dans la démarche artistique ce serait?

Le Mousquetaire: Le public, les groupes sociologiques qui découvrent l’art dans une phase historique donnée, l’avant-garde culturelle même, si elle a une force de frappe sociétale suffisante.

Portrait de Sir Herbert Read: Pas trop con, le Mousqueton.

Le Mousquetaire: Quand Braque s’est mis à dessiner des petits cubes, pour utiliser l’expression consacrée, dans un sens ou dans l’autre, tout le monde s’est braqué. Boutade mais vérité aussi. On aimait ou on détestait mais en tout cas le collectif des amateurs d’art contribua assez solidement à la hantise en cours de constitution.

La Tête: Et le scotome devint l’affaire d’un peu tout le monde, même dans le cas des non-peintres et des non-sculpteurs. Tout le monde se mit, assez subitement, à parler d’art abstrait.

Portrait de Sir Herbert Read: À raison dans le cas des Cubistes. À tort et à travers par la suite.

Le Mousquetaire: Pardon?

Portrait de Sir Herbert Read: Je dis: à raison dans le cas des Cubistes. À tort et à travers par la suite.

Le Mousquetaire: Explique-toi un peu, gars. Remarque, je le prends pas personnellement. Perso, je ne me considère pas comme un tableau cubiste sous prétexte que Picasso, peintre cubiste, m’a peint.

La Tête: Et sur cela, tu as parfaitement raison, Mousquet. Pour être cubiste, une toile doit incorporer des arêtes, des angles droits, des volumes géométriques, des cubes quoi, intégraux ou partiels.

Portrait de Sir Herbert Read: Voilà. Cubisme renvoie à certains tableaux faits par certains peintres, pas à ces peintres eux-mêmes qui, eux, avant ou après, pourront avoir exploré bien d’autres styles.

Le Mousquetaire: Exactement. C’est justement le cas de mon peintre, Picasso, pour ne pas le nommer encore, derechef, comme on le sait tous. Alors, bon, Herbert, dis-nous ce que tu voudras sur les tableaux cubistes. Tu ne me vexeras pas car je n’en suis pas.

Portrait de Sir Herbert Read: Entendu. Alors, suis-moi bien. Quand Braque peint ses fameuses maisons de l’Estaque, il rejette certains détails au profit de formes fondamentales qu’il choisit d’accuser, de mettre en relief. D’un groupe de maisons, il tire un amoncellement de cubes penchés ou droits, en gardant ce qu’il voit ou veut voir ou faire voir et en atténuant certains aspects de leur structure formelle. Que fait Braque de ces détails, aspects et facettes qui ne sont pas directement cubistes?

Le Mousquetaire: Sais pas. Dis toujours.

Portrait de Sir Herbert Read: Eh ben, il en fait abstraction, ni plus ni moins. Abstraire, tu vois, c’est quelque chose finalement d’assez ordinaire. C’est éliminer ou négliger les détails qui comptent moins pour la pensée du moment. C’est dire oiseau au lieu d’épervier, ou poisson au lieu de saumon, ou… cube au lieu d’immeuble. L’abstraction c’est une opération mentale que c’est pas du n’importe quoi, si je puis dire. C’est ça, sans moins, sans plus. Escamoter des détails choisis. Retenir un essentiel minimalisé.

La Tête: C’est très bon, ça, Herbert. Et, donc, alors, fatalement, selon ton raisonnement, moi, je suis une peinture abstraite. Me croyez-vous?

Portrait de Sir Herbert Read: Absolument. Tu es une tête esquissé qu’on ramène à sa substantifique forme de goutte ou de poire ou de grand faciès noir avec œil en forme de larme, au choix. Tu es le résultat indubitable d’une solide et originale abstraction picturale.

La Tête: Je ne te le fais pas dire, mon beau. Remarque l’abstraction ici vient aussi de mon titre, comme corrélation descriptive de mon jeu de formes.

Portrait de Sir Herbert Read: Tout à fait. Et le titre Tête est beaucoup plus abstrait, comme mot, comme notion, que, disons, le titre Portrait de Sir Herbert Read. Il est effectivement important de le noter.

Le Mousquetaire: Sauf que toi, dans ton cas, mon pauvre, l’empereur est nu.

Portrait de Sir Herbert Read: Qu’est-ce à dire?

Le Mousquetaire: Je sais pas si ça fait de toi une peinture abstraite ou quoi, mais tu ne ressembles AUCUNEMENT au Monsieur Sir Mister Herbert Read Sir de chair et d’os. Ça fait quasiment peur de voir comment t’es PAS un portrait, mon pauvre Herbert.

La Tête: Je suis obligée de seconder inconditionnellement cette observation de notre bon Mousqueton.

Portrait de Sir Herbert Read: Cela fait de moi moins une peinture abstraite qu’une peinture semi-figurative. Toi aussi, Mousquet, du reste, tu es une peinture semi-figurative. Tu es, certes, parfaitement conforme à ton titre, avec la barbichette cruciforme, l’allure fierette et la coiffure léonine là. Tu fais de plain-pied mousquetaire… mais pas que! La peinture la plus abstraite, au strict sens propre et adéquat du terme, ici, cette nuit, sous notre petite lune à trois, c’est Tête.

La Tête: Tout à fait. Oh yeah… On se refait pas, mes gars.

Portrait de Sir Herbert Read: Ceci dit, des tableaux semi-figuratifs comme moi ou Mousquet incorporent un certain élément d’abstraction imagière, comme le fait tout dessin, en fait. Simplement, et tout prosaïquement, on est pas ce qu’il convient d’appeler peinture abstraite.

Le Mousquetaire: Ben non. Surtout que ce qu’on appelle peinture abstraite usuellement c’est les travaux colossaux des Grands Barbouilleurs de N’importe Quoi qui t’éclaboussent les couleurs sur la toile en amenant brutalement et ardemment le tableau à représenter rien d’autre que lui-même sous forme de flots torrentiels de croûte épaisse et éclatante.

La Tête: Oui, oui… bon: Jackson Pollock, Jean-Paul Riopelle, Pierre Soulages et des tableaux de ton peintre Karel Appel autres que toi, Herbert.

Portrait de Sir Herbert Read: Oui. Mais voyez la foutaise en cours ici. Le sens commun du tout venant descriptif nomme abstraction ce qui n’est absolument rien d’autre que la souplesse et le relâchement concret des formes visuelles s’affranchissant enfin, joyeusement et subversivement, de toutes représentations figuratives.

Le Mousquetaire: Pardon? Les Barbouilleurs de Grand N’importe Quoi Non-Figuratifs Éclabousseurs de Croûtes en Déferlantes Polychromes font pas de la peinture abstraite?

Portrait de Sir Herbert Read: Non.

Le Mousquetaire: Il font quoi, alors?

Portrait de Sir Herbert Read: De la peinture informelle, mon cher bidasse de cap et d’épée.

La Tête: Oui Mousquet, oui, oui, c’est vrai. Appeler la peinture informelle de la peinture abstraite procède d‘une lancinante déviation figurativiste. Ça postule que toute peinture doit, comme par devoir, représenter quelque chose d’empiriquement visualisable, pesamment venu du monde. Quand on voit plus rien que des barbouillages, des poches chromatiques et des chocs colorés, on fourre tout ça sous l’étiquette peinture abstraite qui ainsi perd tout son sens. C’est pas là une description très adéquate de ce qui se passe.

Portrait de Sir Herbert Read: C’est pas là une description très honnête de ce qui se passe, même.

Le Mousquetaire: Bon, oublions les Grands Barbouillages. Ils sont pas une abstraction du monde. Ils sont juste… eux-mêmes. Sans plus.

La Tête: Bien dit. Ils transgressent ou ils décorent, point barre. Ils ne représentent pas, ne dépeignent pas.

Le Mousquetaire: Bon, j’arrive à voir ça. Alors, prenons l’affaire dans l’autre sens. L’art abstrait est donc fatalement au moins partiellement figuratif. Il y a de l’art PLUS abstrait, comme les cubes penchés de Braque comme maisons ou toi La Tête de Joan Miró comme tête. Il y a de l’art MOINS abstrait, semi-figuratif, comme Herbert et moi. L’abstraction, donc, ça se pondère.

La Tête: Oui. Remarque, toi et Herbert, vous incorporez de solides éléments de transgression du figuratif. Ça, je le vois autant dans tes yeux doux que dans le teint torride de notre bouillant Sir Read. Mais transgression n’est pas nécessairement abstraction. Il y a même des transgressions figuratives qui retournent vers la concrétude. Une concrétude cette fois imaginaire, délirante, affolante, biscornue.

Le Mousquetaire: Bon, bon. Transgression d’origine imaginaire ou non, il y a toujours une certaine abstraction dans la représentation. Mais, poursuivant maintenant ma route dans l’autre sens, je vous demande: l’art le moins abstrait possible, le plus gorgé de concret imaginable, ce serait quoi, alors?

La Tête: Bien, le ready-made!

Portrait de Sir Herbert Read: Et toc. Tu ramasses un objet du tout venant, intégral de concrétude usuelle ou industrielle. Titre, piédestal, institutionnalisation, consécration, muséologie. Et l’art concret est solidement niché au logis.

Le Mousquetaire: Nous revoici donc ramenés à ce fichu zinzin de ready-made, à ses irritantes potentialités infinies…

La Tête: À son implacable scotome restrictif, limitatif, étrangleur.

Portrait de Sir Herbert Read: Scotome produit collectivement par les hantises de tous les acteurs impliqués d’une phase historique donnée…

Le Mousquetaire: Qui, eux, pour rien arranger, dénomment tout n’importe comment, appellent l’informel de l’abstrait, l’abstrait du figuratif et Picasso, artiste polymorphe et foisonnant, dont je suis, rappelons-le modestement mais fièrement, l’une des très nombreuses œuvres, un peintre tout juste… cubiste.

La Tête: Et cela est fort beau mais aussi fort triste.

Le Mousquetaire: Mais, euh… le ready-made

Portrait de Sir Herbert Read: Bon, dites… la boucle est un petit peu bouclée pour cette nuit, là, hmm… Et en plus, oh là là, le jour se lève déjà. Aussi, je sens que je vais procéder à l’appel de la fin de cette rencontre.

Le Mousquetaire: Bon, bon… entendu… Pas pour rien que ton peintre s’appelle Appel, toi, hu, hu, hu…

La Tête: Ultime boutade ironico-dadaïste.

 

LA TÊTE (de Joan Miró)

LA TÊTE (de Joan Miró)

LE MOUSQUETAIRE (de Pablo Picasso)

LE MOUSQUETAIRE (de Pablo Picasso)

PORTRAIT DE SIR HERBERT READ (de Karel Appel)

PORTRAIT DE SIR HERBERT READ (de Karel Appel)

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Il y a dix ans, ON THE ROAD — THE ORIGINAL SCROLL de Jack Kerouac

Posted by Ysengrimus sur 15 janvier 2017

OnTheRoadOriginalScroll

[english version below] C’est vraiment un cliché: les enfants américains qui ont un devoir à rendre et qui ne l’ont pas fait disent souvent: le chien a dévoré mon devoir. Eh bien, il s’agit là d’un des nombreux éléments de fiction que Jack Kerouac (1922-1969) a involontairement transformé en un stéréotype bien réel. Par un beau jour d’été, le chien d’un ami chez lequel Kerouac résida brièvement dévora «quelques pieds» du rouleau de papier sur lequel était dactylographiée la version originale de Sur la route. La conclusion de cette version originale est donc perdue. Les éditeurs de On the road (The original scroll) [Sur la route (le rouleau d’origine)] ont du reconstituer le segment mangé par le chien à partir des diverses versions publiées du roman. Six pages «reconstituées» de la leçon actuelle de 300 pages des éditions Viking remplacent la portion disparue dans le ventre du chien. Cette déchirure mise à part, tout est là: brut, original, frais, non édité, non expurgé, non javellisé. Les abréviations (principalement des noms de lieux: ny, calif.), les soulignements, les mots en majuscules, tout est en place. Et la totalité du texte de 300 pages est écrite en un seul paragraphe. Et, parlant de clichés, il y a deux clichés qui doivent être revus après la lecture de ce rouleau d’origine. D’abord, le stéréotype de l’écriture «spontanée» de Kerouac. Le Sur la route que nous avons tous lu dans les 60 dernières années est le résultat de sept réécritures successives imposées par l’éditeur d’alors. Résultat: le remplacement des noms réels par des noms fictifs (Allen Ginsberg devenait Carlo Marx), la censure, l’atténuation des thèmes de la sexualité, de l’homosexualité, de la drogue, une mise en page excessive. Primeur d’entre les primeurs: nous n’avons jamais lu de version «spontanée» de ce roman. Et, qui plus est, même ce rouleau d’origine n’a rien de spontané. Nous le savons aujourd’hui: Kerouac a travaillé à partir de journaux de voyage qu’il tint pendant les événements, il a réorganisé certaines portions du récit, il a atténué la thématique du Canadien Français perdu en Amérique qu’il avait en vue initialement, il a fait référence au troisième voyage lors de la narration du premier, et il a trimé très dur pour accéder à cette écriture plus fluide qui allait devenir la principale caractéristique de ce type de roman de voyage. Que ce texte est fluide, mais que ce texte est donc fluide! Sauf qu’il faut renoncer dans son cas à l’idée d’une écriture spontanée ou automatique. C’est fluide comme le jeu de Jimmy Hendrix à la guitare est fluide. De la technique, du savoir-faire, un dur labeur, mais le tout frimé comme si de rien était avec un sens du spectacle incomparable. L’ami Jimmy va me permettre d’introduire le second cliché tenace concernant Kerouac: son  identification aux années soixante. Suivons les dates à rebours. La version expurgée de Sur la route est publiée en 1957, Potchky-le-chien-chien dévore le bout du rouleau en juin 1951, le rouleau lui même est fort probablement tapé à la machine en avril 1951, et les événements qu’il évoque (les trois voyages racontés) ont eu lieu entre 1946 et 1948. L’immédiat après-guerre! Les principales références des années 1940 sont d’ailleurs bien en place: le président Truman, Charlie Parker jouant au premier degré à la radio de la voiture, même une discussion explicite sur la Série Mondiale de Baseball de 1948 entre les Braves «de Boston» et les Indiens de Cleveland. Mais ces références historiques sont discrètes et l’isolement relatif de Kerouac et de ses objets de fascination sur les routes immenses de l’Amérique contribue à l’impression intemporelle qui émane du texte. Et puisqu’on les désigne explicitement dans cette version du rouleau d’origine, disons brièvement un mot des objets de fascination en question. Kerouac ne voyage pas. Kerouac décrit la personne (habituellement un homme) avec laquelle il voyage. La source cruciale d’inspiration, l’égérie quasi-exclusive de Sur la route est Neal Cassady (1926-1968). Sa relation triangulaire en dents de scie avec sa première épouse Louanne Henderson (née en 1930, et qui n’était alors qu’une adolescente) et sa seconde épouse Carolyn Robinson-Cassady (1923-2013) est une des dynamos de l’écriture de Kerouac. Kerouac n’est pas un misogyne. Son respect pour la femme est réel. Son amour pour sa mère est sincère. Mais (hélas…) il n’écrit pas sur les femmes, mais sur les hommes. Par conséquent, ces deux personnages féminins captivants ne sont ici que des faire-valoir qui servent de toile de fond à la mise en place et à la présentation de Neal Cassady dans toute sa splendeur. Oh, mais je vous le dit: Sur la route devrait faire l’objet d’une suite qui s’intitulerait Louanne et Carolyn sur la route et qui réécrirait le roman initial du point de vue de ces deux femmes. Ça, ce serait quelque chose. Un jour peut-être… Le poète Allen Ginsberg (1926-1997) est aussi omniprésent. Même lorsqu’il n’accompagne pas Kerouac et Cassady sur la route, sa persona flotte tout autour d’eux, donnant plus de concrétude et d’épaisseur au thème discret de la fascination homosexuelle qui pousse Kerouac sur la route. Il faut absolument lire ce texte dans le texte, et en envoyer les traductions françaises parisiennes à tous les diables. Elles n’ont aucune prise sur ce qui se passe. De fait, on a découvert récemment que Kerouac avait amorcé l’écriture de Sur la route en joual… Ce précieux document, dont on attend encore la publication, devrait servir de point de départ à la version/traduction française d’un S’a route, le Sur la route en joual qu’il faudra un jour écrire… Et voilà, c’est fait, j’ai rédigé ce commentaire en un paragraphe unique, comme Monsieur K en personne. Les paragraphes, de toute façon, c’est de la pure fadaise.

 Jack, KEROUAC, (2007), On the Road – The original scroll, Viking, 407 p. [un dossier introductif de 107 p. suivi du roman, un paragraphe de 300 p.]

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[version française supra] It is such a cliché: American children who had homework to deliver and failed to do so often say: The dog ate my homework. Well, this is one of the numerous fictions which Jack Kerouac (1922-1969) unwillingly brought to clichéd reality. On a beautiful summer day, the dog of a friend with whom Kerouac was briefly staying ate «a few feet» of the paper scroll on which was typewritten the original version of On the road. The conclusion of the original version is thus lost. The editors of On the road (The original scroll) had to reconstitute this dog-eaten segment from the various published versions of the novel. Six «reconstituted» pages of the current Viking 300 page edition replace the dog-swallowed portion. Other than that scratch mark, the rest is all there: crude, original, fresh, unedited, unexpurgated, unsanitized. Abbreviations (usually place names: ny, calif.), underlining, capital letters, all is in place. And the whole 300 page text is written in one single paragraph. And speaking of cliché, two clichés are to be revisited after the reading of this original scroll. First, the stereotype of Jack Kerouac’s «spontaneous writing». The On the Road we all read in the last 60 years was the result of seven constitutive re-writings imposed by the editors of the time. Replacement of the real names by fictitious ones (Allen Ginsberg becomes Carlo Marx), censorship, attenuation of the themes of sex, homosexuality and drugs, hyperediting. Newsflash: we never read a «spontaneous» version of that novel. And furthermore, even this original scroll is in no way spontaneous. We know today that Kerouac worked from diaries he initially wrote during his trips, re-organized things, toned down the thematic of a French-Canadian lost in America he had initially in mind, referred to the third trip while describing the first, and worked very hard to produce that more flowing writing which would end up being the main feature of the travel novel genre. The text flows, oh, does the text flow! But forget about spontaneous or automatic writing. It flows like the guitar playing of Jimmy Hendrix flows. Technique, know-how, hard work, but delivered with the best «as if…» showmanship imaginable. Jimmy boy helps me to introduce the other persistent Kerouac cliché: his association with the sixties. Let us look at the dates in reverse. The expurgated On the road was published in 1957, Potchky-a-dog ate the end of the original scroll in June 1951, the scroll itself was probably typewritten in April 1951 and the events it evocates (the three trips described) occurred between 1946 and 1948. The immediate post-war! The main 1940’s references are, as a matter of fact, there: President Truman, Charlie Parker playing first degree on the car radio, even an explicit discussion about the Baseball World Series of 1948 between the «Boston» Braves and the Cleveland Indians. But these historical references are discrete and the relative isolation of Kerouac and his objects of fascination on the vast roads of America contribute to the timeless impression emanating from the text. And since they are now explicitly named in the Original Scroll Version, let us talk briefly about these objects of fascination. Kerouac does not travel. Kerouac describes the person (usually a man) with whom he travels. The crucial source of inspiration, the quasi-exclusive muse of On the Road is Neal Cassady (1926-1968). His triangular simultaneous yoyo relationship with his first wife Louanne Henderson (born in 1930, a teen at the time) and his second wife Carolyn Robinson-Cassady (1923-2013) is one of the dynamos of Kerouac’s writing. Kerouac is no misogynist. His respect for women is real. His love for his mother is genuine. Simply (and sadly), his writing is not about women, but about men. Consequently, these two fascinating female characters are sidekicks and end up serving as props in the construction of the display of Neal Cassady’s splendour. Oh, let me tell you: On the road should so much be sequelled: Louanne and Carolyn on the road, re-written from the point of view of these two women. That would be something. Someday, perhaps… The poet Allen Ginsberg (1926-1997) is also omnipresent. Even when he does not accompany Kerouac and Cassady on the road, his persona hovers over them, giving more concreteness and solidity to the discrete theme of homosexual fascination that drives Kerouac on the road. This is a pure and simple must read, and forget about the «made in Paris» French versions. They are totally out of touch. As a matter of fact, it has been discovered recently that Kerouac actually started writing On the Road in joual… This precious document, still to be published, should be the starting point of  S’a route, a joual French version/translation of On the Road which will have to be written one day.  And there it is, I wrote this comment in a single paragraph, just like Mister K himself. Paragraphs are soooo overrated anyways…

Jack, KEROUAC, (2007), On the Road – The original scroll, Viking, 407 p. [a 107 p. commentary followed by the novel in one paragraph of 300 p.]

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STAR TREK CONTINUES. L’univers originel de la patrouille du cosmos perpétué en cyber-culture

Posted by Ysengrimus sur 7 janvier 2017

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La fameuse mission de cinq ans du Star Trek d’origine a été abruptement interrompue quand CBS a annulé ce feuilleton-culte après seulement trois ans d’existence (1966-1969). Une talentueuse troupe d’acteurs et d’actrices amateurs a lumineusement repris, à partir de 2011, le flambeau de la mission trekkie pur sucre du temps, couvrant ainsi les années de grâce 2269 et 2270 de la mission de cinq ans de l’USS Enterprise (NCC—1701). Le résultat est saisissant. Tant au niveau des décors et de la musique, que de l’intendance des personnages, du jeu, des scénarios et des thèmes traités, on retrouve le Star Trek de souche, dans des conditions de cyber-vidéo à la stature visuelle à peine atténuée par rapport à l’expérience télévisuelle d’origine. Avez-vous dit copycat? C’est parfaitement savoureux et très sérieux. Ce n’est nullement une pochade ou une parodie. La démarche revendique pleinement son statut d’expérience artistique culturellement significative. Évidemment cette singulière aventure de fan fiction sans but lucratif s’adresse exclusivement à un public averti. Pour jubiler à plein devant cette web-série, il faut être obligatoirement un véritable intime de Star Trek — The original series. Si c’est votre cas, je vous recommande chaleureusement le travail remarquable de ces passionnés. Vous allez en rester éblouis. L’incroyable pérennité culturelle d’une certain science-fiction à la fois songée et populaire triomphe une fois de plus, de par ce monde multivalent et increvable de Star Trek, à la sagesse si satisfaisante. Pour la bonne bouche, voici la liste des épisodes de Star Trek continues (tous des scénarios 100% originaux).

Épisode 1 — Pilgrim of eternity: L’équipage du capitaine Kirk entre en contact avec une étrange capsule en giration dont le rayonnement endommage gravement toute la machinerie ainsi que la carlingue du vaisseau. Kirk doit, à son corps défendant, détruire cette nef rotative avant de perdre le contrôle de son propre navire. De celle-ci se téléporte alors nul autre que le dieu Apollon, rencontré autrefois dans l’épisode Who mourns for Adonais. Ce dieu anthropomorphe, comme tous les autres dieux de la mythologie grecque classique, est en fait un vieil extra-terrestre dont l’existence était jadis assurée par le fait qu’il se nourrissait de la pulsion adorante des masses humaines subjuguées. Apollon est ici en compagnie de son épouse qui meurt aussitôt. Toujours sur son déclin, Apollon (qui est joué par le même acteur qu’en 1967) a vieillit de plusieurs décennies en seulement deux ans parce qu’il devait fournir, à même son métabolisme divin, un jus énergétique à la nef ou capsule lui servant de planque cosmique. Divinité de la musique, Apollon établit un rapport respectueux avec Nyota Uhura, l’officière aux communications, qui est une chanteuse amateure. Tout l’équipage semble même ressentir un attrait senti pour l’éloquence et la prestance du vieux dieu. Mais Kirk et surtout Scotty (qui, lors de leur première rencontre, s’est fait bardasser pas mal par l’olympien alors fort dédaigneux) se méfient. Apollon est-il aussi hostile que lors de sa première rencontre avec les trekkies? Va-t-il encore chercher à forcer les humains à renouveler leur adoration envers lui? Ou alors un dieu grec vermoulu peut-il se recycler culturellement et intellectuellement, dans un monde athée?

Épisode 2 — Lolani: Les trekkies tombent sur un cargo marchand à l’intérieur duquel plusieurs meurtres ont été commis. La seule survivante de ce rififi louche est Lolani, une esclave de la planète Orion (du type de celles déjà rencontrées par des trekkies, notamment dans l’épisode The Menagerie, seconde partie). Elle a la peau verte, les cheveux noir charbon et les lèvres rouge sang. Elle se téléporte dans le vaisseau, un couteau sanglant à la main. L’impact hormonal de cette esclave sexuelle est si puissant que le docteur McCoy doit immuniser l’équipage contre le désir et l’irrationalité qui s’y associe. Et d’ailleurs Lolani en rajoute. Elle cherche à séduire des trekkies, dont le capitaine, pour les convaincre de la protéger de ce qui va lui arriver par la suite. C’est seulement en compagnie de femmes, notamment de la docteure Élise McKennah, thérapeute du bord, que Lolani arrive à faire émerger sa rationalité et sa prestance. On découvre alors un être sensible et articulé qui est beaucoup plus qu’une simple bombe sexuelle. Pour tirer au net le statut de victime ou de meurtrière de Lolani, Spock va devoir procéder à une fusion télépathique vulcaine avec elle. Ce sera pour découvrir qu’elle s’est fait violenter par les olibrius du cargo marchand et que si elle en a éventuellement troué un ou deux, c’est en complète légitime défense. La planète Orion ne fait pas partie de la Fédération des Planètes et les trekkies sont donc sans mandat ou juridiction pour défier ses lois, y compris la plus inique de toutes, l’esclavage. La législation d’Orion requiert qu’à la mort de son maître actuel, Lolani soit rendue à son propriétaire antérieur, un marchand d’esclave. Kirk reçoit des ordres stricts de son amirauté de ne pas interférer. On ne veut pas d’un incident galactique pour sauver une petite noiraude verdâtre de sa condition, si tragique soit-elle. Le marchand esclavagiste se présente sur le vaisseau trekkie pour récupérer son bien. Mais la thérapeute McKennah s’insurge: faut-il ainsi froidement et implicitement avaliser l’esclavage au nom du respect des obligations diplomatiques?

Épisode 3 — Fairest of them all: Nous nous retrouvons dans l’univers parallèle accidentellement découvert par les trekkies lors de l’épisode Mirror, Mirror. Dans cet épisode-là, on avait pris connaissance de l’existence d’une culture trekkie alternative que je nommerai, faute de mieux, les anti-trekkies. Nous passerons tout cet épisode-ci en compagnie de ces susdits anti-trekkies. Les anti-trekkies de cet univers parallèle sont sauvages, impériaux et ils fonctionnent comme une sorte d’empire romain brutal et autoritaire. Mais, avant de retourner dans son plan d’univers, le Kirk trekkie avait mis un frelon dans la tête du Spock anti-trekkie. Et le Spock anti-trekkie gamberge le coup comme un petit fou depuis ce moment d’échange furtif avec le Kirk trekkie. La gamberge est la suivante: à ce rythme facho là, l’Empire des Planètes va se retrouver avec des insurrections qui vont péter de partout. Il est voué à vivre une longue période de révolutions chaotiques. Quand le Kirk anti-trekkie, officier cinglant et intransigeant, bombarde et détruit une planète entière, le Spock anti-trekkie implémente sa gamberge. Il déclenche méthodiquement une mutinerie. Mais son capitaine a des ressources meurtrières à revendre et des alliés. De plus, la peur rend une portion importante de ses troupes dociles. L’amoureuse de Kirk sabote une machine à tuer secrète dont disposait le capitaine, du fond de sa cabine. Elle change de camp et rejoint Spock et Scotty en mutinerie. Mais cela suffira-t-il? Les anti-trekkies, totalitaires, teigneux et absolutistes ont-ils en eux la capacité de devenir des trekkies en bonne et due forme?

Épisode 4 — The white iris: Ceci est le plus romanesque et sentimental mais aussi le plus hyperspécialisé trekkie de tous ces épisodes. Lors des négociations finales pour disposer un grand champ de force anti-missile autour d’une planète qui vient d’intégrer la Fédération en échange de ce système de défense, Kirk se prend un coup de bâton sur le caillou d’un anti-fédéraliste local. On le soigne avec une drogue expérimentale. Il se met alors à halluciner trois femmes, une androïde et une mystérieuse petite fille. Ces cinq fantômes si troublants parce que tant aimés sont Nakia, son ancienne collègue du USS Farragut (cf l’épisode Obsession), Edith Keeler (femme des années 1930 rencontrée dans The city on the edge of forever), Miramanee (femme aborigène épousée dans The Paradise Syndrome), Rayna (androïde rencontrée dans Requiem for Methuselah) et une petite sang-mêlé inconnue. Ces femmes du passé sont mortes, l’androïde a disjoncté, la petite fille n’est jamais née, le tout par la faute de Kirk, ou du moins le croit-il. Il culpabilise comme un dingue et visiblement cet incident actuel —traumatisme crânien, drogue expérimentale et toutim— fait ressortir cette douleur cuisante et trop refoulée émanant des grands amours perdus. Kirk doit régler ses comptes avec cette série de crises émotionnelles d’antan. C’est d’autant plus urgent que cette tourmente intérieure lui provoque une amnésie localisée l’empêchant de fournir le mot de passe actionnant… justement… le champ de force anti-missile de la nouvelle planète amie qui subit… justement… une malencontreuse attaque de torpilles interplanétaires.

Épisode 5 — Divided we stand: Ici, on met en vedette des entités qui n’existaient pas dans l’univers initial de Star Trek TOS, les Nanites. Il s’agit de petites cyber-bestioles microscopiques qui fonctionnent comme des virus au tiers informatiques, au tiers robotiques, au tiers biologiques. Ils envahissent l’ordi du vaisseau et se mettent à se gaver de toutes les infos s’y trouvant, y compris les fichiers historiques. Il y a alors un pet de boucane sur le pont et Kirk et McCoy se retrouvent téléportés en 1862, en pleine Guerre de Sécession. McCoy est en officier sudiste et Kirk est en sous-officier nordiste. Il n’est pas possible de savoir si la transposition historique est bel et bien physique ou strictement onirique puisque les corps de McCoy et Kirk restent couchés sur des grabats, à l’infirmerie du vaisseau trekkie. Quoi qu’il en soit, nos deux conscrits involontaires vont vivre un pétaradant épisode de guerre civile américaine, McCoy en infirmier de campagne, Kirk en fantassin. Ils ont évidemment archi les boules de paradoxalement bidouiller le cours de l’histoire et ils s’efforcent donc d’en faire le moins possible. Il leur est moins facile de tenir leur langue, par contre. Cela donnera l’occasion de développer des considérations bien ronflantes mais bien trekkies aussi sur la lutte pour la liberté des gens de toutes couleurs… blancs, noirs, verts. Cela donnera aussi l’occasion de revoir quelqu’un de bien plus habitué â faire acte de présence dans Star Trek TOS que les Nanites. J’ai nommé le glorieux et emblématique président Abraham Lincoln, avec son interminable tuyau de poêle.

Épisode 6 — Come not between the dragons: Cet episode est le plus science-fiction du lot. Le vaisseau est percuté par une sorte de forme de vie minérale. On dirait un pokémon de pierre anguleux, haut de huit pieds environ et dont le dos clignote en blanc et bleu. Totalement et intégralement extra-terrestre, c’est un Cosmozoa du nom de Usdi. Ce caillasse vivant percute la carlingue de la soucoupe trekkie, passe à travers comme si c’était du beurre et se retrouve patatras dans les quartiers de l’enseigne de vaisseau Eliza Taylor, qui est sur le point de se mettre au lit. La communication va s’établir entre l’enseigne et la forme de vie mais le foutoir s’installe solide quand une autre instance se met à lancer un jus rouge, par amples vagues, à travers le vaisseau, qui rend les gens de plus en plus agressifs et parano envers la petite forme de vie. La thérapeute McKennah et l’officière aux communications Uhura se rendent compte que c’est effectivement un jus qui rend sciemment colérique et irrationnel et elles trouvent moyen de s’inoculer, à elles-mêmes et à l’enseigne Taylor, une manière de contrepoison. L’équipage se subdivise alors en deux groupes, ceux qui ont le contrepoison et veulent calmer le jeu, et ceux qui ne l’on pas et veulent en découdre avec le pokémon de pierre. La raison et le contrepoison vont prendre le dessus mais les choses vont encore se complexifier quand on va découvrir que l’instance qui lance le jus rouge paranogène par amples vagues depuis le cosmos est une version géante, parentale en fait, de la plus petite forme de vie pierreuse venue se planquer dans le vaisseau. Les trekkies se sont involontairement fourrés entre l’écorce et l’arbre du plus vieux de tous les rapports de force au monde, celui entre un père et son fils.

Épisode 7 — Embracing the winds: Ici on traite la question du sexisme. Le vaisseau USS Hood a perdu subitement ses fonctions vitales, tuant net tout son équipage, dans des conditions non élucidées. Kirk et Spock se rendent en navette à une des bases de l’amirauté pour décider de qui sera le ou la capitaine du Hood. Il y a deux candidats proposés par l’amirauté. Le commandant Spock et la commandante Diana Garrett. Kirk considère qu’une femme devrait, pour la première fois dans l’histoire de la flotte, être capitaine d’un vaisseau constitutionnel. Mais la commodore Laura Grey fait valoir que la Fédération des Planètes a été fondée, un siècle plus tôt, par un certain nombre de peuples, dans des conditions ardues et guerrières. Parmi ces peuples fondateurs figurent les Télorites. Les trekkies de souche se souviendront d’eux, ce sont les types en combinaison alu, avec une barbe à la ZZ Top, le nez comme une patate fripée retroussée et pas de blanc d’œil. Ces Télorites sont des phallocrates impénitents et l’idée d’une femme capitaine de vaisseau ne fait pas leur affaire. Kirk, qui siège sur le comité ad hoc qui devra choisir le ou la capitaine du Hood, se retrouve devant un dilemme. S’il recommande Spock, il perd son fidèle officier en second historique et assume ouvertement l’option involontairement sexiste. S’il recommande Diana Garrett, il ennuie la commodore Laura Grey dans ses contraintes diplomatiques avec les Télorites. Diana Garrett a aussi des bizarreries dans son dossier et une forte propension à jouer à fond la carte de son statut de femme. Pendant que le problème devient cornélien pour Kirk au sein de ce comité décisionnel, Scotty, Uhura, Tchékov et le reste de l’équipage trekkie enquêtent dans l’espace interstellaire sur ce qui est arrivé au USS Hood. Ils ne trouvent rien et doivent se replier dare-dare avec leur propre vaisseau car le Hood fait subitement explosion, pour des raisons inexpliquées toujours. Cette explosion narrative du vaisseau à pourvoir d’un ou d’une capitaine rend l’audience pour lui désigner ledit ou ladite capitaine nulle et non avenue. La nouvelle de la perte du Hood tombe juste avant que Kirk, troisième membre du comité décisionnel, ne se prononce explicitement sur son choix personnel. Celui-ci restera donc secret, toute la problématique sexiste restera pendante et ce, malgré une conversation surprise, en point d’orgue, entre Kirk et l’ambassadeur Télorite qui lui annonce qu’une fraction anti-phallocrate est en cours d’apparition rapide au sein de sa propre culture.

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Voilà. Que ça. Il semble bien qu’il n’y ait, pour le moment, que ces quelques épisodes de disponibles. Mais je juge, en conscience, que cette belle idée est promise à un très intéressant avenir. Bravo à la culture web, quand elle nous sort des petit joyaux comme cette très jubilatoire série, merveilleuse grasse matinée intellectuelle générationnelle et intriguant geste de préservation culturelle vu que l’exercice consiste à encapsuler le mieux possible le son, le matériau, et le ton d’un temps.

stc-acteurs

 

 

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Il y a quatre-vingt-dix ans, les HOT FIVES/HOT SEVENS de Louis Armstrong prenaient vraiment feu

Posted by Ysengrimus sur 1 janvier 2017

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De l’immense corpus produit par Louis Armstrong (1901-1971) sur le demi-siècle de son étincelante carrière musicale, où chercher la quintessence? D’abord il y a trois Armstrong. Armstrong trompettiste et vocaliste de jazz, Armstrong trompettiste et chanteur de variété, Armstrong (superbe) écrivain (sur lequel nous reviendrons un jour). Sans exprimer de jugement de préférence (un titan est titanesque dans chacune de ses facettes de titan), concentrons notre attention sur le Armstrong, trompettiste et vocaliste de jazz. En un extraordinaire jeu de gigognes, il y a ici, dans cet Armstrong du jazz, trois autres Armstrong. Le Armstrong hot (1924-1932), Le Armstrong des grands orchestres ou Armstrong riff (1932-1947), le Armstrong de la petite formation des All Stars ou Armstrong revival (1947-1957). Sans exprimer de jugement de préférence (un titan est titanesque à chacun de ses moments de titan), concentrons notre attention sur le Armstrong hot, le plus archaïque, le plus jeune, le plus lumineux, le plus séditieux, le plus percutant. Ici encore, trois moments, qui tiennent cette fois à l’arbitraire des enregistrements. Les plages enregistrées avec les Hot Fives et les Hot Sevens (formations ad hoc d’instrumentistes pour fin d’enregistrement uniquement, il ne s’agit pas d’orchestres véritables) tiennent de nos jours sur trois CD de la collection Jazz Masterpieces de Columbia. Nous commentons ici, le second CD de cette compilation, le ci-devant Volume II. La quintessence nous y attend.

Un mot d’abord sur le playing hot. Il s’agit d’un jeu syncopé des cuivres, des bois et du piano, un peu comme si les instruments étaient chauds et brûlaient la bouche et le bout des doigts des instrumentistes. Le jazz émerge comme ça, nerveusement, puissamment. Il s’agit d’abord d’une réinterprétation hot du livret des airs de bastringues à la mode (marches, fox trot, valses, rags et autres rengaines diverses) du temps. Ça sautille et ça pétarade, comme un feu de bois. Dans le traitement que font ici les Hot Fives et les Hot Sevens de ces pièces populaires persistent deux instances archaïques: le banjo (et la guitare, de Johnny Saint Cyr, très audible sur Alligator Crawl, plage 11), souvenir de la musique campagnarde et du blues des plantations, et le tuba (de Pete Brigg, dans un traitement strictement rythmique), venu des fanfares de cuivre et des harmonies de marches militaires. Les deux sont particulièrement audibles et harmonieusement exploités dans Weary Blues (plage 14). L’élément de modernité jazzique (pour 1926-27…) promis à un brillant avenir qui, en passant par le be-bop (où la clarinette créole, au doigté difficile encodé par des systèmes semi-secrets, est remplacée par le saxophone au doigté de flûte à bec plus universel), montera jusqu’au free jazz des années 1960-1970, c’est la triade trompette, trombone, clarinette, cœur palpitant de la petite formation jazz de style hot. Armstrong, Dodds et Kid Ory ou John Thomas représentent en dégradé la subversion jazz des rengaines par la petite section de choc des cuivres et des bois, crucialement en cause ici. Ici, c’est dans Twelfth Street Rag (plage 15), la ritournelle rebattue d’entre les ritournelles rebattues, que l’activité corrosive du trio hot est la plus sentie. John Thomas au trombone, appuyé prudemment sur le rythme stable du tuba de Pete Brigg, est le plus conservateur. Il nous jette une bouée. Il nous ménage encore, il joue le livret, il reste engoncé sous la toiture du kiosque du parc. La clarinette de Dodds, pour sa part, virevolte et danse joyeusement, part dans toutes les directions, mais ce sont encore rien de plus que les variations fleuries d’un virtuose enjoué, vif, sagace et habile, qui séduit et éblouit plus qu’il ne dépayse. La vraie intervention désaxée, métallique, corrosive et radicale vient d’Armstrong. La trompette fausse littéralement, point barre. Elle démolit la rengaine et en re-concasse le rythme, elle percole d’une façon quasi atonale, elle questionne, elle émulsionne comme un acide, elle insécurise, elle crie. C’est absolument extraordinaire. Le monstre n’a pas trente ans mais il sait exactement ce qu’il fait. Il tue notre tranquillité langoureuse à jamais. Il instaure la berceuse insomniaque. Il innove. Il fait claquer le fouet. Il extirpe la totalité de cette musique indigène de son folklore restreint et de son terroir local et la fait entrer sous la voûte de cuivre, de fer, de son génie idiosyncrasique exigeant, inconditionnel et pur.

La quintessence de Louis Armstrong, ce sont ces quelques phrasés de trompette fissurant à jamais la musique de kermesse du Twelfth Street Rag, dans cette précieuse version de 1927 (cette version là, et aucune autre… mais aussi, ici, dans Alligator Crawl, Weary Blues et son extraordinaire composition du temps, le sublimissime Potato Head Blues). Notre définition de la mélodie sort gauchie, crochie, faussée et altérée à jamais par cette extraordinaire émergence de la Musique Pure au cœur même de la gangue surannée de cette rengaine de trois fois rien, qu’Armstrong craque pour nous, latéralement, comme le plus savoureux des oeufs nourriciers.

Louis Armstrong – The Hot Fives & Hot Sevens (Volume II), enregistré en 1926-1927, Louis Armstrong (trompette, voix), Kid Ory ou John Thomas (trombone), Johnny Dodds (clarinette), Lil Armstrong (piano), Johnny Saint Cyr (banjo, guitare), Pete Brigg (tuba), Baby Dodds (batterie), 16 plages, Columbia, coll. Jazz Masterpieces, 50 minutes.

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