Une maison (CORPUS POÉTIQUE)
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Une maison m’attendait
Dans le replis des âges.
Elle savait pas que je débarquerais
Avec balafre, armes et bagages..
Elle se laissa, jadis, juste construire
Sur de la bonne terre
En jachère.
Elle ne vit pas non plus venir
Un bien éphémère
Entre-deux-guerres..
Elle logea des humains et des moustiques,
Des outils, des pianos, des flonflons, des fantômes.
Elle garda toujours la dégaine rustique
D’une fine feuille morte entre les pages d’un tome..
La cadrousse,
En douce,
L’entoura.
Cela la rendit bucolique,
Comme ça, sans malice… comme de quoi
On ne se décrète pas
ex cathedra
mélancolique..
Oui, oui, depuis quatre-vingts ans,
Un petit cottage blanc
m’attendait
Dans le surplis des revers du monde.
Il ne me fallut que quelques secondes
Pour nouer son tortueux chemin
Au frêle poignet de mon ordinaire destin.
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CORPUS PAUL LAURENDEAU DU SITE ÉLP POÉSIE
LE POÈME QUI NE SERA PAS
Le poème qui ne sera pas
Laissera la frissonnante transe
De nos cataractes, de nos fracas
S’extasier, sans chercher à dire.Le poème qui ne sera pas
Nous enveloppera de ses stances
En une dense brume.
Et un pesant navire
À coups de corne, la coupera.Le poème qui ne sera pas
Étalera ses alternances
De tic-tac antiques
Qui toquent, qui virent,
Au gros horloge, grand papa…Le poème qui ne sera pas
Verra voler l’évanescence
De la fine robe
Qui bruisse sans bruire
Quand d’amour, elle s’envolera.Et le poème ne sera pas
Car les lois de l’appartenance
Laisseront l’enfançon
Se faire, se nourrir
En cliquetant contre le sein.Et le poème ne sera pas
Surpris, sur le soir de l’enfance
De voir, vers un long lac, l’élan partir,
De l’entendre charger au loin.Et ils reviendront, des douzaines
Comme quand on vide le carquois
De ses traits cinglants
De joies et de peines
Mais le poème ne sera pas.Si le poème ne sera pas
C’est qu’il fallait faire silence
Ensemble,
Tous chocs,
Toutes corvées,
Toute patience
Sous le roulis
Du temps qui va.
L’hélicoïdal inversé, poésie concrète, ÉLP éditeur 2013, 4,99 € – 6,49 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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À RODIN
À Rodin, j’ai voulu dire
Que l’on peut coexister
Sans pour autant s’imiter,
S’empoigner, se contredire…
J’ai voulu le saluer,
Parler de son influence
Et, sans trop le révérer,
Faire sentir sa persistance.
La forme et le matériau
Quelque part, c’est la même chose.
C’est poésie ou c’est prose
Mais ce sont toujours nos mots.
De Rodin, j’ai voulu rire
Un petit peu, pourquoi pas.
C’est pour… comme… le subvertir
Et pour avancer d’un pas.
Camille Claudel, elle aussi
Figure là, dans mes pensées.
Et, quand je cogite ceci,
Elle est proche, elle est citée.
À Rodin, j’ai un peu rendu
Un hommage, on peut le dire
Avec ces broutilles tordues
Qui me poussent et qui me tirent
Vers un monde percé, perçu,
Zébré de figuration
Et dont les pensées perdues
Cherchent leur penseur, à l’occasion.
À Rodin j’ai voulu signaler
Que, malgré les différences
Et les temps et les distances,
On peut toujours s’entr’aimer..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
Assemblages, ÉLP éditeur, 2013, 1,99 € – 2,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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LE PETIT MASQUE ÉGARÉ
Dora Maar a subitement égaré
Le petit masque vénitien
Assez ancien
Qu’elle porte au cou
Depuis des années.
C’est un faciès ovale, argenté,
Un petit peu plus haut que l’ongle
Délicat et ciselé.
Il est le cousin ou l’oncle
Des masques du carnaval de Venise.
Il en est, de fait, une miniature
Au trait et à la dent dure.
Il était dans la boite à bijoux.
De cela Dora Maar est bien sûre,
Sûre comme du dur bien dur.Dans la petite salle d’eau de Dora Maar,
Il ne faudra pas laisser une roche
Qui n’ait été soulevée.
Il va falloir y aller avec une lampe de poche,
Indubitablement.
Pour l’instant,
Dora Maar se flagelle.
Elle se rappelle,
Entre autres, d’avoir versé la boite à bijoux
Sur le lit, pour mieux la fouiller.
Oh, la questionnable approche.
Enfin, l’heure n’est pas aux reproches.
Dora Maar agacée touille dans son sac à main.
Elle ne se voit pas y jeter le petit minois
Mais on sait jamais, n’est-ce pas.
Elle va ensuite vite vérifier
(Et tant pis si ce faisant, elle se contredit)
Dans une petite pochette de couleur cramoisie.Elle y trouve enfin le masque,
Bat le tambour basque,
Fait sonner flûtes et mandolines.
Respire mieux, se décontracte,
N’est pas fâchés d’arriver à la fin de l’acte.
Ah, égarer un objet aimé,
Quelle tension.
Quelle intense et glaçante émotion.
Mais aussi, quelle libération,
Quelle exaltante et étrange pulsion,
Que celle de l’art égaré.
Surtout s’il s’agit de l’égarement,
Implacablement cohérent,
D’un petit faciès austère et ciselé,
D’un petit masque argenté,
Tout crispé
Et qui n’a vraiment pas peur qu’on se le dise
Qu’il arrive de Venise.
L’hélicoïdal inversé, poésie concrète, ÉLP éditeur 2013, 4,99 € – 6,49 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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JE VAIS MOURIR
Je vais mourir
Avec ostentation
Et des brindilles
Jailliront d’un lagon.
Elles s’ouvriront,
Comme un vague éventail
Et cette vie,
Boulevardière et canaille,
Va continuer sa stance,
Sa chanson.
Je vais mourir
Bien loin de tous lagons.Je vais mourir comme chameau qui baraque
Et des brindilles vont griffer un cloaque.
Elles vont sécher, comme fourrage en hiver.
Même elles verront la fin de leur calvaire.
La vie vous fait de ces coups de Jarnac.
Je vais mourir bien trop près du cloaque.Je vais mourir comme meurent les gueuses
Et des brindilles dans une eau lumineuse
Traceront des traits dignes de Riopelle
Comme les cheveux de quelques demoiselle
Encore en vie, riante, pas pleureuse.
Je vais mourir autant que l’eau est aqueuse.Je vais mourir et ce lagon m’agresse.
Et ces brindilles sont de sales bougresses.
Elles sont si fragiles. Pourtant, ce qui me tue
C’est qu’elles perdurent et qu’elles se perpétuent.
Fascination, remballe tes caresses.
Je vais mourir sur l’eau de ma détresse.Je vais mourir avec ostentation
Et des brindilles jailliront d’un lagon.
Je vais mourir comme chameau qui baraque
Et des brindilles vont griffer un cloaque.
Je vais mourir comme meurent les gueuses
Et ces tignasses, et ces injures vaseuses
Vont continuer leur voyage arrogant.
Je vais mourir. Eh, que c’est contrariant….
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire vergners, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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D’UN RADEAU
D’un radeau,
Je te chante
Les pulsions
Qui me hantent,
Les folies
Qui me bouffent,
L’aporie
Qui m’étouffe.
Je suis un nénuphar
Sur son esquif gracile.
Je t’aime. C’est de l’art.
Et ce n’est pas facile
D’ainsi flotter mollet
Sur l’eau de tes langueurs,
De rosir, guilleret
Au lagon de tes peurs.
Je suis jaune en dedans.
C’est le feu de mon âme.
Un incendie latent
Qui couve, qui se trame.
C’est de flotter, aérien, sur toi,
Objet de mon désir
En silence et de ne pas
Pouvoir crier, pouvoir sortir
La vomissure qui bouille en moi
Comme le foutre hors d’un goret,
Comme le sang hors d’une viande,
Comme le pus hors d’une plaie.
Je veux t’aimer. Je veux te prendre.
Mais je me contente de pétaler, de flotter…
Et, tout doucement, je te chante
Les pulsions
Qui me hantent,
Les folies désaxées, hors propos,
Et surtout, les cuisants et sempiternels retards
D’un radeau
Nénuphar..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des pimprenelles, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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HOMMAGE À KLIMT
C’est la force des couleurs
Prismatiques et primales
Qui l’emporte sur nos peurs
Et nos hantises du normal.C’est la fureur des formes
Calibreuses, découpées,
Qui prime sur les poupées
Et sur l’ardeur du banal.Gustav Klimt, ma ganache,
Tu te donnes en deux temps
Comme un feuilleté bruissant
Lacéré de jeux de taches,Tout d’abord, il y a toi.
Tu étales tes symboles,
Tes figures, tes quant à soi,
Amoureuses en hyperbole.Puis ensuite il y a moi.
Je te saisis au corps
Et tu palpites encor
Au treillis de mon émoi.Et ta forme en scotome
Reste entre toi et moi
Comme les pages joufflues d’un tome
Dont le texte ne me revient pas.C’est la force des couleurs
Prismatiques et primales.
C’est la fureur des formes
Dédoubleuses, découplées.Gustav Klimt, ma douceur
J’ai tant voulu t’aimer
Que j’ai pas hésité
À hypothéquer mes peurs..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
Assemblages, ÉLP éditeur, 2013, 1,99 € – 2,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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DOS DE BANJO ET PEAU DE CHAMOIS
Le dos d’un banjo
Est rêche et raboteux.
La peau de chamois
Est douce et comme moite.Le dos du banjo invite à parler,
Recrute à pincer,
Le regard, les doigts.
C’est vif. c’est folklo.La peau de chamois
Interpelle le surmoi
Elle veut faire bosser, trimer.
Elle sert à laver, lisser.La peau de chamois
Me rappelle un mécanicien
Qui patinait toujours d’un chamois intègre
La carrosserie de sa grosses américaine d’autrefois.Le dos du banjo
Me rappelle un magicien
Qui nous jouait toujours un petit air aigre
Avant de nous faire son numéro.Le banjo, c’est du feu.
Ça crépite, c’est durillon, nerveux,
Séduisant, musical,
Raboteux, guttural.Le chamois, c’est de l’eau.
Ça se frotte, ça chuinte. C’est aqueux et chaud,
Langoureux Animal,
Moite, fluide, séminal.Et c’est quoi qui unit dos de banjo et peau de chamois?
La nostalgie tactile d’un certain art trouvé, au fond, je crois.
L’hélicoïdal inversé, poésie concrète, ÉLP éditeur 2013, 4,99 € – 6,49 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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LE MONDE EST UNE PERLE
Le monde est une perle ici,
Dans les calanques,
Ultime planque,
Pour le pur et pour le gentil.Le monde est une perle ici,
Dans cette vallée mirifique,
Brumeuse, idyllique,
Sans propriétaire et sans prix.Le monde est une perle ici.
C’est la falaise et c’est la mer.
C’est l’or qui se transmute en fer
Quand nos regards se posent sur lui.Le monde est une perle ici.
Et je la prends, et je la touche.
Et je la pose sur ta bouche
Pour le petit bisou des grandes amies.Le monde est une perle ici.
C’est avec toi que je m’y plonge
Éperdu(e) comme la brume qui longe
Cette baie, au dos interdit.Le monde est une perle ici.
Et deux amoureux s’en avisent
Pendant que les vieux arbres devisent
Avec un grand ciel décati,
Ici, pour toujours, juste ici..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des eaux et des pierres, ÉLP éditeur, 2015, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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ON VA RATER LE BOULANGER
Magnez vous les copains.
On va le rater.
Mais cessez de bruisser
Et grouillez-vous,
Tas d’empotés.
Je vous demande un peu.
Du pain, des jeux,
Foncez.C’est bien la peine
D’avoir les pieds ainsi palmés
Si c’est pour finir
Avec si peu de prise au démarrage.Mais… elle se barre,
Elle s’ébranle.
Je cancane.
J’enrage.Ça y est, elle disparaît,
La boulangère voiturette.Il va nous rester,
De cette ruée,
Que nos yeux pour pleurer.
Nos pauvres
Géantes
Et gluantes
Mirettes.
Et que de tristes miettes.Et, pour nos ventres affamés
(Qui en veille ou en sommeil
N’ont point d’oreilles),
Je ne sais quelle fatale recette.Et notre imaginaire
Jouant ses fausses notes,
Ses faux rêves de festins,
Lascifs, replets, paillards.Oui, ça y est,
Reste plus
Que notre pauvre volière,
Jouant ses canards..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire vergners, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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HEUREUX ENSEMBLE
Heureux ensemble, nous irons,
Toi à pied, moi à vélo.
Et ta truffe en tuyau
Nous guidera vers les saisons
Où le soleil pétille
Et il y a pas de pluie
Parce que tu crains la rouille
Et que moi aussi.
Je porte un casque.
J’ai les cuisses comme des ressorts,
Et, sous mon masque,
J’ai une dégaine, j’ai le port
Altier, roide, cycliste.
Toi tu gambades
Parce que tu es un roquet pas triste,
Pas perclus, pas malade.
Et ta truffe en tuyau
Nous guidera vers la connaissance
De la subversion du beau
Et du fric-frac des essences.
Je vais à vélo
Et toi, tu es mon animal.
Tu es pas fait de peau
Mais comme moi, humain, de métal.
Heureux ensemble. nous serons
Toi sur pied, moi sur des supports.
C’est que je modère mes transports
Pour mieux me faire contempler
Et aimer..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
Assemblages, ÉLP éditeur, 2013, 1,99 € – 2,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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SONNET DES MOTS ET DE LA CHOSE
D’avoir rencontré le mot
M’a fait capturer la chose
Dans un angle que la prose
N’avait su mettre en lambeaux…
Rameaux de lambeaux…Cataractes et dominos,
Grenade de fond de la chose,
Tu as persiflé ta cause
en chuintant d’entre les mots.J’ai osé cueillir ces roses
Ataviques. De l’air, de l’eau.
On ne refait pas la chose
Quand elle vous triture la peau.Puis, puit, Puy…
Forain, j’ai gauchi ma pose
Et jonglé avec trois mots…
L’hélicoïdal inversé, poésie concrète, ÉLP éditeur 2013, 4,99 € – 6,49 $.
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MAIS SI, MAIS NON
Mais si, c’est un nénuphar.
Mais non, c’est un phare.
Mais si, et c’est une zone arable.
Mais non, c’est inénarrable.Mais si, c’est l’ultime fragilité.
Mais non, la route pourra bien passer.
Mais si, c’est un lagon pugnace.
Mais non, c’est une innommable lavasse.Mais puisque je te dis que c’est zoné protégé.
Mais puisque je te dis que c’est un terrain privé.
Mais non, c’est du pays sauvage.
Mais si, c’est un aménageable paysage.M’enfin, quelle peste. T’es loin d’être conciliant.
Mais autrement, je vais devoir invoquer Boris Vian.
Mais non, qu’est ce que Vian a tant à y faire.
Mais si, souviens toi de Chloé et de son cancer…Il n’y a que deux choses de vraies dans la vie :
L’amour et la musique de Duke Ellington…
Tu t’en étonnes ?
Mais non, c’était pas un cancer… là, tu te goures.Mais si, c’était dans L’écume des jours.
Mais non et tu vas pas, en plus, bétonner tout ça.
Mais si, l’éléphant de Jean Sol Parte s’en chargera.
Mais, oh, pas encore ton sale Vian, Y en a marre.Mais basta, pas besoin de te piquer un phare.
Mais non, je te dis que c’est pas un phare.
Mais c’est bien ce que je te disais, eh mignard,
C’est un nénuphar….
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire vergners, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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POINT, VIRGULE
L’océan Atlantique éternel,
Lisse comme une prunelle,
Perpétue, comme repu,
Son état de sagesse.
Et le goéland philosophe est revenu.
Il croyait, après avoir sondé les nues
Et pris la mesure de ces largesses,
De ces ampleurs, de ces amplitudes
Et du pourtour de cette sphère
Béate de solitude
Que le cosmos était finalement fini.
Voilà c’était plié, c’était dit.
Et Jonathan, ou Fletcher c’est selon,
Croyait mordicus tenir enfin la conclusion :
L’Univers serait, de fait, un POINT.Mais en ce jour nouveau, en ce petit matin,
Notre goéland philosophe derechef vacille.
Les deux pattes dans la nasse qui doucement oscille,
Il se sent soudain moins certain, moins serein.
L’océan derrière lui, clapotant et fort aise,
Lui murmure maintenant une toute autre thèse,
Une doctrine en rythme, en phase, en longs cheveux,
Une conception qui se teinte dans les gris et les bleus,
Une idée relative, corrélée, alluviale,
La somme des grains de sable en une plage sapientale.
L’océan, comme son souvenir, fait revenir
Sur sa vision d’hier notre penseur ailé. Et il recule :
L’Univers n’est peut-être jamais qu’une VIRGULE,.
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des pimprenelles, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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LES ARRIVANTES
Les arrivantes nous apportent
Des nouvelles,
Des bouillonnements
Venus de l’autre bord,
Des purs sangs, des taureaux,
Des haridelles,
Sur une toile qui clapote
Dans tous les ports.
C’est une tourmente,
Une hystérie des bulles.
Et tout se dit,
En cet atermoiement.
Et les substances les plus suspectes circulent
Au sein intime du ressac le plus éclatant.
Un reflux de vagues, c’est un peu de la politique
Et nos mouvements sociaux du subconscient.
C’est liquide, c’est labile,
C’est verbeux, c’est critique
Comme un choc culturel de nouveaux arrivants.
L’eau, c’est secret aussi. C’est faussement
Translucide.
C’est insidieux, ça joue sur nos terreurs,
C’est onctueux, c’est laiteux,
C’est livide.
N’y voir que joie, ce serait une erreur.
Les arrivantes nous apportent des tableaux,
Des barbouillements venus de l’autre bord,
Des Cézanne, des Matisse, des Braque, des Picasso,
Des qui ont eu raison et des qui eu tort.
Et oui, oui, les substances les plus suspectes circulent
Au sein du ressac le plus éclatant.
Un reflux du vague, c’est un peu de la sémantique,
Des signifiés subtils aux mousseux signifiants.
L’eau est aqueuse, aussi, eh bien, l’eau est humide…
N’ayons pas l’heur des mots,
N’ayons pas peur des truismes.
N’ayons pas peur non plus de toutes nos saponides.
Une hystérie des bulles, oui, oui, c’est une tourmente.
Tout se dit, ambigu, de par les arrivantes..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des eaux et des pierres, ÉLP éditeur, 2015, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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OBJET SURRÉALISTE, 2010
Une baignoire antique
Blanche, lente, poussive,
Avec quatre pattes torves,
Se baigne dans un aquarium
Avec pompe, avec décorum.La baignoire antique,
Incurvée, pansue, morose,
Penche et quelque chose
Qui perle du fond de l’aquarium
Lui flatte un bedon, bonhomme.C’est un jet de bulles
Qui remonte, qui circule
Le long du ventre enflé
Blême, concret, incurvé,
De la baignoire antique immergée.Version aquatique
Des Vacances de Hegel,
Le tableau de Magritte,
Ce verre d’eau
Déposé sur le sommet d’un pépin
Ouvert, déployé,
Tout sec et tout taquin.Ici, similaire, vive dialectique,
Une baignoire antique
S’immerge en un aquarium
Du fond duquel, cette affaire,
Il coule,
Il monte,
Il papillonne
De l’air.
L’hélicoïdal inversé, poésie concrète, ÉLP éditeur 2013, 4,99 € – 6,49 $.
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EN VOL
Papillonet fragile, tu mates ceci,
En vol :
Des fleurettes en saupoudre,
Des tiges de brindilles.
Et tu vas en découdre
Avec le vent qui vire
Et les tendrons gazons
Qui fouettent les sangs
De l’entre-vent. Ton entregent
Te servira frivole,
Ès doctrines fofolles.
Et ton oscillement engage toute ta vie,
Papillonnet fragile, qui mates ceci,
En vol.Papillonet gracile, tu as pigé,
En vol,
Que les lois de l’engendrement
Et celles du contournement
Sont fatalement identiques.
Mouche, moucherons et moustiques
Qui bombinent en d’autres lieux
Savent encor moins bien, encor mieux,
Qu’il n’est passion, ardeur
Que celle de la multitude des fleurs.
Ils te laissent, frivole, à ta vision fofolle,
En vol.Papillonet futile, devant le vent qui frappe,
En vol,
Et qui farce et attrape, décoiffe et chausse-trappe,
Rapine, vombrissine et tourneboule,
Cornegidouille et fait perdre la boule,
Tu ne transiges pas, tu rages.
L’amour des susdites fleurs te tient lieu de courage
Et les insectes coupant, se gavant de sang,
Ne voient ton entre-vent, ne pigent ton entregent.Papillonet fragile, les petites fleurs t’ont capturé,
Elles t’ont saisi, capté, pompé, interpellé,
En vol..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire vergners, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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TRANQUILLE…
Les galets sont dépolis.
Les agrès sont démolis.
Tranquille…Un chou de mer sur la picaille.
Le dormeur du val après la mitraille.
Tranquille…Et dans le fond, y a la mer.
Et les prolos sont en colère.
Tranquille…Pas de terreau, pas de sable. Bernique.
Les grands chevaux blancs ont fui le cirque.
Tranquille…Un horizon sans fin de caillasses.
Le moteur social rempli de mélasse.
Tranquille…Et sous les galets, pas de plage.
Et sur les pavés, ben, la rage.
Tranquille…Et le gris de l’horizon.
Et l’amertume de ma chanson.
Tranquille…Les galets sont immortalisés.
La révolte est généralisée.
Tranquille….
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des pimprenelles, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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LES ÉTOILES FIGÉES
De fins stalactites
De voûtes caverneuses.
Harmonie contrite,
Vive et lumineuse.
Des étoiles figées
Qui tintent et nous disent
Que les nues sont gelées,
Que les eaux sont grises,
Hors de la caverne,
Là bas, dans le monde,
Sur la terre pas ferme
De cette terre pas ronde.
Ce sont des fistuleuses
S’il faut tout avouer.
Elles sont harmonieuses
Et elles ont rien à déclarer.
C’est pas de la glace.
C’est pas du cristal.
C’est pas du fugace
Et c’est plus normal
Qu’on pourrait le croire.
Un trésor secret.
Un éclat sans gloire.
Un mystère discret,
Hérissé d’histoire.
Harmonie vitale
Rieuse, lumineuse,
Petite, gigantale…
Des étoiles figées
Qui tintent et nous chantent
Qu’il faut tout aimer
Parce que tout nous hante
Et que rien n’est donné..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des eaux et des pierres, ÉLP éditeur, 2015, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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ÉLOGE
Éloge au fragile
Et à l’éphémère,
Au pur, au gracile,
Au vent et à l’air.
C’est un pissenlit
Il se rend, se donne.
Son demain est dit.
Sa candeur étonne.
Il est duveteux,
Foufou, frémissant.
Il mourra sous peu.
Éloge au vivant.
Éloge à la folle
Et douce existence
Qui fait que s’envolent
Nos chants et nos stances.
Dans ce petit champ,
Dans ce simple pré,
Éloge au vergner,
À l’air et au vent.
Éloge à la femme
Qui me hante encor.
Sinueuse flamme,
Cheveux, yeux et corps.
C’est une petite fleur
Vraiment pas timorée
Et le vent du nord
Va l’éparpiller.
Mais elle reviendra.
C’est vrai et c’est franc.
Et on le redéclamera.
Son éloge coup de vent..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire vergners, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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VIVE
Plante de rocaille luminescente,
Ton ardeur est cuisante.
C’est assez étrange en ces lieux.
Vive le mystérieux.Peut-être que tu luis, petit bocage,
De par je ne sais trop quel trucage
Bidouillisé sur un ordi.
Vive la technologie.Et ça me donne tellement envie d’écrire.
Il me faut soit le faire, soit mourir.
Je sens que me vient une chanson.
Vive l’inspiration.Je te regarde et mes cils vacillent,
Psychédélique camomille,
Artificielle concoction.
Vive l’hallucination.Tu me rappelle aussi Noël,
Ses jeux de lumières moches et belles
Que nous aimions à l’unisson.
Vive la festive saison.Donc, tu es une plante de rocaille ?
Tu fais un peu figure de pagaille
Comme l’éclatement d’un drame de vie.
Vive l’allégorie.Mais tu es vraie, parce que petite,
Parce que menue, crue, pas contrite,
Sans symbolique, sans turpitude.
Vive la concrétude.Et vive ta vitalité vive.
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PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des pimprenelles, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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ENTRE DEUX TERRES
Dans le labyrinthe,
L’humain va entrer,
Sans un dit, sans une plainte.
Sa curiosité
Le pousse, dure comme fer,
Entre deux terres.Petite caverne vraie,
Boyau naturel,
La force vive des faits,
L’ardeur de l’appel,
Qui se réverbère
Entre deux terres,Fait de toi la cible
De l’humaine attention,
Quand tout est possible,
Quand tout est chanson.
C’est la paix, c’est la guerre,
Entre deux terres.La curiosité,
C’est une invention
De l’humanité
Et de ses pulsions.
Et tout reste à faire
Entre deux terres.Je veux tout palper.
Je suis cavernicole.
Mon avidité,
Elle est sage, elle est folle.
Et j’entends me refaire, me parfaire
Entre deux terres..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des eaux et des pierres, ÉLP éditeur, 2015, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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ARAIGNÉE DU SOIR, GUITARE
Un ignare hilare
Portant une guitare
À l’arrêt de bus,
Se tient,
Un peu hagard.
Pas de caisson pour la guitare.
Notre hagard ignare hilare
La tient par le col,
Toute nue
Sous les regards.
Vous allez me croire
Si vous allez me croire.
Devant mon ignare hilare hagard
Portant sa guitare
Se stationne l’ultime char routard,
Tout feu, tous flammes, tout phares
Dont le conducteur, un bulgare,
Araignée du soir, espoir,
Mate la guitare.
Le routard bulgare
Demande au hagard ignare:
Où, vas-tu si tard
Et si hilare?
Oh, tu vas me croire
Si tu vas me croire
Mais je vais à la gare…
Tu irais pas par hasard?
C’est qu’on est le soir
Et que je suis vachement en retard
Pour choper mon sporadique tortillard.
Dare-dare,
Tonne le routard bulgare.
Monte, monte, guitaresque zigomar.
Pêle-mêle et sans égard
Ignare hagard hilare et guitare
S’empilent dans le char routard
Du samaritain bulgare
Qui démarre.
Direction la gare.
Araignée du soir, guitare.L’hélicoïdal inversé, poésie concrète, ÉLP éditeur 2013, 4,99 € – 6,49 $.
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DEMAIN N’A PAS DE FIN
C’est un foulque ou une poule d’eau?
Pas clair,
Même pour un pro des oiseaux.
C’est une poule d’eau ou un foulque?
Sais pas et vais certainement pas
Battre ma coulpe
Pour autant.
Demain n’a pas de fin
Comme il ne vient jamais.
Le découpage le cernant
N’est pas dessiné,
Pas fait.
Tant et tant que les catégories
Ben moi, voilà, je m’en méfie
Et, conséquemment, en médis…C’est un gentil ou un mignon?
Pas clair, même pour un barjo du trognon.
C’est une fille ou un garçon?
Sais pas et vais certainement pas
Me lancer dans des grandes vérifications
Pour autant.
Demain n’a pas de fin
Comme il ne vient jamais.
Le découpage le cernant n’est pas dessiné, pas fait.
Tant et tant que les catégories
Ben moi, voilà, je m’en méfie
Et, conséquemment, en médis…C’est un paradoxe ou une aporie?
Pas clair, même pour Sophistique Sophie.
C’est une aporie ou un paradoxe,
Un débat logique ou un match de boxe?.
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire vergners, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
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CONTREPOINT
Mademoiselle Marguerite Tachette,
En cachette,
Fait du contrepoint,
Le museau en coin.
Le tarin en berne,
Marguerite Tachette alterne
La broute et la coupe.
Sa langue est une faux.
Et ça, il le faut
Pour que le contrepoint
Alterne sans pépin.Mademoiselle Marguerite Tachette
C’est une vieille amie.
Ça fait un bail de belle lurette
Qu’on partage nos vies.
Et, de loin en loin,
C’est là un autre contrepoint
Que sa petite sagesse
De bovine bougresse
Transmet en mon être
En loucedé, en traître.
Donc, premier contrepoint:
Le mufle dans l’herbe, serein
Répond à la langue en faux.
Second contrepoint, tout beau,Mademoiselle Marguerite Tachette
Devant moi, âme simplette.
Troisième contrepoint, en prime,
Effet de mise en abîme:
Le premier contrepoint brouteur
Et le second, celui des âmes sœurs
Font un contrepoint ensemble.
C’est harmonieux, il me semble.
Et c’est hautement symbolique
Autant que fort sympathique. Tout bon.
Et Marguerite Tachette ne dit pas non..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des pimprenelles, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
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UN PETIT PACTOLE
Dans un gros abri de roche
Formant dôme
Que les provençaux appellent
Une baume,
Anthropos a érigé
Une petite chapelle.
C’est bien qu’il entendait
Un appel,
Qu’il entendait boire
Une vive parole:
Celle d’un petit Pactole.Quelque part, par là, dessous-derrière,
Y a une source,
Alors tu comprends, ce fut la vive course.
C’est qu’Anthropos a grand soif. Il te l’a pas dit,
Trop occupé qu’il était à faire de l’esprit.
Tout ça pour dire que c’est pas des fariboles,
Un petit Pactole.Évidemment, ça soulève une question philosophique
Que maints calotins trouveront fort antipathique.
Tenir l’eau, c’est bien tenir ceux qu’elle désaltère.
Et ils y auraient pas pensé, les petits pères?
Bifteck d’abord, morale après, disait Bertolt
Brecht. Il l’avait, lui, le sens du petit Pactole…Déjà on savait que les lieux de cultes s’empilent
qu’ils se stratifient, se syncrétisent, au fil
De l’Histoire et que leurs traces se disent, s’indiquent
En des sites chrétiens, puis, celtes, puis paléolithiques.
Tout un feuilleté de pierres, la mystique corolle.
Un petit Pactole.Mais là, dans une micro-chapelle au fond d’une baume,
Venez pieusement humer du petit Pactole l’arôme
Et voir scintiller cristallinement le prisme
De la confirmation discrète de tous nos matérialismes..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des eaux et des pierres, ÉLP éditeur, 2015, 3,49 € – 4,59 $.
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FERNANDE
Fernande, autrefois, m’a fait cadeau
D’une banjoïste.
Elle est barjo.
Elle est pas triste.
Elle tire une trogne ahurie.
C’est à cause de la mélodie
Qu’elle gratte sur sa casserole soliste.
Elle est barjo, elle est pas triste.
Et le public en redemande.
Simplement, justement, Fernande
Ça lui met les nerfs à vif, le crincrin.
Ça lui fait hérisser le crin.
Alors elle pose la banjoïste sur une jolie chaise
Et m’en fait cadeau, balèze!
La générosité
De Fernande est intéressée.
Mais moi, cette banjoïste, j’aime son regard.
Je le trouve inspiré, planant, hagard
Sous son galure d’Alice Guimond.
Alors, Fernande, merci, c’est bon.
Je salue ton inspiration.
Cette banjoïste me rappellera nos transes,
Elle deviendra une instance,
Une référence.
Et la banjoïste, réconfortée,
Cessera de ressasser des airs connus.
Elle se mettra à composer. Elle aura un but.
Ce qui compte surtout, c’est que, dans l’harmonie,
On ajuste nos mélodies
Puis qu’on s’entende,
Hein, Fernande..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
Assemblages, ÉLP éditeur, 2013, 1,99 € – 2,59 $.
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L’HÉLICOÏDAL INVERSÉ
Hélicoïdal inversé
Sur plafond immaculé,
Lisse et dense comme du lait.
Plafond devenu plancher désormais
Car l’hélicoïdal est inversé
Et la perspective est, de ce fait, altérée,
Sur lui et sur sa petite chaînette
Providentielle
Qui se dresse toute droite,
Pointant vers le ciel.N’était au départ
Qu’un vague ventilateur plafonnier.
Est désormais
Un ardent hélicoïdal défonctionnalisé,
Vu que le tableau a été inversé.
On ne peut plus que le regarder.
Il ne peut plus que nous relativiser.
Il ne peut plus nous rafraîchir
Quand la canicule vient s’avachir
Dans nos bourrelets sur-humectés.
L’hélicoïdal n’en a rien à cirer.Il est inversé, irisé
Et il est polychromatique.
Pour l’œil,
C’est merci.
Pour l’épiderme,
C’est bernique.
Pour lui,
Tourner en bourrique,
C’est fini.
Autre chose :
Ce sont nos perceptions
Qui sont ici en cause,
Exactement
Comme quand
On renonce à la prose…Il s’agit, en fait,
De se laisser décatir,
Transgresser et subvertir
Par les pales hyper-altérées
De l’hélicoïdal inversé.
L’hélicoïdal inversé, poésie concrète, ÉLP éditeur 2013, 4,99 € – 6,49 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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LES CITÉS HEUREUSES
C’est une jolie plante marotte
Qui fait partie de la famille des carottes,
Une graminée prudente, circonspecte
Où atterrissent des petits insectes.
Les cités heureuses, c’est juste cela.
Et ça ne compose pas.C’est une perturbation printanière
Qui contraste vivement, sur fond vert,
Avec une splendide explosion de soleil.
Des milliards de mondes en ont des pareilles.
Les cités heureuses, c’est juste cela.
Et ça ne compose pas.C’est un joli riquiqui de pré ordinaire
Qui fait pas le cador, qui fait pas le fier,
Une de ces promenades de l’ordre du banal,
Pour la trouvaille du jour, le cadre idéal.
Les cités heureuses, c’est juste cela.
Et ça ne compose pas.C’est pas trop trop loin d’une vieille cabane
Avec des oisons, des poulets, des canes,
Ou alors, euh… c’est aux marges d’un fau-bourg
J’oublie, je me perds. J’hésite, je me goure.
Les cités heureuses, c’est juste cela.
Et ça ne compose pas.C’est de fait la frange de l’universel
Quand l’unique transgresse le sempiternel,
Quand le cosmos, dense comme une vieille brique,
Fait dans l’imagé et le concentrique.
Les cités heureuses, c’est juste cela.
Et ça ne compose pas.Ces cités heureuses, c’est des bouffées de jugeote
Qui font partie de la famille des carottes..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire vergners, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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DANS LE BOIS
C’est comme une manière de mat de cocagne
Qui défendait une marche de Bretagne
Dans les bois.Pour tous les cornards et pour toutes les bougresses,
Il était éminence de forteresse
Dans les bois.On y grimpait, on y mirait l’avance
De la forêt sur nos Macbeth qui dansent
D’effroi.Que voulez-vous, la féodalité
Charriait son fagot de difficultés
Dans les bois.Des gens sont morts et ont vécu ici.
Ils eurent des joies et ils eurent des soucis
Dans les bois.Et le terroir tranquille du Morbihan
Abrite muet ce cénotaphe d’antan
Dans les bois.Tellement touché(e) quand, ce jour là j’y grimpe,
Je suis Prométhée crapahutant l’Olympe
Dans les bois.Lui, il défendait juste une marche de Bretagne.
Pensez à lui, compagnons et compagnes.
Émoi..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des eaux et des pierres, ÉLP éditeur, 2015, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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MINIATURES MONTRÉALAISES
Bouquinistes, bouquinistes
De Berri, de Sanguinet.
Choses si gaies, choses tant tristes.
Pages toutes cornées, vieux feuillets.
Cornettistes, cornettistes,
Festivaliers trépidants,
Promeneurs opportunistes,
Pans de robes froufroutant…Bouquinistes, bouquinistes,
Vous capturerez demain
La mémoire, en bout de piste
De ma vie d’antan urbain…
Flux livresques, arts plastiques,
Vous perdez tout sens normal.
Miniatures cataclysmiques,
Vous submergez Montréal.
L’hélicoïdal inversé, poésie concrète, ÉLP éditeur 2013, 4,99 € – 6,49 $.
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VERS L’ÉDEN
Voici donc que Limace rampe sur sa bedaine.
Sans bretter, sans faillir, elle s’en va vers l’Éden.
Elle se barre dare-dare là-bas, au paradis
Car elle en en sa dose de l’ici-bas d’ici.
Elle en a plein le dos de ces enquiquineurs,
Ces pinailleurs et ces prédateurs.
Elle veut plus bosser.
Ça vaut plus la peine.
Elle n’aspire qu’à se débiner
Et à se diriger, ipso facto, vers l’Éden.
Simplement, pas folle, Limace, pas folle,
Elle devine bien que, sans boussole
Et surtout sans un sens éduqué de l’abstraction,
L’Éden, c’est pas la plus évidentes des destinations.
C’est pourquoi elle se donne une approche sereine,
Instantanéiste et débonnaire, zen, de l’enjeu Éden.
Après tout, les Sagas, les Baratins, les Gestes
Disent bien de l’Éden qu’il est que le paradis terrestre.
Or le terrestre, l’amie Limace, ça la connaît.
Elle s’y étampe, y rampe, depuis que ce qui est est.
Tant et tant que ces hauts enjeux, procédant de l’atavique,
Limace se charge de leur trouver réponse prosaïque,
Et avance l’imparable réplique d’une limpide logique:
L’Éden est tout partout, et vlan. Dites-le à la ronde.
Et, poupons, de Limace, assumez le Système des Mondes.
Et, potaches, de Limace, embrassez la philosophie.
Car si ce qui est est, ce qui est dit est dit.
Limace est un modèle, corps et âmes âme et corps.
Elle est l’Allégorie. Elle est la Métaphore.
Redisons-le tout haut, chantons-le oh, bien fort:
Voici donc que Limace rampe sur sa bedaine.
Sans bretter, sans faillir, elle s’en va vers l’Éden..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire vergners, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
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ORPHÉE
Tache d’adulte au bec
Et œil écarquillé,
Voici Orphée.
Et il n’en a rien à faire
De descendre aux Enfers
Sous le feu, la mitraille,
Dans la boue, la limaille
Du dépotoir municipal,
Ordurier, étalé, banal.
Orphée y barbotte, y fouille,
Sans peur,
Sans chiasse,
Sans trouille,
Cherchant casse-graine pour la marmaille.
Détritus en mangeailles,
Tessons et papiers gras
C’est un enfer pavé
Des intentions écolos reniées
De nos soisantehuitardes badernes
Formant la nouvelle lie urbaine.
Il fut un temps jadis, naguère
Où Orphée plongeait dans la mer
Pour cueillir la pitance des mouflets.
Ce n’était pas un monde parfait.
Il y avait fréquemment la disette.
Et la recette était souvent simplette.
Aujourd’hui tous les jours, on fait gras.
Le dépotoir, c’est fait pour ça.
Le progrès, c’est pas la tambouille santé.
Il faut promptement s’adapter.
Ils resteront les pattes en l’air
Ceux que les petits boulons de fer
Auront insidieusement étouffé.
Il faut savoir louvoyer.
Et Orphée n’en a rien à faire
De descendre aux Enfers,
En ce monde de grandes solutions
Sempiternellement en attente de rebonds..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des pimprenelles, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
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LES HABITANTS DU CIEL
Les habitants du ciel
Ont laissé en partage
Sur une portion de pierre et de fiel
Un œil meunier sans âge.
C’est un cylindre osseux.
Il nous dit des présences.
Il nous chantonne des lieux
Qui connurent l’abondance.
Plateau calcaire ancien,
Anthropos a moulu ici,
Écossé force grains,
Dit salut, dit merci.
C’est la force de la ruine
De nous dire: je suis là
Et la trace de toutes mes combines
Est ici avec moi.
Une structure artificielle,
C’est toujours époustouflant.
Et les habitants du ciel
Ne s’y trompent pas, habituellement.
Ils nous disent l’oublié.
Ils nous parlent d’hier,
Civilisation pliée,
Mystérieux savoir-y-faire.
Les habitants du ciel
Ont laissé de surcroît
Sur cette portion de pierre et de fiel
Une petite parcelle de joie
Dans mon cœur, quand je vois
Cet os intemporel,
Ce moulin d’autrefois
Dont les bras sont partis au ciel..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des eaux et des pierres, ÉLP éditeur, 2015, 3,49 € – 4,59 $.
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POÉSIE DE LA CONCRÉTUDE
Oh, la poésie de la concrétude,
Elle a connu son lot de turpitudes.
On a prétendu la libérer
De la signification,
Et des gambergettes,
Et des cogitations.On a donc cherché
Un pur retour au son,
Au son libre et fou
S’affranchissant pour de bon.
Arga Ronromule en taralu tipor Tzara ramo…
Vous voyez le topo?
Sauf qu’en optant pour ça,
On quitte la poésie
Pour le domaine musical,
Toc, toc, toc.
Or on ne s’improvise pas Bartok.On a donc cherché
Un vrai retour aux petites lettres.
On les voulait tangibles,
Libres du sens, charnues, concrètes.
Oulipo l’a tordu l’ABC biscornu…
Avez-vous vu? Une ligne sans E!
Sauf qu’en optant pour ça,
On quitte la poésie
Pour zazazou
Le domaine pictural.
Or on ne s’improvise pas Chagall.Poésie-son, chant,
Crise verbale de l’harmonie.
Poésie-lettres,
Gravure, litho, calligraphie.
Je n’ai rien contre ça.
C’est parfaitement licite.
Sauf que perso j’y vois un petit peu
Une manière de salut dans la fuite.
Comme si la concrétude ès poéticité
Ne parvenait à s’appréhender
Que du fait de s’esquiver,
De dériver
Vers musique ou peinture.
Je trouve ça, pour tout dire,
Un petit peu dur dur…Lors moi, j’ai décidé
De pas écouter ces maîtres.
Et de simplement m’installer
Dans un autre paramètre.
À chacun sa façon de se disséquer le cortex
Et, comme je suis pas le genre
À me faire des complexes,
J’annonce sans souci
Que le langage signifie,
Qu’il se réfère aussi, si, si, si,
À un monde dense et gorgé,
Et qui N’EST PAS lui,
Que signifier et référer,
C’est un trait qui lui est intrinsèque
Et que vouloir fuir ça, c’est trop moche,
C’est trop cendreux, trop sec.Mon rendez-vous à moi avec la concrétude
C’est donc d’évoquer, de décrire, de narrer la multitude
De ces faits biscornusiers que la signification touche.
Cette réalité référable bombine comme une mouche
Sur la vitre de tous nos sens. Et j’entends en parler
Comme on la filmerait, sans craindre, sans dévier.C’est pas dans ma texture mais bien dans ce que je dis
Que vous percuterez la concrétude de ma poésie.
L’hélicoïdal inversé, poésie concrète, ÉLP éditeur 2013, 4,99 € – 6,49 $.
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SILENCIEUX
Silencieux,
Riverain,
Il s’écoule,
Mon chagrin.Silencieuse,
Riveraine
Ma langueur
File sur l’onde.Sans un bruit,
Les branchages
Enchevêtrent
Mes parages.Dans un souffle,
La rivière
Porte l’amont
Vers naguère.Souveraine,
Ma langueur
File sur l’onde
Silencieuse.Il s’écoule
Riverain
Mon chagrin
Silencieux.Et ma froide rage,
M’est branchage
Et mes pleurs colères
Me sont rivière.Silencieux,
Je fulmine.
Morne rive, grise mine
Silencieuse….
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire vergners, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
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CONSTELLATION
Constellation de brindilles.
Ardeur de nos camomilles.
Absence intégrale de frisson
Dans l’œil du lagon.Quand on fait un vœu, sous une étoile,
On a un problème mental.
Il y a personne de normal
Qui fait des vœux sous les étoiles.Et quand une pincée de brins d’herbe
Semble descendre du ciel,
Je crie au pépin visuel
D’un ton acerbe.Brindilles en constellation.
Froideur de nos collations.
Absence intégrale de peur
Devant la lacustre liqueur.Quand on voit une image inversée,
On a un problème de conformité
Visuelle. Et de ratiociner
Vite, vite, une description ajustée.Inversion de nos brindilles.
Cubes de glace de camomille.
Brindille en constellation.
Ils m’ont chipé ma collation.Quand on fait un vœu, sous une étoile,
Quand on voit une image inversée,
Volitions et détermination
S’intervertissent. Banal.Se subvertissent. Hé, hé, ouais…
Constellation de brindilles.
Brindilles en constellation.
Les étoiles brillent comme des lagons. Tout bon….
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des pimprenelles, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
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LE PARTI PRIS DES CHOSES
Ici on cultive
Le parti pris de choses
Comme le fit Francis Ponge
Autrefois, dans sa prose.
On cherche à voir
Les replis de l’objet,
Le pourpoint de matière,
L’angle qui la défait.Ici on cueille
Le parti pris des roses
Parce qu’elles s’enfuient
Et parce qu’elles sont charnues.
Et l’eau de rose n’a vraiment pas
Trouvé meilleure cornue,
Meilleur vaisseau lustral,
Depuis des lustres.
L’eusse-tu cru ?Ici on prend le parti pris des clarinettes
Assumant qu’il faut fort saliver sur la petite pipette
Qu’elles ont en leur embout, sinon c’est le silence.
Et justement ici, on prend pas le parti pris des chancesDe rester muet. Ici on cause, on cacasse, on s’explique.
Mais surtout on prend le parti de ce qui se fabrique,
Se confectionne dans la glaise, la limaille, le mastic…
Art pictural, art gossé, art plastique.Ici on prend le parti pris de l’incongru.
On effiloche et échiffe causes et buts.
Le flux de ta lampe de poche, tiens
Eh ben,
On l’enfile dans le prisme
Gaga,
De nos dadas,
De nos surréalismes.Ici on prend le parti pris méchant
De ne pas lier toutes ces choses
Dans un rapport marchand.
On les lie plutôt avec du coton à fromage
Et on les place penchées, devant notre triste visage,Et on va les pendouiller dans un musée désert
Visité strictement par un apraxique disert
Qui, lui,
N’absorbe le manipulé que par très petites doses.
Il (s’)expose
(Sexe, pause),
Se réfugiant, tremblant,
En spéculant
Amplement,
Au fil des péripéties-paramécies
De son encombrement
Dans le parti pris des choses.
L’hélicoïdal inversé, poésie concrète, ÉLP éditeur 2013, 4,99 € – 6,49 $.
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DEUX MÂLES EN PLUIE
Deux mâles en pluie
Ont pissé du vert par ici,
En devisant, sirupeux
De berges et de cloaques aqueux.Deux mâles en torrent
Ont noué des nattes de vent
En esbroufant les cheveux
De taillis braillards, vils et peureux.Deux mâles furax,
Certainement pas Castor et Ajax,
Ont uriné cette rivière.
Cadors, ils n’en sont pas peu fiers.Deux couillus de parole,
Certainement pas Achille et Pactole,
Ont fourgué leurs richesses dans le coin.
Pour l’Eldorado, c’est dix mille milles plus loin.Deux mectons de circonstance
Se sont avancés en beuglant des stances.
Et la rivière s’en est trouvée striée,
L’amont et l’aval nettement épinglés.Deux amples types complètement perdus,
Indubitablement pas Pollux et Perclus,
Ont chuinté ce ruisselet.
Modestes qu’ils sont, un plat, il n’en ont pas fait.Deux mâles en pluie
Ont versé de l’eau par ici.
Ils ont agit comme des malades,
En se prenant pour Oreste et Panade,
Tout en assurant le cruel et mythique gestus
Du Glandouilleur et de l’Aquarius..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire vergners, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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TECTONIQUE DES MYTHES
En ma tectonique
Des mythes,
Ils sont dans le coup,
Les romains.
La langue que je parle vient
De la leur.
La connexion n’est pas fortuite.
Ils moulent la forme
De mon visage
Et façonnent
Mes paysages,
Même les illusions
De leurs lois
Se sont écoulées
Jusqu’à moi.
Bon, on va pas se mettre à tirer des briques
Sur la notion de république.
Non, elle n’est pas anodine, la connexion.
Et les souvenirs romains sont… légions
Et les souvenirs romains sont rivière
Qui coule, depuis deux millénaires,
Sur mes racines et mon limon d’étymons,
Sur mes charpies de législations,
Sur les raisins de toutes mes colères
Populaires.
Oh, le raccord n’est pas non plus automatique.
Il est souterrain, tectonique.
Mais je pense souvent aux romains.
Je me dis qu’ils étaient des petits malins
Et des esprits organisés.
Il le faut pour tant déterminer
Et tant tellement se perpétuer.
Et coule, juste ici, le torrent sous le souvenir d’un pont
Entre toi et moi et Virgile et Cicéron.
C’est elle la plus grande, c’est elle la plus petite,
Ma tectonique des mythes..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des pimprenelles, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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ALASKA
Alaska,
C’est un petit chat.
Voit, il furète à la ronde,
Investigue le vaste monde.Alaska
Monte sur les toits,
Sur les puissants toits de pierres
Des maisons du Sauveterre.Alaska
Ne raterais pas ça,
Trouver de nouvelles ficelles
Pour se rapprocher du vaste ciel.Alaska,
Pour accomplir ça,
Il se fait archéologue.
Et moi j’en fais une églogue.Alaska
Ne m’en voudra pas
Si l’inspiration me pousse
À l’évoquer, sa frimousse.Alaska,
Dans ces vieux pays,
Il porte le nom d’une contrée vierge
Cela me suscite de la gamberge.Alaska,
C’est un petit chat.
Voit, il a les yeux si tristes
Aurait–il perdu la piste?Non, non, non, car Alaska
S’y retrouvera, va,
Sur les puissants toits de pierres
Des maisons du Sauveterre..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des eaux et des pierres, ÉLP éditeur, 2015, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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COUPE DU MONDE
La sphère est libre de rouler.
On improvise.
La sphère est contrôlée
Du pied
Par Cylindré.
Tête-de-Cylindre, réfractaire
Le gardien, le cerbère,
Esquisse une défense
En se remémorant en un éclair
Les affres et les joies de son enfance.
La sphère va-t-elle rouler?
On dirait que le terrain se ratatine.
Il est soudain vachement rapetissé
Et il ressemble à une tartine
Posée sur une sorte de trépied.
La sphère est contrôlée
Du pied
Par Cylindré,
Tête-de-Cylindre, en instance de divorce,
Lève un bras
En courbant le torse,
Il entend bien faire sentir toute sa force.
Et ça va pas se passer comme ça.
On se croirai, au petit matin,
Sur un terrain
De ballon rond entre copains
En quelque monde, en quelques confins.
La sphère est contrôlée
Par Cylindré
Tête-de-Cylindre, devant son but, est incliné.
Tout peut encore arriver….
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
Assemblages, ÉLP éditeur, 2013, 1,99 € – 2,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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JOUAL GÉOMÉTRIQUE
C’est un joual
Géométrique
Fait de triangles
Anthracite
Parfaitement
Licites.
L’animal posé,
En pliages concentriques
Trône au centre
Du hall d’entrée
D’un musée.C’est un géométrique joual
Dans le hall
D’un musée de Montréal.
Il est tout luisant
Mais noir comme un diamant.
Il a ce petit air cabotin et fripon
Des canassons
Qui se sont
Pérennisés
Malgré… et malgré…C’est un joual géométrique
D’origine planétaire.
Il est de la Rivière des Mille Berges.
Il galope moderne. Il se goberge.
Il est fier.
Il est un peu à la bourre,
Notamment dans sa compréhension
De la situation
De calembour
Culturel
Que représente ici
Sa joualonie
Semi-figurative,
Ludiquement abrasive,
Impudiquement fidèle.Il a bien l’air de rire, ce joual géométrique.
Il semble se bidonner, tout en faisant la nique
À d’autres temps.
Sans bouche, comme un bon joual surréel,
Il semble pourtant
Avoir durablement
Opté pour le susdit sourire de Fernandel
Dont parlaient l’autre Untel,
Et un certain Brel…
Enfin bref, sa géométrie à dominante
Triangulaire
N’a que faire
Du joualisme d’ici.
Il est un joual avant tout bien pur et bien fortuit.Quelqu’un l’a façonné,
Sans faconde,
Sans ambiguïté,
Sans flafla,
Sans arrière pensée,
Dans quelques composite
Couleur indubitablement anthracite
Et ce, absolument sans se douter
Que c’est toujours
Un petit peu de la dynamite
Dans le hall
D’un musée de Montréal,
Géométrique ou pas,
Un joual.
L’hélicoïdal inversé, poésie concrète, ÉLP éditeur 2013, 4,99 € – 6,49 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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VACHE AVACHIE
Vache avachie, avalise mon val.
Ta sœur et toi,
Vous vachez pas normal.
Têtes bêches, tête à queue,
En quinconce,
Pas quelconque.Avachie vache,
Dicte ton tout banal.
Meugle normalité
Dans le vortex du val.
Tourne le dos au dos.
Pipe, poudre, pavot,
On va avoir des mots.Vache avachie, épicentre du rural,
Les usines, pour toi, c’est du paranormal.
Tu y finis pourtant, fait patent,
Mise en boîte en l’ultime argument.Avachie vache et tu chies cette bouse.
Tu fends cet excrément dans les bruns et les rouges.
Il paraît en plus que tu vesses, tu pètes…
C’est sur toutes les gazettes!Oui, vache avachie, ma valise amorale,
Ta sœur et toi, vous vessez pas normal.
Ils en font un fromage.
Tu serais une polluante,
Une pompe rente.Avachie vache, et l’usine jubile
Car ce que tu lui fais, je te le donne en mille.
Eh ben, tu la dédouanes,
Pipe, volutes, boucane.
On t’impute tous les maux,Ma vache, mon agneau
Pascal
Ça va: chie. Vache avachie..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire vergners, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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UNE MARINE
Une petite marine,
Une grande marée
Tendrement enquiquine,
Follement fait rêver.
Bateau, la table est mise.
Chapeau, c’est pour le mieux.
Aujourd’hui, c’est la petite
Mine grise.
Demain, ce sera
La grande bleue.
Duke Ellington disait
—Et je n’invente pas ça—
Qu’un ciel orageux c’était jamais
Qu’un paquet de nuages
Passant entre un ciel bleu et nous.
C’était là le mot du petit penseur sage
Qui dormait au fond du grand musicien fou,
Là où justement, de fait, clapotait une marine.
Une petite marine,
Une grande marée
Tendrement l’enquiquinait
Follement le faisait rêver
Pendant qu’il composait
Mood Indigo.
La table est mise, bateau.
C’est pour le mieux, chapeau.
Une marine, c’est beau,
C’est frais et c’est sans âge,
C’est aussi éphémère qu’un nuage
Ou qu’un petit air tempéré de piano
Joué sur un rivage
Avec des récifs comme touches,
Sous un orage que, du revers de la main, l’on mouche..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des pimprenelles, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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À FLEUR D’EAU
Une laisse d’eau
Glisse devant
Sainte-Marie de Ré.
C’est le beau,
Le rasséréné.
Mes souvenirs
Sont revenus me hanter,
À fleur d’eau.
Do, si, mi, la sol, fa, ré.
Mes passions
Lentement vont se figer
Tout le long
D’une laisse d’eau
Par trop salée.
Mes amours
En viennent à m’abandonner.
Les contre, les pour
Les ont fait basculer.
Et je pleure
Mes pays moins esseulés.
Les larmes de mon cœur
Glissent devant Sainte-Marie de Ré.
J’ai perdu
Les ardeurs des belles années.
Je suis perclus,
Abattu, vanné.
À fleur d’eau,
Toute la gamme va y passer
Mais c’est si beau
Qu’il faut le chanter.
Et ma vive tristesse
Est largement atténuée
Par les pudiques largesses
De Sainte-Marie de Ré..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des eaux et des pierres, ÉLP éditeur, 2015, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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LES MANNEQUINS
Autrefois, j’avais peur
Des mannequins sans tête.
C’était presque toujours
Des femmes.
Cela me semblait
Tout un drame
Et je trouvais ça
Un peu bête.Aujourd’hui, j’ai peur
Des mannequins figuratifs.
Certains sont
Si convaincants
Qu’on dirait sciemment
Le portrait insolent
Des jeunes filles,
Des jeunes hommes
Qui porteraient
Les nippes qu’ils promeuvent.
Je n’aime pas trop que ce statuaire
Tout relatif
M’émeuve.Autrefois, j’avais peur de ces bustes un peu abandonnés,
Montés sur je ne sais
Quels trépieds
De mobilier,
Marmousets
Incomplets,
De petites épingles lardés.Aujourd’hui, j’ai peur que les mannequins d’albâtres,
Décontractés, folâtres,
Se mettent à parler
Tant ils sont sculpturalement ciselés,
Se mettent à agir
Tant ils ont l’air tout gonflés d’ardeur et de désir.Surtout qu’il y a des gens
Qui font semblant
D’être des mannequins
Pour un peu de pain,
De nos jours.
On ne sait pas ce qui nous attend,
Dans quel détour.Le mannequin d’hier était mort,
Mais moelleux, comme chaud.
Le mannequin d’aujourd’hui
Semble en vie
Mais gelé.
Le tronc tronqué
Changé en chose
Me faisait paniquer.
Le corps de craie hyper-figuratif
Me fait dresser les tifs.
L’hélicoïdal inversé, poésie concrète, ÉLP éditeur 2013, 4,99 € – 6,49 $.
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RÉCONFORT
Ajonc et punaise,
Ce que vous me donnez
Me remplit d’aise
Et me fait oublierAjonc, qu’on te fume
Te rase, j’en frémis…
Punaise, qu’on t’exhume
Et t’installe en mon lit.C’est un réconfort
De te retrouver,
Ajonc.
C’est ben d’adon.
C’est une moiteur, une relaxation.
J’y vois le vrai et le bon.C’est un réconfort
De te retrouver,
Punaise.
Ça me rend balèze.
Ça m’est banquette, strapontin, chaise.
Ça m’est repas, sieste, cuite, baise.Punaise et ajonc,
Ce que je tire de vous
Procède des pulsions
Qui se penchent et renouent
Avec le net et le vermiculaire.
Enfin, un peu d’air…Entre les rails de tous nos funiculaires.
Réconfort, je vous retrouve, punaises,
Au nombre de trois cent seize.Entre les rets de tout ce qui est tentaculaire,
Rédemption, je vous retrouve, ajoncs,
Au nombre de trois cent millions..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire vergners, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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ÉBATS, ÉCLATS
Ébats. Éclats.
Gemme des profondeurs.
Brun, gris, grenat,
J’aime votre langueur.
Vous êtes ondoiement,
Scintille piternelle,
Heur et sentiment.
Qui dit pimprenelle?
Qui dit océan?
Qui paie la gabelle
Au scintillement
De l’heur des ébats
Torrides, secrets
Quand l’heure des éclats
Somme et mouche ardait?
J’aime votre candeur.
Vous êtes sentiments,
Niaisage et moiteur,
Heurts, atermoiements,
Pleurs, clapotements.
Et, oui, oui, il y a ce brouillage
Qui tangue et qui scie,
Qui bombe et qui nage,
Qui conçoit les roulis
Et arme les tangages.
Éclate alors un débat
Entre Ébats et Éclats:
Qui se chargera des vrilles?
Qui se mêlera des dires?
Qui, en l’imagiaire des pimprenelles,
Brandira la chose aqueuse?
Courageuse. Ment.
Scintille piternelle,
Vous êtes ondoiement,
J’aime votre langueur.
Brun, gris, grenat.
Gemme des profondeurs.
Ébats. Éclats..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des pimprenelles, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
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VERROU
La féodalité
Était l’univers
Du verrou.
Elle en était
Toute pivelée
Sur les bras,
Dans les chairs du cou.
Les hobereaux
Verrouillaient tout.
C’était au cœur
De leur démarche.
Royaumes, duchés,
Comtés, et marches
Étaient criblés
De petits trous
Avec des clefs
Tournées dedans,
Partout,
Avant…Avant que Château-Rocher ne tombe en ruine,
Il verrouillait le pont de Menat
On suppose qu’ils faisaient grises mines,
Les manants, quand ils passaient par là.
Un seul petit coup d’œil sur la butte
Pour noter que la très éventuelle lutte
Ne se jouerait pas à armes égales
Et que le statut de vassal
Ne se débarrait pas
Comme ça…La féodalité
Était l’univers du verrou
Aujourd’hui, la clef est cassée
Et ce château démantelé
Continue de faire son magnifique
Avec un impact désormais strictement esthétique.
Le verrou de pierre et de fer
Est, pour toujours, fracturé.
Le verrou d’or et de papier
L’a remplacé..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des eaux et des pierres, ÉLP éditeur, 2015, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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FOU BRAQUE
De quelqu’un
Qui déraisonnait,
Autrefois on disait
Qu’il était
Fou braque.Il est
Difficile
De statuer
Sur le fait
Que c’était
De sauter,
De gambader,
D’être enjoué
Comme le chien
Ou de mettre sur croûtes
Des arabesques de doutes,
Des mondes en déroute
Des univers malingres
Comme le peintre.Fou braque canin ou fou Braque pictural?
On dira ce qu’on voudra,
Le dilemme n’est pas banal.
Je crois même savoir qu’un groupe humoristique
Perclus de sens pratique
(Ou est-ce un ensemble orchestral?)
Adopta ce désignatif: Les fous braques.
Quelqu’un doit donc bien avoir une position
Sur cette question.
Ou alors, c’est un peu de l’arnaque.Cynophilie hypernerveuse?
Ou protocubisme à la courbe frondeuse?
Pour faveur, choisissez.
Et si braque n’est pas une notion claire
Je vous passe mon chapeau
Que celle de fou ne vaut guère
Mieux, en cette saison
De repeinte de plafond.
Tiens-toi donc…
L’hélicoïdal inversé, poésie concrète, ÉLP éditeur 2013, 4,99 € – 6,49 $.
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DÉJÀ
Fruit du lotus,
Je te mange,
Je ne veux plus bouger.
Je te suce,
Je ne veux plus quitter
Mon bercail,
Ma forêt de Monaye,
Déjà…Fruit sapiential,
Je te sais la négation
De tous les normals.
Tout est rikique
Car tout est gigantal.
Mes conclusions
Ouvrent l’œil et le bon,
Déjà…Fruit du lotus,
Tu as l’air
De ce petit arrosoir
Au sinciput duquel
Se pissent mes espoirs,
Mes appétences,
Mon flux, mes pestilences,
Déjà…Fruit carnassier,
Je vais pas, par toi, me laisser dépiter.
Je le vois venir, le sourire du dentier.
Mes émerveilles
Pointent leur bout d’oreille,
Déjà…Fruit du lotus,
Tu as l’air de ce fragile bien culturel,
De ces ruisseaux, ces cheveux d’Isabelle
Dont on rêve,
Quand on passe, quand on crève.
On crève
Déjà…Fruit capiteux,
Lotus, je pars.
Je ne veux… je ne veux…
C’est un kiosque toc, tout cracra, tout opaque.
Mes trois petites Parques
Y jasent leur bout de gras.
Tout ce gras,
Déjà….
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire vergners, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
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JADIS
Port romain
Ou normand,
Ta sourde puissance
Perle sous l’eau lisse.
Tu es un havre
De jadis,
Un témoin du temps
Des temps d’avant
Toutes nos machines volantes.
C’était quand il fallait
Attendre qu’il vente
Avant de partir
Pour la Nubie.
Jadis, au temps
D’avant les bruits,
Et les volutes,
Et les vidanges,
Du temps des pêches,
Des vendanges,
Des escarmouches locales,
Des stries de sang.
On était vieux à trente-neuf ans.
On était romain ou normand.
Et ce jour là on rentrait au port,
Fébrile, dans le tapage du négoce.
C’était avant Roland et avant Saragosse,
Du temps des voiles et du commerce,
Des rames, des glaives, des herses
Et d’un tas d’autres vieux outils.
Bon, la nostalgie, c’est une brumeuse engeance.
Il faut en épouiller notre vile ignorance
Et, oui, se souvenir, mais à gros traits, sans fouthèser.
Se recueillir, sans façon, évoquer
Tous ces autres nous-même qui passèrent par là
Et que, non, nous ne sacraliseront pas.
Elle perle sous l’eau lisse, ta belle puissance,
Port romain ou normand (que je suis ignorant !).
Ta réminiscence pointe sous l’eau dense
Tu es un havre de jadis,
Un inerte témoin du temps d’avant ma folle danse.
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des pimprenelles, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
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DANGER
La féodalité
Était l’univers
Du danger.
Elle en était
Toute balafrée
Des sourcils
À la plante des pieds.
C’est qu’il fallait
Guetter beaucoup
Et, bien souvent,
Prendre ses jambes à son cou,
Sous les grands arbres
Des forêts.
Ce n’étaient pas
Des temps parfaits.
À Chevré, y a une motte qui veut bien l’admettre
En laissant subtilement se deviner
La tour venue discrètement s’y mettre.
Bon, le guet s’en est allé,
Hein, attendu que les temps ont changé,
Que les dangers
Se sont recentrés.
Pour nous, tout ça, c’est du fantomatique
Du mystérieux, du problématique.
Mais pour les manants
Du temps
Il y avait pas à gamberger.
C’était la tour, c’était la motte, c’était le baron.
Il n’y avait rien à attendre là de bon.
La féodalité
Était l’univers du danger.
Elle en était radicalement définie.
Même si tout ça, aux jours d’aujourd’hui.
Ça s’est passablement racorni.
Les dangers contemporains… bien…
J’ai pas besoin de vous faire un dessin…
Ils ne sont plus dans de lointaines tours
Mais tout partout, aux alentours..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des eaux et des pierres, ÉLP éditeur, 2015, 3,49 € – 4,59 $.
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CHIMÈRES VERBALES
Si la terre est bleue
Comme une orange,
Il va falloir ipso facto
Que je m’arrange
Pour me faire
Refaire
Une paire
De lunettes,
Monsieur Éluard,
Sans vouloir
Vous parler bête.C’est comme la mouche infinie
De Spinoza.
Je ne l’ai pas trop entendue bombiner,
Celle là.
Et le cercle carré
De ma prime jeunesse
Il est passé, il a roulé
Dans le même tuyau que l’eau sèche.Une chimère verbale, c’est bien ronflant,
Bien percutant
Mais bon, la poéticité qu’on en tire,
Je dois dire
Qu’elle me rend passablement
Somnolent.
Exiger que je fasse autrement
Ce serait un peu de me demander
De pousser
Quand je tire.Tiens, ça me rappelle une boutade un peu ridicule
Sur ce cultivateur dont le cheval, très fort, devint fou
Car, portant le nom du mythologique héros,
Il se faisait dire: Avance Hercule
Par le maître qui l’avait ainsi dénommé,
Et passablement dérouté
Itou.La chimère verbale, au mieux, c’est une provoque.
Au pire c’est une aporie,
Dont le sens est opaque, tout gris
Comme le souffle d’une cheminée
Essoufflée, qui suffoque
Et qui ne tire pas sa référence.Avant que je n’entre en transcendance
De par la faiblarde équivoque
D’époque
Que la chimère verbale évoque,
Le Pain de Sucre de Rio
(Qui est un roc)
Sera devenu rance…
L’hélicoïdal inversé, poésie concrète, ÉLP éditeur 2013, 4,99 € – 6,49 $.
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POUR VIVRE BEAUX
Pour vivre beaux
Il faudrait être
Bateaux
Sur l’eau.
Oui, pour poser
Pour jamais
De la base au sommet
Ses esthétiques marques,
Il faudrait être
Clapotantes barques.
Le superbe, le divin,
Le pinacle
Du symétrique serein,
Ondin,
Mais qu’est ce qu’on le loupe
De ne pas être simples chaloupes
Bleues
Sur fond de mer encor plus bleu.
Et, qui dit mieux,
Il faudrait gésir sous des cieux
Encor encor plus bleus,
En oscillant
Tout doucement,
Gentil, gentil,
Avec des petits
Flotteurs blancs
Tout contre les flancs.
Nous, nous sommes de peaux,
De chairs, de peurs et de lambeaux
Et de ne pas être flottilles de bateaux,
On le rate vraiment
Lamentablement,
Ce qu’il faut
Pour vivre beaux..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire vergners, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
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LIBERTÉ
Et alors,
C’est une lande bretonne
Qui aujourd’hui
Nous donne
Notre petite méditation
Du moment.
Quand celle-ci passe,
Eh bien, on la prend.
Le vieux chemin de toujours
Qui s’y déploie
Offre un choix.
Yogi Berra disait:
«Si jamais, sur ta route,
Une fourche apparaît,
Prend-là.»
Ce n’était pas une invitation
À se faire cultivateur
Ou attrapeur
De fond
De pantalons.
Mais bien une suggestion toute spontanée
À contempler
La liberté
Dans ce qu’elle a de problématique,
De troublé, de questeur, de non-idyllique.
C’est que la liberté charrie des peurs aussi.
Elle n’est pas que bonhomme et sympathique.
La liberté a son usufruit… mais aussi son prix:
Celui de devoir lutter
Simplement de l’avoir assumée.
Le combat libertaire est avant tout intérieur.
Et ce cinglant devoir des chairs qui fait qu’on l’aime
Ne le départit en rien de sa dimension de dilemme.
Adonc… et… pour tout dire… Franchement, on s’étonne
De ce qui peut courir de crucial sur une lande bretonne..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des pimprenelles, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
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UNE BÊTE, DU SEL, UNE TÊTE
En dessous
De la Rue Dareau,
Dans les catacombes
De Paris,
Elle grimace,
Elle se moque et rit.
Elle a du vieux roc friable
En guise de peau.
Elle a un trou fatal
Au milieu du front.
Elle est sagouine,
Elle est vernaculaire,
On ne sait pas
Ce qu’elle va encore nous faire.
C’est un monstre,
Une harpie,
Un animal,
Un démon,
Une bête…Le vrai de vrai mystère, c’est celui de ses origines.
On sait pas si c’est du grand art ancien
Ou une banale esquisse de trois fois rien.
On sait pas si elle est brute, on sait pas si elle est fine.
Ce qu’elle suscite, c’est une chaude angoisse esthétique
Comme un plat cuisiné aux étranges fumets
Dont on comprendrait mal l’effet sur nos palais.
C’est quoi exactement cette mystérieuse épice?
Du sel…Elle nous regarde. Elle nous questionne.
Elle nous oblige à cogiter
Et on se sent comme agité(e)s
Parce que nos références habituelles déconnent.
C’est un petit mystère en une seule pièce.
C’est terrifiant, c’est anodin.
Un secret de Paris de plus, un de moins.
Un regard, une trogne, un visage, un faciès,
Une tête…Une bête, du sel, une tête,
Dans les catacombes, poursuivent leur quête….
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des eaux et des pierres, ÉLP éditeur, 2015, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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LA POÉTICITÉ DE POPEYE
Ambroise Lafortune
Nous a raconté,
Sur les ondes
De sa vieille chronique télévisée,
Que le marin Popeye
Était,
Par ses potaches,
Confondu,
Dans les années d’antan
Avec ce fruit,
Mal connu alors:
La papaye.Régine Robin rapporte
Que, vers la même époque,
L’aphorisme crucial, Popeye, the sailor man
Se décodait, en elle: Popeye Lousséloumanne
Et que quand elle apprit l’anglais, bien, elle déchanta.Bernard Pivot surnommait un certain penseur
Le Popeye de la métaphysique.
Pour me souvenir de l’identité du susdit, c’est bernique.
Je sais parfaitement par contre que Pivot prononçait Popeye
En le faisant rimer avec abeille.Conclusion: à force de faire ainsi
Dans la poéticité de Popeye,
Oh trouvaille (papaye) et/ou oh merveille (abeille),
C’est Olive Oil qui ne sera plus sauvée,
Ventre dié.
L’hélicoïdal inversé, poésie concrète, ÉLP éditeur 2013, 4,99 € – 6,49 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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CRABE INTERTIDAL
Crabe brave, brigand crabe,
Intertidal, calutin, gigantal,
Rabe de vin, purin, chou rave,
Interjetant consanguin. Belle morale.Intertidal, bravachon, calinine,
Jus de pied de crabe en flatule.
Atavique coquillard, dégouline
Douze travaux de vous entule.Que te crabe t’intertide d’interdire.
Derme en caillasse au gré des crues.
Il y assez longtemps que vous me faites frire
En vous soufflant dans les causes et les buts.Crabe intertidal gélatineux, gudule,
Rabe de vin, purin, chou rave.
Sort de l’eau, montre toi, Ursule.
Crabe en cave, tu trappes grave.Marchepied paléonto, gemme fin,
Diamant virulent sur sel pustulal.
Atavique coquillard dégouline.
Marteau pour te casano, va l’animal.Crabe, cancer, virule sous le tamis,
Intertidal, calutin, gigantal,
Marche de biais, rabroues l’ami.
Tu me donnes fin finaud, phénoménal.Estampe Kali de crabe intertidal,
Jus de pied de crabe en flatule,
Ton sable net, nos consciences sales,
Tu te crois roc, tu n’es que bulle.Intertidal, calutin, gigantal,
Croîs, crains, crabe intertidal..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire vergners, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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NOUS VOUS SURVIVRONS
Nous sommes de la nature
Et nous vous survivrons,
La roche parce qu’elle est dure,
L’oiseau parce qu’il est fripon.
Oh, vous nous altérez
En en faisant un plat.
Et vous oblitérez
Le tout de nos habitats.
Et vos poètes s’en plaignent.
Voyez, oyez céans.
Et ça ne protège pas
Le fond de nos océans.
L’oiseau y cherche des huîtres.
Il pourrait en parler.
Limpide comme une vitre
Son œil est quand même altéré.
La roche, elle, elle ne dit rien
Et elle ne cogite pas.
Elle n’est jamais qu’un point
Dans l’équation, n’est-ce pas?
La musique de la danse
Grince, fausse, est désaxée
Par la lourde outrecuidance
Du Minus Historicisé.
Vous en êtes, tous autant…
En surchauffant vos cambuses,
En mordant à belle dents
Dans votre malbouffe obtuse.
Nous payons vos gabelles.
Nous subissons vos lois,
Déchargeons les poubelles,
Déclenchons vos émois
Et vos atermoiements.
Aussi, sans le vouloir, nous vous jugeons
Et c’est pas tout de suite évident.
Mais nous vous survivrons….
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des pimprenelles, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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LA LETTRE A
La lettre A
A quitté son Sonnet aux Voyelles
Où elle jouait
Les mouches du proche.
Elle est venue
S’inverser dans la roche,
Comme ça.La lettre A
A déserté les bandes dessinées
De Philémon,
Surréalistes sur un ton
Un peu langoureux.
Elle est passée
Du maritime au caverneux.
Bon, pourquoi pas?La lettre A
Habite maintenant dans le mot stalactite.
Et notre première lettre de l’alphabet
Est gigantesque. C’est un dit. C’est aussi un fait
Qui se voit.La lettre A
Est pointue, dangereuse. Elle n’est plus serrée, caroline.
Si on la frappe, elle se met à lentement osciller.
Cela vous fiche une de ces envies de décamper
Loin de tout ça.La lettre A
Elle est aiguë et gigantale. Elle est spéléologique.
Je vous assure qu’elle est plus imprimée.
C’est de la roche, ce n’est plus du papier.
Ah, oh, mais Ah…La lettre A…
S’est inversé, retournée, affûtée. Tenez-vous coi….
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des eaux et des pierres, ÉLP éditeur, 2015, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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LA ROUE DE VÉLO DE PODULAR
La roue de vélo de Podular
Pastiche
La Roue de bicyclette
De Duchamp,
En retirant
Du champ
Le tabouret
Dans lequel
La susdite
Roue de bicyclette
Se plante.Sur la roue
De vélo
De Podular,
Le tabouret manque.
La fourche inversée
Du vélo sacrifié
Se plante
Ardente,
Se fiche,
Pastiche,
Directement
Dans le socle
Institutionnel.
Podular instille son sel
Personnel
Dans l’iconoclastie duchampêtre.
Il est de ces radicalités de l’être.Il est de ces futilités de l’art.
De fait, cent ans plus tard,
Ni la roue de Duchamp,
Ni celle de Podular
Ne semblent avoir fait
Tant soit peu crouler
Les murailles des musées.Tu n’es pas un croquant cailloux,
Ô artistique provoque.
Tu es plutôt un roc,
Une meule à notre cou.
L’hélicoïdal inversé, poésie concrète, ÉLP éditeur 2013, 4,99 € – 6,49 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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PISTE NOIRE!
Piste noire
Hivernale
Vers le mont
Le val!
C’est l’histoire
De nez pointu
Qui se rue
Sur les pentes.Piste noire
Sépulcrale
Vers nos faux hivers.
C’est l’histoire
De bec crochu
Perdu, perclus
Qui fait
Du ski sur place.
La figuration
C’est pas
Une mince illusion
Car on ressemble
Toujours un petit peu
À ce dont
On est l’imitation.Piste noire
Hivernale
D’un petit perso
Toujours en skieur alpin!
Un peu vilain un peu pas beau.Piste noire
Sépulcrale
Vers nos vrais sourires.
Je voulais pas vous le dire
Mais c’est un cadeau de Noël.
C’est un cantique, c’est un appel.Skieur alpin
Métallique
T’es roublard, t’es sympathique..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
Assemblages, ÉLP éditeur, 2013, 1,99 € – 2,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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ÈVE
Li val parfunt
Et les ewes curant,
Comme on disait
Dans mon jeune temps,
Parce que Ève
C’est l’eau.
L’unique,
Le primal,
Le beau.
Ève a un ventre
Infini.
Et inutile
De lui dire merci
Ou de lui rendre
Quelque culte futile
En continuant
De la cerner
Dans nos barils
Et de la couper
De vin
Au cachot de nos Dives
Bouteilles.
C’est qu’Ève est une force objective
Qui jamais ne dort, qui toujours veille.
Perlant dans tous nos concerts, toutes nos danses,
Ève est quelque chose comme une essence.
Je veux autant dire par là qu’elle est un carburant
Faisant tourner LE moteur et cliqueter les bielles
Que quelque chose de l’ordre du principiel.
Une essence.
La source de la vie.
Faut le redire… même si c’est déjà dit.
Et, au fait, Ève n’a jamais chapardé de pomme.
Ça c’est un bobard inventé par les hommes.
Croquez une pomme, ce sera pour constater
Qu’Ève habite ce qu’elle ne peut pas avoir volé.
Et Ève en a rencontré des tas de serpents.
C’est pas pour rien qu’un serpent de mer
C’est quelque chose d’obsédant,
La lubie du pervers,
La caution du méchant.
Et Ève si on l’accuse, comme ça, de tout
C’est qu’on se fie par trop sur elle.
On lui décharge nos monceaux d’immondices
Dans le visage, sous les aisselles.
On la prend pour acquis sans malice
Et cela instaure de fort longuettes trêves
Dans la limpidité d’Ève..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des pimprenelles, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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ARDEMMENT, JE TE FIXE
Une petite
Statue de ville
Et notre esthétique
Ne sait plus quoi dire.
Est-elle grandiose
Ou est-elle vile?
Est-elle du meilleur
Ou du pire?Ardemment, je te fixe,
Petite statue urbaine
Du tout venant.
Mes émotions sont mixtes
Et fortement malaxés
Sont mes sentiments.
Pendant que,
Dessus ta tête,
Une fontaine bruisse,
Je me susurre immanquablement en mon cœur
Que le Manneken Pis
A mille millions d’anonymes frères et sœurs
Dans ton genre, finalement.
Un détail photographique de fontaine
Et tu apparais subitement.
Est-ce une joie, est-ce une peine?
Fortement malaxés sont mes sentiments,
Et mes émotions sont mixtes,
Aussi, ardemment, je te fixe.Tu me le rends bien. Le détail de ta robe est précis
Et tes cheveux sont lourds, comme gorgés d’eau.
Tu es boudeuse, tes doigts sont tout petits.
Tu as quelque chose de figuratif et de gentil,
De grave et de badin.
Pour que d’autres te disent ce qu’ici je te dis
Faudrait-il que tu sois signée Claudel ou Rodin?
Tu es signée personne…
Et notre esthétique ne sait plus que croire.
Ce serait ti que nos références déconnentAh, ardemment je te fixe et je me dis
Que c’est bien injuste, la gloire
Et que c’est bien cruel, l’oubli,.
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des eaux et des pierres, ÉLP éditeur, 2015, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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NEZ À NEZ
Nez à nez
Avec la simple
Et dure
Idée
De sanglier.
La glaise
Est fort lisse.
La trace
Est bien formée,
Toute fraîche.
Les feuilles
Sont rares et rêches.
Oh… oh…
Ma confiance part en éclisse.
Ma sérénité
S’échiffe
En capilotade.
Le concept, la simple notion de sanglier,
Cela me fait battre la chamade.
Cela me porte un choc subit et me lacère d’inquiétude,
Me fait sentir l’onctueuse densité de cette vaste solitude.
Je tremble à l’éventualité
De me retrouver
Hure dentue à nez
Avec la monstruosité
Que cette piste ne manque pas de m’annoncer.
Je me mets à me dégoiser une atavique laie,
Conjoncturant, et églogant,
En tremblotant, que je souhaite,
Tant de cœur que de tête,
Que ce ne soit pas une puissante laie
Qui cherche ses marcassins
Et ourdit de noirs desseins
Envers les hagards promeneurs
Que la sylve à probabilistement condamnés
À la rencontrer
Nez à nez.
L’idée que me charge
Cette entité terrible des solitudes, de la marge,
Me flanque des vapeurs toxiques, telluriques.
Immémoriales, mythologiques.
Quand je pense que les chasseurs
Des vieux temps romans
Auraient jubilé, voraces,
En découvrant cette trace,
Je me dis que moi et mon historique passé
Justement, oh justement, on ne vit pas
Nez à nez..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire vergners, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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UN PRÉSENTOIR DE BILLES
Un présentoir
De billes
Toujours
Ça me titille.
Ça me fait palpiter
Micro-matamore,
Comme découvrant
Le plus pétulant
Des trésors.
C’est polychrome
Ça scintille.
Ça crépite et cliquette
Sous la main,
Pudiquement taquin.Un présentoir de billes
C’est ostensible,
Mirifique
Obséquieux.
Plantureux.
J’y suis toujours sensible.
Cela se présente dans un grand bac carré
Solide, patent, modernisé,
De bois verni.
Quand j’étais petit,
Les billes étaient en sac.
Mais elles étaient en vrac.
Aussi, comme aujourd’hui.L’autre trait commun,
Peu commun
Entre le vaste présentoir
De billes présent
Et tous les petits sacs de billes
Résilles
D’antan,
C’est qu’elles ne bougent pas,
C’est qu’elles ne toquent guère…Les billes se chiquenaudant
En ordre de bataille,
À la petite guerre
À la base d’un muret
De la ruelle en arrière,
Ça, eh ben, bout de tabouère,
C’était pour nos grands-pères.
L’hélicoïdal inversé, poésie concrète, ÉLP éditeur 2013, 4,99 € – 6,49 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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JE TE TUE
Je te tue
Je te darde d’un pieu
Qui est
Un petit épi bleu.
Tu seras
Mon trognon Henri II
Champêtre.
Subtilité métaphorique
De l’être.Je te tue
Je te pique d’une aiguille
Qui est
Une petite fleur brindille.
Je serai
Ta petite Florence
En la Crimée
Des champs.
J’y suis, je me rends.Je te tue et je me régale
Crains pas. C’est jamais que des pétales.
C’est un épi bleu méconnu
Mais il l’a enfin son grand but,
Celui de te séduire.Je te tue, je te darde d’un pieu
Qui est un petit épi bleu.
Je te tue, je te pique d’une aiguille
Qui est une petite fleur brindille.
Et tu meurs. C’est comme ça quand on tue.
Et l’amour meurt aussi…
Plus lentement, en volatile plombé qui plane.
Et la fleur du petit épi bleu se fane.Je te tue et nous voici tout dépités.
Crains pas. C’est jamais que la fatalité.
C’est un épi bleu méconnu
Mais il l’a enfin son grand sort:
Celui de relayer la mort
De nos infimes amours,
De nos petits émois,
Dans un champ
Qui verdoie..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire vergners, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
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VERT TÉLESCOPE
Vert
Télescope,
C’est une couleur
Instantanée
Sur laquelle
Ésope
Ne nous a rien
Raconté.
Une fleur mystère
Émerge.
Il y a une folie
Qui couve.
C’est une galère
Qui touche la berge
En la rade
Des mauvais jours.
Et le vert
Télescope
Sert d’écrin
À cette gemme
Acidulée.
La galère se vide de ses marins
Ils sont au port pour enfin aller danser.
Et la verdeur télescopique
Reste coite, comme paumée.
Son filigrane fantasmatique
Ne peut que de loin observer…
Une fleur en mon cœur s’est plantée.
Oh, je ne suis pas un misanthrope
Mais je la préfère à toute l’humanité
Et j’en remercie le vert télescope,
Cette couleur nature, crucialement ancillaire
Qui m’a permis d’adéquatement visualiser
L’accostage de la petite galère
Au havre de la visibilité.
Bondance, elle a su renoncer au mimétisme,
Vert télescope s’en étant mêlé.
Oui, oui, c’est bien une affaire de chromatisme,
Pour dire que ça joue dans le coloré contrasté.
C’est que, comme je te dis, vert télescope,
C’est une couleur instantanée
Sur laquelle Ésope
Ne nous a rien baratiné.
Et non, cette fleurette n’est pas une galère.
Elle est une obsession de mon regard,
Un scotome sur cet œil de verre,
Ce télescope vert sans peur et sans gloire..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des pimprenelles, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
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RESPIRE LENTEMENT
Ben voilà,
C’est ça
La vie,
Beau Visage.
Elle ironise-platonise
Pour les fous
Et les sages.
La vie c’est
Une caverne
Qui imperceptiblement
Vous enveloppe
Vous cerne.
Et cette chienne
De grotte étroite
De vie
Concerne
Tous ceux et celles
Qui se mêlent
D’y entrer.
Ils ou elles
Finissent submergés, coincés.
Et, comme toi, l’œil tout écarquillé.
Oh… oh… ce fulgurant regard,
Si merveilleux, si rare,
Pierre précieuse dans toute cette caillasse
Évaluant fissa les limitations du temps, de l’espaces.
Et, donc, donc, pour bien compliquer la situation.
Déjà pourtant gorgée de lourdes implications,
Il faut en plus qu’un poète passe par là.
On l’attendait plus, celui-là, par dessus le tas.
Et voici qu’il te dit qu’il ne l’oubliera plus jamais,
Ce regard là. Jamais, jamais.
Oh la belle affaire… Cela ne secoue pas le joug
De la caverne de la vie
Mais cela laisse l’impondérable petit velours
Celui qui fait que, oui, oui,
Ce qui est dit est dit.
Puis, sur le reste, bien, le poète est, évidemment,
Pathétiquement impuissant.
Il ne peut encore que pérorer: Ô Beau Visage,
Œil vif et pétillant, si fidèle, si volage,
Respire lentement…
C’est ça la vie, tu comprends?.
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des eaux et des pierres, ÉLP éditeur, 2015, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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LA BOÎTE DE SOUPE CAMPBELL DE WARHOL
J’ai ouvert
La boite de soupe
Campbell
De Warhol,
En une gestuelle simplette,
Avec un de ces ouvre-boîtes
Manuels
À œillettes,
Un tourniquet,
Comme disent les Français.C’était d’autant plus curieux
Qu’il y avait,
À la télé
Un majestueux et ostensible navet
Américano-écossais.
Le clan Lipton y combattait le clan Campbell.
Les deux phratries se pourfendaient
Et se la baillaient belle.À chaque mention du clan Campbell,
Je riais et riais, puis riais de plus belle,
À cause de la boîte de soupe de Warhol
Dont j’étais à conclure
La patiente ouverture.Il y avait des cubes de bœuf
Dans cette soupe tomate.
Oh mate !
De bons petits cubes de boeuf,
Serrés, viandeux,
Parfaitement plantureux.J’ai bien fait cuire le tout,
Sublime, dense, onctueux.
Et j’ai dévoré
Devant la télé,
Directement de la casserole,
Le dense butin de cette boîte de soupe de Warhol,
Ce pop-artiste de parole,
Dont je ne connaissais pas encor l’œuvre folle.J’avais onze ans, que voulez-vous?
Je ne pouvais supputer que des muséologues mous
Instutionnaliseraient, un jour, la congruette portion
Sur fond
Rouge et blanc
De ce moment
Si banal mais tellement
Tant tellement
Charmant.
L’hélicoïdal inversé, poésie concrète, ÉLP éditeur 2013, 4,99 € – 6,49 $.
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LE BANC DES HERMELLES
Le banc
Des hermelles
Vermicule
Allègrement.
Il est un collectif
Et cela se sent.
Cela s’entend aussi.
Il claque
Comme crécelle,
Ce banc
De hermelles.
Il est industrieux
Et il sert tous les vices.
Il est Mégalo Pôle
Et il est Métropolis.
Il se dandine
Dans la flotte
Comme un grand ballet
De marottes.
Tout le monde trime à fond.
Pas de lutte des classes par ici.
Les hermelles n’ont pas de front
Et elles n’ont pas de sourcils.
Rien à plisser
Donc, rien à froncer.
Le banc des hermelles
Collectivise impunément.
Bon il a ses embûches, faut pas jovialiser…
Prédation,
Évolution,
On est pas dans un paradis irisé.
Ce coin de flotte limoneux, exploitable
N’en garantis pas pour autant une vie stable.
Le banc des hermelles reste un prisme
Scintillant de tous les grégarismes.
Dire qu’il vermicule allègrement
C’est une petite pétition de principe
Qui impute par trop de sentiments
À ces lambeaux d’échancrures de nippes
De conglomérat naturel
De banc des hermelles.
Il est je ne sais quelle Ville-Lumière
Sous une cloche de fluide verre,
Lisérée de tonnerre et d’éclairs.
Saperlotte, que peut-on y faire.
Il s’agit, après tout, d’un amoncellement
Grouillant
De vers….
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire vergners, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
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LA PRÉE DES SANGLIERS
Ici, les sangliers
Vont se baigner
En une danse
En une ronde.
Ils établissent
Le raccord
Entre deux monde,
Celui du vrai
Et celui de l’imaginé.
Cent mille fois
Je vais à la prée
Des sangliers.
Deux fois j’en vois un
En train de se mirer.
C’est la pulsion prospective
En pleine action.
C’est penser au concert
Au cœur de la répétition.
Où intérieurement
Se préparer,
Dans l’escalier,
Au torrent des passions en préparation…
C’est bien vrai, vrai de vrai
Qu’il n’y a rien de laid
Dans la baignade rafraîchissante d’une laie.
Mais le fait qu’elle soit si rare,
Que sa réalisation soit vivement aléatoire,
En fait les ébats de quelque pâle princesse
Qu’on mate depuis une lointaine forteresse.
Le plus merveilleux, ce sont les marcassins.
Ils sont mollets comme des petits coussins,
Pivelés et trouillards, furibards et replets.
Inutile de le dire: on ne les voit jamais.
Mais ils sont omniprésents, de par l’attente,
Comme cette si fameuse tente
Que m’enverra, ce matin là, ma tante.
Singularis porcus vous disiez? C’est bien le mot.
Bondance de ma vie, mais je ne vois que de l’eau.
Pourtant il fait chaud pour crever.
Ce serait le chrono idéal pour se baigner,
Tas de sangliers mesquinement planqués,
Tas de rêves en breloques
Et de promesses brisées.
Oh, le cosmos se moque
Ici, juste ici, des promeneurs par trop illusionnés
Car la prée aux sangliers
C’est l’ardeur torride de s’abandonner
À anticiper..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des pimprenelles, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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EN SINGULIÈRE
En dessous
De Montrouge,
On va trouver ceci.
C’est bizarre
Et ça bouge.
C’est simple
Et sans merci.
C’est une
Ancienne carrière
Recreusée,
Triturée,
Devenue
Champignonnière
Puis éventuellement
Abandonnée.
La cuisante
Curiosité
S’y insinue,
En singulière.
Elle veut
Mater
In situ
Champignonière,
Carrière,
Et toutes fondamentales motivations
De la dénomination
Du mont rouge…
Prendre ce type, ici, pour un spéléologue,
Ce serait bien le mécomprendre.
Il est un barbouilleur d’églogues
À l’œil vif, au cœur tendre.
Et, en dessous de Montrouge,
Il entend bien retrouver tout ceci.
C’est bizarre et ça bouge.
C’est simple et sans merci.
En singulière,
Il veut mater in situ
Champignonière,
Carrière.
Quand il aura vu, il remontera.
Et il ne sera plus du tout du tout le même cogitateur
Une carrière bourrée, eh ben, ça vous fait ça….
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des eaux et des pierres, ÉLP éditeur, 2015, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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GARDE-CHASSE
Garde-chasse,
Sur ton perchoir gracile et rose,
Tu lances des menaces
Tu osas, tu oses.
Tu envoies des sémaphores
Avec tes deux farouches fourches,
Est-ce la raison du plus fort?
Ou la pulsion du plus louche?
Garde-chasse aux cailles,
Ostentatoire, menaçant,
Tu es épouvantail
Autant que garde-nanan.
Garde-chasse aux orignaux,
Tu es lourd, tu es gracile
Et tes clinquants oripeaux
Interdisent les indociles,
Car tu es l’autorité.
Tu es une académie.
Et la chasse est bien gardée
Au pré, au champ de radis.
Garde-chasse, tu fais totem.
Tu fais tabou anémié.
Et c’est bien pour ça qu’on t’aime
En cette atmosphère raréfiée.
Garde-chasse,
Sur ton perchoir gracile et rose,
Tu ne perdras pas la face
Et tu garderas la pose
Car, quand Apollon s’efface,
Dionysos s’interpose
Et il laisse ses traces….
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
Assemblages, ÉLP éditeur, 2013, 1,99 € – 2,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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LA CHANSON DE SAINT-SAMSON
Voici le temps
De l’automne,
Des sonnailles
Des moissons.
Il faut refaire
La chanson
De Saint-Samson.Les feuilles ont pris
Des couleurs
Et elles valsent
Sur l’horizon.
Il faut refaire
La chanson
De Saint-Samson.Le fruit d’amour
Devient dense.
Et il se rue
Dans la danse.
Il faut refaire
La chanson
De Saint-Samson.Jouissons car l’hiver approche.
Il vient réclamer sa rançon.
Il faut refaire la chanson
De Saint-Samson.Saint-Samson danse comme un dingue
Avec Dalida comme de bon.
Il faut refaire la chanson
De Saint-Samson.L’automne c’est la folie des âges
Qui s’éclatent juste avant de claquer.
Il faut refaire la chanson
De Saint-Samson.Il faut s’y ruer sans gamberge.
C’est une manière de fatalité.
Il faut refaire la chanson
De Saint-Samson.Voici le temps de l’automne
Chantons et que rien nous étonne..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des pimprenelles, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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SECRÉTAIRE
Chèvrefeuille
Est secrétaire
Dans un grand champ
Tout vert.
Elle a de longs pétales
De fragile fer.
Elle est roide
Froide, altière.
Elle a des sœurs
Des frères
Qui sont tous
Secrétaires
Dans des prés
Variés, divers.
Ils sont
Pas trop diserts,
Ces chèvrefeuilles
Prospères.
Leurs pétales
Savent se taire.
Intendance
Et laisser-faire
Ès vastes plaines herbières.
Mais Chèvrefeuille, toute secrétaire
Qu’elle est, garde des petits airs
De paysanne crapaudière,
De flûtiste, de grisette, de rombière,
De chaloupeuse et… bon… On va pas en faire
Un inventaire à la Prévert.
En effet, comme elle a des sœurs, des frères
Qui sont tous, comme elle, secrétaires,
Ça pourrait jalouser et en faire une affaire
Car eux, ils ne sont Rien… Rien avec un grand R.
Ils sont que des ballots, des masses fourragères.
C’est Chèvrefeuille ici, notre petit mystère.
C’est pour elle et nulle autre, la pantoufle de vair,
L’anneau d’or ciselé et la prison de verre.
Oh, les pétales de fragile fer savent se taire.
Intendance et laisser-faire
Ès vastes plaines herbières.
Mais… bon… qui va faire faire
Du secrétariat à une secrétaire
Telle Chèvrefeuille, si fraîche si primesautière ?
Fichtre, cette situation devient fort boulevardière.
L’épilogue est limpide, la chute est nette et claire.
Elle va se faire cueillir, notre belle secrétaire.
Et alors bastingage, tourbillon, adviendra
Ce qu’il adviendra
De ses beaux pétales roses en forme de longs doigts..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire vergners, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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AU REVOIR
Bon
Au revoir
Les mâchouilleurs
De paille.
Je me taille.
On est pas ici
Pour abreuver
Mais pour
S’explorer
Introjecter
La sensation
De nos guibolles
Cernées
D’un lagon.
Et foncer
Vers le point
Infini
Que notre tarin
Nous indique
Au bout
De la vie.
Je vous laisse bien boire.Au revoir.
Et me bêlez pas des légendes débiles
De méchants loups ou de crocodiles.
De quelque chose, tous, nous mourrons
Et je vais pas attendre après la tremblante du mouton
Ou le fil du cisaille d’un garçon boucher.
Jamais entendu causer d’un certain Prométhée?
Il vola le feu. Moi je joue dans la flotte.
Vous me direz pas. Chacun sa marotte.
Je fais ça pour la sensation, pas pour la gloire.Au revoir.
Je vous lègue mon espace dans le trécarré.
Broutez, broutez. Moi je veux tant nager.
Je vous lègue ce coin de ciel au dessus du pacage
Sous lequel je fus si volage.
Et, oh… oh… pas de bêlements pitoyables.
Ça ferait juste par trop minable.
Et ça me ferait pas vraiment changer d’idée.
Quand il faut y aller, il faut y aller.
Vous m’oublierez vite, allez. Qu’on se le dise.
Vos oreilles se chargeront d’une petite brise.
Vous yeux s’alanguiront dans les sonnailles du soir.
Ils continueront de bien regarder sans voir.Au revoir.
Je me barre.
On est pas ici pour abreuver
Mais pour s’explorer.
Et tout est dit.
Et je vais pas me gêner..
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des pimprenelles, ÉLP éditeur, 2013, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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LA COMPLAINTE DE LA CHAUSSETTE AMOUREUSE
Une sentimentale
Chaussette
S’envolait
Abruptement
En roulant
Sur le vent.
Elle se disait:
Que vais-je faire?
Je vais tomber
À la mer.
C’est trop con
Trop contrariant.C’était
Bien la peine
Poupette,
De venir
Dans le Vercors
Et de tant
Crapahuter.
A fallu
Qu’on se mette pieds nus
Sous quelque prétexte qui pue
Puis une bourrasque s’en est mêlée…Et la langoureuse chaussettes
Toubillonne aléatoirement,
Le long d’une haute falaise calcaire.
Oh, le beau grand torse hiératique et fier!
C’est le coup de foudre. On peut rien faire
Pour contrer le drame présent.Amoureuse, notre chaussette
S’accroche maintenant dans les sapinages
Au faite de son grand amant-paysage.
Elle se coince, s’emberlificote
Il faut pas grand boursicote
Pour piger que c’est la fin de leur voyage.Depuis, notre Yseult chaussette
Enchâssée sur des sapins
Tremble d’amour comme une éperdue.
Sur une falaise du Vercors
Elle annonce aussi, par sémaphore,
Qu’Anthropos pollue. Poil au….
PAUL LAURENDEAU (pour LAUBER)
L’imagiaire des eaux et des pierres, ÉLP éditeur, 2015, 3,49 € – 4,59 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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LES IDÉES ÉLEVÉES
On affirme
Que l’homme
Est un fer
Que l’on déploie,
Arque, replie
Sous les chocs lourds
D’une machinerie.On maintient
Que la femme
Sst une fleur
Que l’on prend,
Pèle, déchire
Au gré du vent
De tourbillonnants
Désirs.On répète
Que l’homme noir
Est un boeuf
Que l’on harnache,
Lie, attelle
Au soc d’un sol
Sec, entre ciel et terre.On enseigne
Que la femme orientale
Est une poupée
Que l’on paterne,
Que l’on dévêtit.
Client-rouage
D’une lucrative industrie.Mais on néglige
Le fait que les gamines
Et les gamins
Des favelas
Grimperont demain
Aux gratte-ciels,
Casseront des vitres.
Et clic…
S’éteindront net
Toutes les idées élevées….
L’hélicoïdal inversé, poésie concrète, ÉLP éditeur 2013, 4,99 € – 6,49 $.
Pour de plus amples informations, ou pour lire des extraits de cet ouvrage, voir la page qui lui est consacrée sur le site d’ÉLP éditeur.
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jimidi said
C’est ton chez vous?
[Oui-da… Ysengimus]
Allan Erwan Berger said
C’est gentil d’honorer une maison.
[C’est que nos maisons sont un peu ce que nous sommes. – Ysengrimus]
Fatima la nuit said
Ceci est la maison d’un sage.
Fatima
Sophie Sulphure said
Magnifique poésie, Ysengrimus.
Sam said
Aux lecteurs muets qui lisent sans jamais commenter, je sais que vous êtes là! Et non… je ne me prend pas pour Ysengrimus pour commenter ainsi… j’aimerais bien avoir un tout p’tit peu de son talent et son art de commenter la poésie… ou la littérature… ou le cinéma… ou la musique… ou l’Art… ou encore tout ce qui vous traverse l’esprit! 🙂 Il faut dire que le vieux loup savant a son style inimitable et s’y connait bien mieux que l’humble voyageur que je suis…
Eh! J’ai tout de même le droit d’exprimer mon bonheur à la lecture de la poésie de cette page… ma gratitude aussi! Je crois qu’Ysengrimus n’en sera que ravi d’ailleurs!
N’en déplaise aux jaloux! 🙂