[english version below] Dans l’très vieux temps de y a ben longtemps, nos pays y étaient gouvarnés par des rois. Y a un roi qui vivait ben loin dans l’est pis y avait la grand chance d’awouère trois filles. Les trois filles se faisaient donner absolument toute toute quessé qui leu fallait — des belles guénilles, des bébelles pour faire mumuse, d’la bonne mangeaille en masse, pis des sarviteurs pis des sarvantes pour yeu fère leu train. Cté fille là, y ont grandi gras dur, ignarantes de toutes les troubles du monde ardinaire, justement le pauverre monde que leu poupa éta le roi de. Y en a une des trois, la plus jeune des trois, ben éta comme différente des autres. Elle a s’en câlissait pas mal des belles guénilles, des bébelles pis de la bonne mangeaille à fafineux. Quand ses sarviteurs pis ses sarvantes ergârdaient ailleurs, a se faufilait en dewors du palais pis al alla virailler des grands bouttes de temps dans l’village alentour. Ou encore al alla galvauder dans l’bois, autour du palais. Dans l’village, a vu des moumans paysannes avec leu babi d’une poche su l’dos, en train de laver leu linge dans des ruisseaux. Al a vu des flos jouer, pas avec des bébelles mais entre eux-autres, flos. Al a vu des flos plus vieux en train d’aider des ptits jeunes flos. Al a vu des flos en train de se pogner pis de se saprer des volées mais al a vu aussi des flots se serrer la main en chialant. Al a vu aussi du pauverre monde qui luttaient pour leu survie dins rues, du monde sans abris qui quêtaient leu mangeaille, des moumans qui crevaient de faim pour qu’leu babis puissent manger. Dans l’bois, a vu des moumans wézo qu’apportaient d’la grainaille à leu pitwézo pis des zanimos qu’apprenaient à leux tizanimos comment charcher leu mangeaille. Dans toutes cté zaventures là, al a appris que toute quessé qui exiss en monde dwé s’amancher pour survive, pis que toute c’t’affère de survivance là, ça dépenda pas pantoute des belles guénilles ou des bébelles mais d’la bonté du monde envers d’autes mondes.
Apra avouèr appris toutes cté zimportantes affères là, al a lâché les belles guénilles, les bébelles pis les sarviteurs et sarvantes. Al a dit à son poupa qu’a voula explorer la nouvelle farveur qu’a vnait de s’découvrir en elle-même. A gui a aussi parlé du monde qui mangea d’la misére dans l’village pis que si c’éta pas un effet de sa bonté sa grand bonté poura guieux permette de vive mieux. En entendant ça, le roi ses péres y éta tan tabarnak. L’bonhomme y créya pas à ça pantoute, lui, la bonté — créya juss en la sagesse donnée jusss aux ceusses qui en monta la haute montagne pis la mérita, comme lui-même. La fille était ben dépitée d’la réaction d’ses pére. Mais éta ben guirée pour suive sa tite idée. A sapré son camps du palais pour aller vive comme une paysanne dans l’village. Comme a sacralisa toute créyature vivante, a survailla ben attentivement la route youss qu’a marcha pour ête ben sure de pas piler su’une forme de vie. A fournissa son aide pis sa gentillesse à toute les ceusses qui gaulaient dans vie. Mais elle aussi al a eu des souffrances. À cause de ses comportements gentils, y en avaient dans l’village qui gui montaient sa tête pis qui la bardassa pas mal. Mais a yeu zen tenait jamais rancœur. Ses guénilles ont fini par devnir toutes vieilles pis toutes décocrissées mais à s’en sapra ben parce éta tellement heureuse dans son cœur. Des sangsues viva même collées su son dos. Ça faisait qu’al ava ben d’la misére à marcher. Mais a lâcha pas d’marcher. Un jour a s’t’aparçu qu’une des sangsues gui éta tombée du dos. A ramasse la sangsue à terre pis a s’la r’colle su l’dos parce a sava que si la sangsue resta à terre, a pourra toute bin n’en mourir. Cte fille là, a déborda d’une gentillesse pis d’un compâssion absolument capotante. C’ta comme ça qu’a viva sa ptite vie.
Fak toujours est ti ben qu’in beau jour a s’est mis à rpenser à ses pére. A s’est mis à rpenser à ses sœurs. A s’est dmandé quossé qui se passa a’ec eux autes pis a s’est mis à s’ennuyer d’eux autes. Fak est rtournée au palais. Al a chialé quand al a vu le roi, ses pére. Y éta devenu vieux pis bougonneux. En plus, une mardite maladie l’ava rendu aveugue. Mais elle, a s’en sapra ben qu’y seille vieux, bougonneux, pis aveugue. Al a serré ses père dans ses bras pis a gui a dit à quel point a s’éta ennuyé de lui pis comment qu’a regretta d’avoir sapré son camps comme ça. Le roi y gui a répondu, ben à pique pis ben baveux: «Si tu penses vraiment qu’la gentillesse peut sauver les mangeux de misère ben tu vas t’trouver à m’donner tes yeux, pour que j’seye pus aveugue.» Pis là y gui donne une poussé pis y sak son camps din aut’chambe. Le lendemain, la fille ar’tourne au palais avec in tube en bambou. A d’mande pour vouèr le roi, ses père. Y est là, Y arrive, fak a dit: «Mes père, je le voé d’mes yeux qu’vous souffrez pis que c’est pas sensé êt’de même. Vous m’avez toujours donné toute sék i’m’falla pour que j’aille jama la moinde souffrance — de la mangeaille, des guénilles, des bébelles, des sarviteurs pis des sarvantes— pis je vous ai pas apprécié comme y l’falla. C’t’a mon tour d’vous fournir de quoi pour qu’vous rsentiez pus les souffrances.» Pis là a pogné le tube de bambou pis a s’en est sarvi pour se débarquer les yeux d’la face pis les offrir à ses pére. Pis c’t’à c’moment là, qu’le roi s’t’aparçu d’la vra gentillesse pis de la vra compâssion d’sa tite darnière. Y s’est mis a chialer quand il l’a vu toute saignante pis mourante à terre. «Mais ma pauve tite. Chu ben nâvré pis ben en peine» que le bonhomme y a marmotté. «J’vous pardonne, mes péres», là, qu’a dit. Pis ça s’est trouvé à êt’tout juss ses darnières paroles.
Les dieux pis les ancêtes, qui surveillaient a gaffe depuis l’plafond des mondes, y on pogné l’motton pis y ont été pas mal épatés par la vra pitié, la vra gentillesse pis la vra compâssion manifesté par cte simpe tite gogole d’un quelconque roi. Son âme est grimpée au ciel pis les dieux y ont sapré une saudite de bourrasque de tapon de grands tapes amicales dans l’dos. Y gui ont donné le nom de Guanyin, la déesse aveugue d’la compâssion. A continue de veiller su toutes nous autes pour nous fére garder dans nos mémoères l’importance d’être gentils, d’être miséricordieux pis de sawére tout le temps pardonner…
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[version joualle supra] A long time ago, the land was ruled by kings. One king in the far east was gifted with three daughters. These daughters were given everything they needed — beautiful clothes, toys to play with, enough food to eat and servants to do all the chores. They grew up happy, oblivious to the things that troubled ordinary people, like the people their father ruled over. One of them, the youngest daughter, was different. She cared nothing for the beautiful clothes, toys and fancy food. When her servants weren’t paying attention, she would sneak away from the castle and spend time walking through the streets of the village nearby, and roaming around the forests that surrounded the castle. In the village, she saw peasant mothers holding their babies on their backs and washing clothes in the stream. She saw children playing not with toys, but with each other. She saw older children helping younger children. She saw children arguing and fighting, but she also saw them shaking hands through their tears. She also saw people struggling to survive on the streets, people with no homes, begging for food, mothers starving so their children could eat. In the forest, she saw birds bringing food to their babies, and animals teaching their young ones to search for food. From her adventures too she learned that all living things need to survive, and much of that survival depended not on fancy clothes, or toys, but on kindness from others.
After learning these lessons, she gave up all her fancy clothes and toys and servants. She told her father that she wanted to explore this new faith that she had found. She also told him of the people struggling in village, and how his kindness could make their lives better. The king got very angry. He did not believe in kindness — only wisdom gifted to those who attained it and deserved it, like himself. The daughter was very sad at her father’s reaction, but was determined to follow her own path. She left the castle to live as a peasant in the village. She became known for her kindness and compassion. Because she believed every living thing was sacred, she would watch the path on which she walked to be sure she was not stepping on any living creatures. She would offer help and kindness to those who were struggling. But she also suffered. Because of her kindness, some people in the village would mistreat her. But she would always forgive them. Her clothes became torn and old, but she barely noticed, because she felt so happy in her heart. Leeches would live on her back, causing her great difficulty walking, but she carried on. One day, she noticed one of the leeches had fallen from her back. She picked it up and put it back on her, knowing that if she did not, the leech would die. She displayed a kindness and forgiveness that was extraordinary. This is how she lived her life.
One day, she thought about her father. She thought about her sisters. She wondered about them and she missed them, so she walked back to the castle. She wept when she saw her father, the king. He had grown old and bitter. An illness had caused him to become blind. But she didn’t care. She took her father in her arms and told him how much she missed him, and how she was sorry that she left. The king scoffed. « If you really believe that kindness saves those who struggle, you will give me your eyes, so that I can see again. » He pushed her away, and left the room. The next morning, the daughter returned to the castle with a stalk of bamboo. She asked to see her father the king. When he arrived, she spoke. « Father, I see that you are suffering and you shouldn’t be. You have always given me everything that I needed so I wouldn’t have to suffer —food, clothes, toys, servants— and I did not appreciate you like I should have. It is my turn to provide for you, so that you will no longer suffer. » She then took the stalk of bamboo and used it to remove her eyes, which she presented to her father. At that moment, the king realized the true beauty of his youngest daughter’s kindness and compassion. He wept as she lay bleeding to death on the floor. « My daughter, I am so sorry. » he said. « I forgive you, father. » she replied. Those were her last words.
The ancestors and gods who were watching from above were impressed and touched by the true mercy, kindness and compassion shown by this king’s daughter. Her soul ascended to the skies where she was greeted by the gods. They named her Guanyin, the blind goddess of mercy. She watches over us and reminds us of the importance of being kind, compassionate and forgiving.
[Text written by Val, based on a tale told by her mother — texte écrit par Val, à partir d’une histoire racontée par sa mère]
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Islam et incroyance
Posted by Ysengrimus sur 7 décembre 2017
Au départ, ici, l’affaire est parfaitement limpide: il n’y a tout simplement pas de mansuétude musulmane pour les incroyants. Il faut ne pas les reconnaître (dans tous les sens du terme) et, surtout, il faut les combattre, non pour les détruire (Que de générations avons-nous anéanties avant eux! – ronflante, l’idée est en fait hypertrophiée dans l’intox médiatique actuelle – je n’épilogue pas) mais bien plutôt pour les convertir. Le Coran fait tonner contre l’incroyance (ou ce qu’il désigne comme telle, en ratissant large) toute la fermeté habituelle du discours des prophéties monothéistes révélées. Çad (Ṣād) est une lettre de l’alphabet arabe qui est aussi le titre de la sourate 38 (tout simplement parce que c’est sur cette lettre que s’amorce l’écriture de cette sourate). L’ouverture de la sourate Çad, très explicite contre l’incroyance, va nous permettre d’entrer dans notre développement:
Le Coran ne fait pas ici une admission banale. Il est explicite sur le fait que la révélation prophétique ne se formule pas contre une mécréance qui serait écrue, vierge, vide, livide et sans a priori intellectuels, mais bien contre une lourde et dense tradition polythéiste, organisée et politisée. Va-t-il réduire les divinités à un Dieu unique? disent les «incrédules» qui se surprennent comme convulsivement du propos novateur d’un des prophètes monothéistes. Et les chefs de ces peuplades intellectuellement arriérées (je seconde pleinement les musulmans sur ce point) de confirmer autoritairement leurs sujets dans leurs vieilles croyances. L’immense combat du Coran contre la non-croyance fait face (ou croit faire face) quasi-exclusivement à la non-croyance en un dieu unique et intangible. Ceci est important. Ce n’est pas la religion ou la religiosité qu’on installe ici. C’est le monothéisme. Très classiquement, on passe de la multitude compliquée et turlupinée de dieux concrets, idolâtrables, et sensoriels/sensuels au seul dieu abstrait, adorable, aux assises (se voulant) exclusivement logico-discursives. C’est là une avancée critique majeure et, toujours prudents et politiquement pragmatiques et tactiques, les nouveaux zélateurs verront bien à camoufler la radicalité novatrice de ce progrès de la pensée mythique dans les replis onctueux d’une vaste filiation traditionnelle qui se voudra la plus vénérable possible.
Très importante, dans cette dynamique d’innovation circonspecte se voulant sciemment traditionaliste, est la notion de Rappel. Le propos coranique juge, en conscience, qu’il ne fait pas dans la tendance nouvelle-nouvelle à la page, sautillante et trépidante quand il lance ses avertissements contre les faux dieux. On a ici un rappel de ce que disaient déjà les très Anciens. Noé, Loth et Moussa (Moïse qui, donc, fut confronté à Pharaon et à ses épieux, possiblement les mâts de ses tentes de campagnes) sont connus pour avoir prêché soit le monothéisme, soit la moralité comportementale, soit les deux, avoir été rejetés, puis associés à une punition divine d’envergure de leurs objecteurs. D’autre part, les Ad sont le peuple yéménite auquel fut confronté le prophète Houd. Les Thamoud sont le peuple d’Arabie centrale auquel fut confronté le prophète Sâlih. Al Aïka est la contrée habitée par le peuple de Madian (en Palestine) auquel fut confronté le prophète Chou‘ayb. Ces trois très anciens prophètes arabes majeurs se sont retrouvés dans des situations analogues entre elles et, aussi, surtout, analogues à celle (évidemment ultérieure) vécue par Mahomet. D’ailleurs tous les prophètes monothéistes invoqués dans la sourate Çad (et les autres aussi, invoqués ailleurs dans le Coran: Ibrahim, Ismaël, Youssouf, Jésus, etc) anticipent frontalement l’appel monothéiste de Mahomet, dans le récit sacré (selon cette description en effet d’écho du prophétisme, procédure typiquement coranique). Bien connue dans ces traditions, récurrente, la situation est la suivante: un avertisseur inspiré du dieu unique se lève au milieu d’une population polythéiste et lui fait une promotion aussi ferme que mal entendue du passage au monothéisme. Après, habituellement, ça se passe assez mal et dieu finit par s’en mêler:
Le Coran est pleinement tributaire de ce prophétisme catastrophiste classique, qui rappelle Sodome, Gomorrhe & Consort (S’ils recommencent, qu’ils se rappellent alors l’exemple des Anciens). J’attire cependant, dans cette seconde citation, très représentative, du bon vieux tonnerre divin contre les indigents du monothéisme, votre attention sur une notion malicieuse qu’on n’attend pourtant pas vraiment, quand il s’agit de l’omnipotence courroucée de l’être suprême. J’ai nommé: le stratagème de dieu. Il intrigue, lui, quand on relis plus attentivement cette citation de la sourate 7. Agacement à part, on nous y parle en effet du fait que dieu, pour en venir à imposer ses preuves évidentes, use, un peu paradoxalement, d’un stratagème… voilà qui n’est ni banal, ni anodin, ni marginal. C’est vachement moderne aussi, cette fois-ci, cette façon de se formuler et de se courroucer. On prend la mesure dudit stratagème quand on s’avise du fait que l’entêtement des polythéistes à ne pas accepter le dieu unique est lui-même un choix punitif fait par dieu (Voilà comment Dieu met un sceau sur le cœur des incrédules), un bon tour qu’il leur joue, littéralement, pour des raisons morales (si nous le voulions, nous leur enverrions quelque adversité, à cause de leurs péchés. Nous mettrons un sceau sur leurs cœurs et ils n’entendront plus rien). Les choses se compliquent subitement et, pour reprendre le mot coranique, il y a bien quelque chose de subtilement pervers qui s’installe ici. On fera inévitablement observer que les adeptes du dieu unique ne sont pas trop chauds à admettre ces résistances passéistes à leur endoctrinement car elles sont toutes autant d’esquintes à l’omnipotence de leur être suprême, pourtant totalisant et habituellement peu enclin à la nuance casuiste. Il faut donc remettre ces résistances et ces incrédulités dans le grand cadre décisionnel (et fatalement punitif) du divin qui. de ce fait, perd subitement en limpidité, en simplicité, en puissance, se complique, se tortillonne, se problématise… Et cela se met à sérieusement finasser et, redisons-le, à faire dans le stratagème:
À ce point-ci, le jeu du chat et de la souris entre les musulmans et les incrédules, c’est plus seulement du stratagème. C’est carrément de la stratégie. Stratégie militaire notamment (Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de sédition…). En me pardonnant une analogie un peu mutine, vous me permettrez de faire observer qu’on nous annonce ici que tout se passe comme si les croyants, encore minoritaires, étaient comme pris en otage, face au dieu, par les incrédules qui les cernent et qui les transforment, volontairement ou non, en une sorte de bouclier humain (Mais Dieu ne veut pas les châtier alors que tu es au milieux d’eux). Et lesdits incrédules, par contre, ne se gênent pas pour bien le narguer, le dieu («Ô Dieu! Si cela est la Vérité venue de toi, fais tomber du ciel des pierres sur nous, ou bien, apporte nous un châtiment douloureux»). On croirait presque que le prêche coranique décrit ici une bande de collégiens un peu potaches chahutant et faisant la sourde oreille face â l’autorité d’un maître qui, lui, visiblement, n’a pas que des amis (Ses amis sont seulement ceux qui le craignent). Et ce maître, qui ne veut/ne peut pas vraiment punir, de tonner: vous vous croyez fin-finauds, mais le maître aussi est fin-finaud, vous allez dépenser toute votre menue monnaie avant de le surclasser… Puis: bon, bon, si vous vous calmez, les enfants, je suis bien prêt à passer l’éponge (Dis aux incrédules que s’ils cessent, on leur pardonnera ce qui est passé). Mais, le calme revenu, n’allez surtout pas vous imaginer que je comprend pas ce qui se trame ici, les amis (S’ils cessent le combat, qu’ils sachent que Dieu sait parfaitement ce qu’ils font). Il est difficile de ne pas se dire que le prêcheur (le Coran, comme texte conseillant ici les croyants sur leur marche à suivre face aux incrédules) a sur tout ceci, en fait, beaucoup plus de fil à retordre qu’il ne se sent prêt à s’engager à l’admettre. Le fait est que ses problèmes prosélytes ne se réduisent peut-être pas tout à fait à la problématique archaïque et solidement balisée de la conversion au monothéisme d’une irrationalité religieuse éparse, sauvageonne, sensualiste, vieillotte mais somme toute préservée intacte, disponible et convertible.
Si bien que la question en vient fatalement à se poser, livide. Le Coran n’a-t-il pas été, même en son temps, directement confronté à l’athéisme au sens fort (la non-croyance intégrale en un dieu ou des dieux). N’a-t-il pas du commenter, et analyser (donc implicitement admettre), l’incroyance pure, exempte de religiosités ou croyances antérieures d’aucune sorte. Chercher de l’athéisme dans le Coran, c’est vraiment chercher une aiguille dans une botte de foin. Et pourtant, eh bien, tendanciellement, on trouve… Observer ce court passage où le prêche coranique, derechef (comme il le fait souvent), explique au «militant» musulman comment il doit se comporter face à l’incroyance:
Dans ce texte du septième siècle, on s’approche singulièrement du type de procédé que des prêcheurs contemporains utilisent pour tenter d’ébranler des personnes non seulement indifférentes à une doctrine religieuse qui serait inusitée, incongrue, vieille (magie notoire) ou nouvelle mais aussi des personnes imbues d’une tranquillité éclairée et d’une paix froide face au tout de l’irrationalité religieuse, en soi. On s’offusque de leur indifférence intégrale devant tout ce qui pourrait procéder de l’au-delà (Lorsque nous serons morts et que nous serons poussière et ossements). Et de recommander au musulman de les ébranler avec un argument d’une singulière modernité ès préchi-précha: la peur de la faiblesse corporelle et de la mort physique (Pose cette question aux incrédules: Sont-ils plus forts de constitution que d’autres êtres créés aussi par nous?). On voit fort mal ce genre de dynamique argumentative se déployer devant des polythéistes qui, eux, restent intégralement pétris de vieilles croyances et de pulsions en faveur de l’au-delà.
Le Coran voudrait que l’on pense qu’il ne fait face qu’à de mauvais religieux (des polythéistes), ou à des monothéistes incomplets (des croyants en un dieu unique, mais non-musulmans), ou à des dépravés immoraux des deux groupes précédemment mentionnés (des «pervers» dévoyés ou mal islamisés). Il lui est extrêmement difficile d’admettre l’athéisme, sans le réduire de facto aux trois cas de figure précédents. Être sans dieu et sans croyance irrationnelle c’est, aux vues du prêche coranique, probablement juste d’avoir oublié dieu (Quand on leur rappelle quelque chose, ils ne s’en souviennent pas) ou de ne pas décoder son message (Quand ils voient un Signe, ils veulent s’en moquer). Sur ce point, les musulmans modernes sont, eux aussi, solidement coranistes, même si, technologie oblige, ils ne peuvent désormais plus s’exclamer, contre les incrédules: Qu’ils montent donc au ciel avec des cordes!
Les musulmans ont peur de l’athéisme comme la nature était autrefois censée avoir peur du vide. Ils ne l’admettent pas comme fait ordinaire, ne le cadrent pas, ne le piffent pas… malgré certains aveux involontaires de leur texte sacré, lumineux, lui, en cela aussi. Et, comme le Coran finalement, les musulmans se leurrent ouvertement au sujet de l’inexistence de dieu, dans les faits et dans les consciences. Car l’athéisme est. Et il existe pleinement, depuis des temps fort reculés. Une lecture attentive du Coran confirme que le texte sacré de l’Islam s’en avise et impitoyablement, fatalement, et comme désespérément, s’en insurge.
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Tiré de mon ouvrage: Paul Laurendeau (2015), L’islam, et nous les athées, ÉLP Éditeur, Montréal, format ePub ou PDF.
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Paru aussi dans Les 7 du Québec
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