
Carl Bernstein (Dustin Hoffman) et Robert Woodward (Robert Redford) à l’action
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Il y a quarante ans pile-poil, s’enclenchait la cascade tonitruante et lancinante du scandale du Watergate. Souvenir incroyablement tangible. Et ici, dans un tout autre angle, tout débute par le visionnement du film State of Play de Kevin Macdonald (2009), intrigue policière rocambolesque sur fond de conspiration mercenaire du complexe militaro-industriel, avec le flingueur névropathe de service en tenue de camouflage rôdant en plein centre-ville de Washington et faisant cartons sur cartons. Un journaliste et une blogueuse, un homme expérimenté et une femme novice, mènent l’enquête et j’y détecte une lourde nuée de pesants clins d’oeils. Quand le générique conclusif finit par se décider à se dérouler, mon fils Tibert-le-chat observe que je fais la moue. Il s’informe en douceur des fondements de cette baboune intempestive et je lui marmonne que ce film contemporain est un copycat (pour reprendre le mot de nos bons ricains, autrement dit, un médicament générique, à la fois sous-dosé et surdosé) d’un autre film, qu’il faudrait maintenant visionner pour que la teneur de ma bouderie actuelle prenne corps. Il s’agit d’un certain All the president’s men datant de bien loin, de 1976. Tibert-le-chat décrète le programme double immédiat et on s’installe.
LES HOMMES DU PRÉSIDENT. Ce film remarquable, dont un critique a dit fort judicieusement qu’il était plus important pour nos contemporains que pour ceux de son temps, est malheureusement incroyablement, pour ne pas dire cryptiquement, allusif. Indubitablement, la complication des faits micro-historiques hautement turlupinés qu’il évoque et la connivence de savoir qu’il exige de son auditoire risquent vite de vous gâter votre plaisir. Aussi, je vous ai constitué une petite fiche récapitulative en douze points qui, avec les indispensables sous-titres des sourds (on jacasse beaucoup et vite, dans ce long-métrage brillant et nerveux. Restez alertes), devrait vous éclaircir la broussaille, sans rien éventer, et vous permettre de vous y retrouver et de jouir du spectacle au maximum. Il est fortement recommandé de lire (sinon de mémoriser) cette petite fiche en douze points avant visionnement. Elle est un compendium des implicites dont disposait, imparablement et massivement, l’auditoire américain de 1976:
1- Le 17 juin 1972, des cambrioleurs se font pincer dans les locaux du Parti Démocrate à l’hôtel Watergate à Washington. Histoire assez banale à laquelle le quotidien Washington Post assigne deux de ses journalistes novices: Bob Woodward et Carl Bernstein.
2- Woodward et Bernstein découvrent vite quelques petits faits bizarres. Ces cinq cambrioleurs ont du matériel de microphonie ultramoderne. Ils ne cambriolaient pas ce local du parti adversaire de Richard Nixon, en fait. Ils étaient plutôt en train d’y installer une table d’écoute, en un mot de le taper (to bug). De plus, subitement, abruptement, ces cinq cambrioleurs de sac et de corde ont des super avocats renommés qui sortent de nulle part pour venir les défendre, becs et ongles. L’un de ces cambrioleurs, en audience préliminaire devant le juge d’instruction, se déclare, en toute spontanéité candide, un ancien employé de la CIA.
3- En barbotant dans les papiers trouvés dans les poches des types (qu’ils se procurent grâce à leurs contacts chez des sous-fifres au fichier de la police washingtonienne) et en faisant des coups de fils à droite et à gauche aux noms qu’ils y grappillent, les deux journalistes relient alors les cambrioleurs du Watergate à un certain Everette Howard Hunt, lui aussi anciennement de la CIA et lui-même se raccordant à un certain Charles Colson, un conseiller spécial de Richard Nixon. Ce seront nos deux premiers hommes du président. Woodward et Bernstein découvrent aussi que ce E. Howard Hunt a enquêté très exhaustivement, pour le bénéfice du Parti Républicain, sur le drame dit de Chappaquiddick (cet accident survenu en 1969 dans un plan d’eau du Massachusetts, où Edward Kennedy laissa sa voiture couler avec une adjointe administrative coincée dedans qui, elle, périt, noyée). On semble donc avoir affaire à un joyeux duo de salisseurs politiques patentés, se profilant discrètement derrière les petits braqueurs de l’hôtel Watergate.
4- Constatant que c’est un peu plus gros que cru initialement, Bob Woodward contacte alors son fameux indicateur secret Deep Throat (dont on sait depuis seulement 2005 qu’il était en fait William Mark Felt, directeur-adjoint du FBI de l’époque, numéro deux, donc, de la police fédérale américaine). Cet indicateur occulte représente un phénomène qui se généralisait de plus en plus dans les hautes sphères du pouvoir, sous Nixon: les fuites. Tant et tant que certains hommes du président, dont justement Hunt et Colson, étaient explicitement en charge de colmater lesdites fuites. C’est pour cela que ces personnages spécifiques se retrouvèrent avec le surnom, aussi bouffon que véridique, de plombiers du Watergate (c’est plus comique en anglais: Watergate plumbers, littéralement les plombiers colmateurs de digues). La crainte desdits plombiers force Deep Throat à jouer de prudence, pour, si on file la métaphore hydraulique, ne pas tarir ses propres sources. Il aura donc fortement tendance à n’accepter de commenter que sur ce que Woodward aura déjà découvert et publicisé par lui-même. Lors de cette première rencontre sur le Watergate, Deep Throat tataouine donc en masse et ne veut rien dire de bien précis sauf ceci: suivez la piste du fric.
5- En suivant ladite piste dudit fric, et en barbotant encore pas mal, Woodward et Bernstein dénichent un Comité pour la Réélection du Président (Committee for the Re-Election of the President – le fameux CREEP – un creep en anglais, c’est un animal veule et rampant, venimeux et inquiétant, comme un scolopendre ou un scorpion – c’est aussi un individu hypocrite, minable, ambivalent, mal famé, crossouilleur) dont certains des fonds de campagne ont servi, photocopies de chèques à l’appui, à payer au moins un des cambrioleurs du Watergate.
6- En allant cuisiner Hugh Sloan, trésorier (curieusement) démissionnaire du CREEP, Woodward et Bernstein retracent alors l’existence d’une caisse noire (slush fund) parallèle, bien garnie, gérée à courte distance par deux autres hommes du président, John Newton Mitchell, ancien ministre de la justice (attorney general) des États-Unis et Harry Robbins Haldeman, le conseiller particulier en exercice (White House Chief of Staff) du président Nixon, c’est-à-dire le ci-devant «deuxième plus important homme des États-Unis».
7- À chaque étape de leur enquête, le Washington Post publie les infos, quand elles sont bien corroborées. Ainsi, l’histoire grossit et fait de plus en plus de bruit, vu les hommes du président impliqués. Tant et tant qu’une seconde rencontre secrète de Woodward avec Deep Throat le trouve plus loquace. L’indic de l’ombre établit alors une corrélation entre la caisse noire du CREEP et le déclin politique d’Edmund Muskie. Expliquons brièvement ceci. Pour la campagne électorale de 1972, c’est le ticket formé de Richard Nixon et Spiro Agnew qui est en selle, côté Républicains. Côté Démocrates, l’élection d’investiture est plus ardue. Un certain Edmund Muskie est en avance sur le sénateur George McGovern lors de ladite investiture. Les sondages nationaux avantagent même le susdit Muskie contre le président Nixon. Sortie de nulle part apparaît alors soudain la fameuse Lettre Canadienne (Canuck Letter). Un canadien français aurait écrit à un journal de Nouvelle-Angleterre pour se plaindre de la discrimination qu’Edmund Muskie exercerait envers les canadiens de souche francophone et les franco-américains. Muskie se défend maladroitement, en larmoyant, dans une conférence de presse pitoyablement ratée. Il perd alors son allant de campagne et est battu par McGovern à l’investiture démocrate. McGovern sera lui-même battu par Nixon aux élections de 1972.
8- Or voici que le déclin du candidat Edmund Muskie au vote de l’investiture démocrate est corrélé, par Deep Throat, au CREEP (et à sa caisse noire). La Canuck Letter serait en fait un faux, bidouillé directement depuis le CREEP, donc, en fait, depuis la Maison Blanche. Ce genre de salissage électoral faussaire, instillé dans le camp adverse pour mettre le foutoir dans leurs résultats de votes internes, porte, dans la culture américaine, l’élégant nom de ratfucking. C’est évidemment parfaitement illégal.
9- Pour compléter le tableau surréaliste au sujet du susdit ratfucking, l’une des collègues de Woodward et de Bernstein au Post, Marilyn Berger rapporte aux deux journalistes une conversation d’édredon avec un certain Ken Clawson, directeur adjoint aux communications de Nixon. Ce monsieur Clawson s’est vanté un beau jour d’avoir rédigé lui-même la Canuck Letter… Cette diversification inattendue des sources crédibilise la version des choses coulée à Woodward par Deep Throat. Le Post publie l’affaire sans y associer ni Marilyn Berger ni Deep Throat.
10- Le susdit Deep Throat, de plus en plus stimulé par la pétarade médiatique qui s’amplifie toujours, finit par révéler à Woodward que l’intégralité des services secrets est impliquée dans une large constellation d’activités illégales de ce type, visant exclusivement au maintient du tout paranoïaque Nixon au pouvoir. Caisses noires, trafic d’influence, tordages de bras de toutes sortes, pots de vin, corruption. C’est tout le dispositif policier US qui sert illicitement au maintient au pouvoir de Richard Nixon, dans le plus pur style d’une république bananière.
11- Les hommes du président sont inculpés et condamnés les uns après les autres pour leurs diverses activités illégales reliées aux développements des multiples enquêtes issues du Watergate. En gros, ils ont ordonné un vaste ensemble d’opérations de surveillance (du type de la table d’écoute de l’hôtel Watergate) et de manipulations politiques financées illégalement, et ont œuvré diligemment à effacer les traces de leur implication personnelle, pour éviter qu’une éventuelle enquête ne remonte jusqu’au Bureau Ovale. On cumule donc un lot d’infractions diverses regroupées sous la notion parapluie de felony et un dispositif perfectionné et concerté d’obstruction du processus judiciaire.
12- En 1974, Richard Nixon démissionne pour éviter de faire face à la procédure de destitution (impeachemnt) découlant de l’enquête et de la condamnation de tous les hommes du président.
Voilà… vous ne verrez pas tout cela de vos yeux dans ce film cérébral et verbal, presque intimiste, en fait. Vous y verrez surtout deux jeunes journalistes des années 1970 aux abois, Bob Woodward (Robert Redford) et Carl Bernstein (Dustin Hoffman) menant l’enquête, calepin en main (l’importance cruciale des calepins et des prise de note à cette époque) et gros interrupteurs téléphoniques sur l’épaule. Vous trimerez avec eux, de jour et de nuit (les scènes vespérales et nocturnes sont magistrales), depuis leurs cubicules, sous le torrent du staccato des machines à écrire d’une salle de presse typique du siècle dernier (du temps d’avant les ordis – seulement trois ou quatre ans séparent ce long métrage des événements qu’il évoque). Intégrité journalistique à l’ancienne oblige, Woodward et Bernstein se heurteront aux vues intransigeantes de leur éditeur en chef Ben Bradlee (un Jason Robards superbe), qui exigera qu’ils corroborent et diversifient leurs sources et diversifient encore leurs sources et corroborent encore, recoupent, recoupent encore, corroborent, diversifient leurs sources et ne se fient pas aveuglément à ce Deep Throat mystérieux et insaisissable (joué dans l’ombre, avec brio, par Hal Holbrook) vu que bon, on se demande un peu pourquoi Nixon s’adonnerait à cette accumulation bizarre, complexe et filandreuse de magouilles diverses vu que tout le monde sait parfaitement que le suffrage populaire de 1972 lui est solidement acquis. L’énergie investigatrice se concentrera vite sur la liste des hommes du président à incriminer. Tous les procédés d’interrogation, y compris les faux implicites, les jeux de chiffres et de lettres, les silences interprétables et les devinettes en demi-teintes seront mis en oeuvre par Woodward et Bernstein pour amener leurs sources à dire sans avoir dit. Ces sources ne sont, en plus, à peu près jamais citées explicitement dans les reportages (ce qui horripile au plus haut point la direction du Post) et il faut tout le pif journalistique de l’éditeur en chef Bradlee pour observer que, de fois en fois, les personnages incriminés nient les accusations sans vraiment les nier (non-denial denial), ce qui pue la combine tordue à plein nez et le pousse irrésistiblement, malgré les risques et les pressions, à continuer de publier.
Une bonne partie de l’ambiance, et de l’angoisse de l’ambiance, viendra des femmes. C’est que Woodward et Bernstein se verront vite obligés d’interroger et de réinterroger, au risque fréquent de se faire claquer des portes au nez dans la pénombre, une flopé de secrétaires, adjointes de direction, comptables, épouses d’officiels, collègues journalistes et attachées exécutives de toutes sortes. Hésitations, zones grises, dignité flétrie, bonne foi prise au dépourvu, peur sourde, inquiétude grandissante face aux différentes facettes potentiellement illicites des activités tentaculaires et multimillionnaires du CREEP. La documentation sur ce film rapporte que Jane Alexander, l’actrice jouant une des comptables dudit CREEP, se retrouva avec une nomination aux Oscars pour un total de huit minutes devant la caméra. C’est aussi puissant que cela. Saluons admirativement cette batterie d’actrices de soutien remarquables dont le travail est crucial au ton et à l’atmosphère unique de tout l’exercice.

Une des comptables du CREEP (jouée par Jane Alexander) discutant discrètement, un soir, avec Woodward et Bernstein…
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C’était l’époque héroïque où il n’était pas possible, pas concevable, pas conceptualisable, de travailler pour un bandit biscornu et revêche si on travaillait pour le président de la république… On sent une force, une stabilité et une stature ancienne, antique, archaïque, quasi vermoulue, perdue en fait, des institutions politiques, bureaucratiques, électorales, juridiques, policières et journalistiques. Et on voit bien que les procédés peu orthodoxes de ces journalistes d’investigation (investigative reporters) en émergence ne sont qu’un vague et lointain indice avant-coureur du foutoir politico-médiatique de notre temps. Un film superbe, extraordinairement mené, dirigé de main de maître et dont il a été dit qu’il était le seul grand thriller ne perdant rien de son intensité malgré le fait qu’on en connaît parfaitement et les péripéties et la fin. Tibert-le-chat a su respectueusement apprécier, sans renier pour autant les vertus cardinales des intriques politico-policières, fictives, agitées et abracadabrantes, de son temps à lui.
All the president’s men, 1976, Alan Pakula, film américain avec Robert Retford, Dustin Hoffman, Jason Robards, Hal Holbrook, Jane Alexander, 138 minutes.
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Paru aussi (en version remaniée) dans Les 7 du Québec
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Une évocation littéraire de la guerre de 1812 que le gouvernement du Dominion du Canada verra à bien passer sous silence…
Posted by Ysengrimus sur 19 juin 2012
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu’es-tu devenue maintenant?
Jacques Prévert
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Bon, bicentenaire pile-poil de la déclaration de la guerre de 1812-1814. Tout le monde s’en tape souverainement, évidemment, surtout au Québec et aux USA. Mais notre bon gouvernement canadien, conservateur de toc et anglomane de pacotille (parce que sciemment crypto-américanocrate de fait), tient à ce qu’on fasse du rantanplan sur la question. Et comme aujourd’hui c’est à la fois le jour de mon anniversaire de naissance et le jour de l’anniversaire de la déclaration de cette ultime guerre coloniale, je vais faire ma part, avec une évocation littéraire de la guerre de 1812 que le gouvernement du Dominion du Canada verra à soigneusement passer sous silence… vous devriez vite comprendre pourquoi.
Un mot d’abord sur cette guerre de 1812-1814 dont je me doute qu’elle ne s’est pas imprimée à l’encre indélébile dans vos cortex fort affairés. Sous la présidence de James Madison (1751-1836), la république américaine comprend alors sept millions et demi de gogos et nous, le ci-devant Dominion britannique du Canada, en gros, quatre-cent milles zigs (300,000 français et 100,000 anglais, en arrondissant). Les américains sont alliés de la France bonapartiste et nous on est alliés des espagnols (qui sont en guerre ouverte contre la France depuis 1808 et qui tiennent encore bien du territoire colonial, notamment la Floride). Nous, c’est les britanniques, incluant le Canada français, occupé depuis 1760, qui roule donc, sans joie ni ferveur, contre la France impériale. Pour la toute dernière fois de notre belle histoire coloniale, ce sera une guerre de singes. Je veux dire par là que nos métropoles et/ou alliés se tapent dessus en Europe et nous, dans les colonies, bien on singe.
Il n’est pas surprenant que tout le monde se branle de cette guerre aujourd’hui vu que tout le monde s’en branlait déjà passablement en 1812 même. Plus soucieux de commerce maritime (y compris avec les britanniques, leur principal client!) que de guerroyage terrestre, les américains ne se sont pas trop occupés d’affaires militaires depuis la révolution de 1776. Leur armée est mal organisée et pauvrement approvisionnée. Autres temps, autres mœurs, me direz-vous et ce sera indubitablement bien dit… Nous, bien nos meilleurs soldoques, ils sont en Angleterre à faire face à la France du petit Grand Aigle. La Guerre de 1812-1814 sera donc une gué-guerre de mitaine. Personne n’est prêt et tout le monde s’y enfile le califourchon du reculons. Ça va commencer par des batailles navales non-décisives, des combats singuliers imprécis de croiseurs d’eau douce, s’estourbissant en escarmouches sur les grands lacs et dans le Saint Laurent. J’y fais d’ailleurs langoureusement allusion dans mon fantastique roman fantastique Le pépiement des femmes-frégates. Puis les ricains vont foncer sur Toronto (qui, en 1812, s’appellait York), crisser le feu au parlement du Haut-Canada et se faire bouter comme des ébahis là-bas. Ensuite, en 1813 (c’est ce que le fragment littéraire que je vous livre ici évoque), nos bons Bostonnais, comme on les appelle encore, vont se pointer dans le Bas-Canada, plus précisément dans une belle région du Québec qui s’appelle le Suroît. La verdure y est plus verte qu’ailleurs, l’eau, je vous le jure, y est plus bleue qu’ailleurs et ma jolie ville natale, Salaberry-de-Valleyfield, s’y trouve (ben oui, 1812 et moi on partage un anniversaire, pas juste dans le temps, dans l’espace aussi). Les ricains vont s’avancer sur les berges de la magnifique rivière Châteauguay et nous, contre toutes attentes, bien on va encore les bouter. Ensuite, en 1814, comme Bonaparte est désormais niqué, les rosbifs vont se rameuter des troupes d’élite, prendre Détroit, descendre le Lac Champlain, foutre le feu aux édifices gouvernementaux de Washington (d’où la légende urbaine de leur repeinte en blanc hence Maison Blanche) pour finalement se faire planter raide devant Baltimore (Maryland). Nos alliés monarchistes espagnols (solidement épaulés par la marine britannique) vont attaquer la Nouvelle-Orléans par la mer et se faire étriller par le futur conquérant de la Floride et futur président Andrew Jackson (1767-1845) et ses hardis troupiers volontaires dans la rade de la future capitale du Jazz, ceci un bon moment après l’armistice entre les rosbifs et les ricains, attendu que le bateau portant le message pacifiant est arrivé dans le Golfe du Mexique deux semaines après la bataille. Conclusion générale du conflit: statu quo ante bellum. Vous mordez le topo? Anecdotique, hyperbolique et américano-américain pour mourir.
Un mot maintenant, si vous voulez bien, sur l’auteur de mon petit fragment évocateur. Comme nos gouvernants canadiens contemporains sont des Conservateurs Bleus Poudre, je suis allé, dans un soucis d’impartialité qui me sanctifie pour des lustres, chercher un conservateur bleu poudre comme eux pour assurer l’évocation de ces bruits de bottes dix-huit-cent-douzains qu’ils réclament tant. On pourra donc pas m’accuser de leur faire un coup fourré dans le genre discrimination idéologique… Le bien nommé Narcisse-Henri-Édouard Faucher de Saint-Maurice (1844-1897) est un bon traditionnaliste, bien rétrograde, non-moderniste, nostalgique en diable, aristophile tout plein et sciemment agriculturiste. Il a été, entre autres, officier d’active et député conservateur au parlement de Québec. Il a vu le feu, circa 1864-1865, comme volontaire franc-tireur au service d’un éphémère empereur mexicain et c’est aussi un de nos plus prolifiques conteurs québécois. Alors, vous qui êtes de grands sagaces, des esprits vifs, qui ont un sens épidermique de l’analyse transversale et de la réflexion en dehors de la caisse, je vous demande candidement: pourquoi le GOVERNMENT OF CANADA (non, non, ceci n’est pas un indice) verra-t-il à soigneusement passer sous silence cette évocation là de 1812? Elle est pourtant parfaitement méritoire, même si écrite soixante ans après la fin de ladite guerre, par un gars né trente ans après la fin de la susdite guerre, et n’ayant vu le feu que cinquante ans après la fin de ladite susdite guerre (on notera d’ailleurs que, dans ce récit, c’est un ancien combattant vieillissant qui raconte ses souvenir à un enfant portant inopinément le second prénom de l’auteur: Henri). Je colle ipso facto la chose ici, sous vos naseaux frémissants, et, pour faveur, dites-moi…
On complètera utilement le tout de la réflexion quelleconnerielaguerresque de ce jour en s’imprégnant de l’ambiance de ce court documentaire de L’Office Natinal du Film du Canada. La description historique et stratégique y est un embrouillamini particulièrement inintelligible (surtout l’imbuvable animation en lanterne chinoise des neuf premières minutes, bourrée d’anachronismes crétins et d’effets de connivence futiles) mais, par contre (dans les vingt dernières minutes), l’évocation visuelle, notamment celle de ces miliciens tuques bleues et ces voltigeurs canadiens tuniques grises, dont le Père Michel « fit partie », est parfaitement méritoire. On observera que l’anecdote de l’émissaire de rédition ricain se faisant flinguer juste après sa harangue est reprise mais, dans ce navet lourdement aristophile (et, d’autre part, doucereusement anglomane), le coup de feu « d’Ignace Gendron » est imputé ici au Colonel Charles-Michel de Salaberry (1778-1829), commandant des troupes du Dominion à la bataille de Châteauguay…
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Paru aussi (en version remaniée) dans Les 7 du Québec
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