
L’homme ment à la femme tout simplement parce qu’il masque encore son incompétence transitoire
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Un mot d’abord sur ce que la femme aime d’un homme. Le secret du mensonge masculin nous y attend, enfouis, comme le fameux gemme au fond de la boite de Pandore.
La femme contemporaine aime qu’un homme soit stable et constant en amour. Il est bien vrai que la passade amoureuse fugitive est une ineptie, en bonne partie inconcevable quand on y réfléchit une seconde. Les gens sont libres de la pratiquer (je respecte cela), mais je suis tout aussi libre de bien les plaindre. Le plus beau du plus beau de l’amour est en fait dans l’approfondissement de la découverte et la continuité en crescendo de la passion. Tout ne se joue pas en une nuit, non merci… La femme contemporaine comprend cela intimement et y fonde fermement ses attentes sur l’homme. Ainsi, par exemple, des personnalités comme Bono, Sting ou Paul Newman plaisent aux femmes tout simplement parce qu’ils sont stables avec leurs amoureuses. Par principe fondamental, nos compagnes de vie en ont marre des petits lapins sémillants pas-de-tête. Un gars qui s’assume solidement et sereinement comme stable en amour, sans la céder aux pressions de ses pairs masculins, cela change les idées aux femmes et les charme. Tous les goûts sont dans la nature, naturellement, mes gars, mais les tendances lourdes ne mentent pas et les femmes ne savourent pas le volage tant que ça, au fond du fond. Oh, frondeuses, crâneuses, elles affectent souvent de le faire… par affectation justement, pour paraître aussi «fortes» que les gars, ou encore, pour se masquer à elles-mêmes l’insondable tristesse que leur suscite ledit volage. Faisons d’ailleurs observer que le raisonnement parfaitement fallacieux et niaiseusement arithmétique voulant qu’il y ait autant de femmes volages que de lapins pas-de-tête, vu que la bagatelle sans lendemain se trame à deux, se contre assez simplement, comme suit. Un comportement de surface similaire ne révèle pas nécessairement des pensées profondes similaires. Et j’affirme froidement que la plus débridée des femmes volages a été touchée au cœur par la trajectoire de vie de Paul Newman (ou d’un de ses semblables, stable en amour). De vivre ainsi, le bon Paul est plus crédible aux yeux d’une forte majorité de femmes, les volages inclues. Et je rejoins directement les vues incisives voulant qu’une femme volage n’en est pas vraiment une… et qu’elle changera sa doctrine libertaire d’un seul coup d’un seul, si le bon Paul Newman (ou un de ses semblables, stable en amour), qu’elle recherche d’ailleurs, avec une ardeur constante de haut fourneau, vire dans sa direction au coin de la rue. Alors que, change la laitue pour une carotte, pour un pissenlit, pour une autre laitue, un lapin reste un lapin. Je suis certain que l’effet Paul Newman représente une tendance féminine fortement majoritaire, tant pour l’action ouverte que pour l’émotion secrète et/ou inavouée de nos compagnes de vie. Il n’y a rien de dépassé ou de conventionnel là dedans, du reste. Mecs, faussement modernistes, qui doutez de ce que j’affirme ici, renseignez-vous auprès des femmes, avant de pérorer le contraire, pour vous sécuriser dans vos patrons libertaires fallacieux. Pardon? Tu ne me crois toujours pas, gars? Tu affirmes que ce n’est pas le cas chez les plus jeunes? Eh bien, essaie un truc. Prend un air intelligent et insondable et discute la chose avec ta prochaine passade de vingt printemps. Tu pourrais allumer tes lumières sur la surprise de tout un univers de pensées cachées imprévues… Il n’y a pas de jeu générationnel ici et, comme le disait si bien le vieux Brassens, le temps ne fait rien à l’affaire… Je constate froidement que les valeurs de Paul Newman (ou de ses semblables, stables en amour) ont bel et bien encore cours, même dans la jeunesse, y compris la jeunesse masculine. Sans ironie aucune, cela me touche et me rassure. Doute de mes dires, mon gars, doute, mais n’ignore pas… Doute aussi sur ceci: pourquoi, si la population des courailleux furtifs et sans avenir marital est si 50/50 que cela, les femmes ont elles soudain, massivement, plus d’opportunités de passades que nous? Pas trop arithmétique, tout ça! Je n’y vois qu’une explication: les hommes en couraille sont plus nombreux que le contraire. Il y a donc bel et bien, en nombres réels, moins de femmes que d’hommes qui endossent les valeurs de la couraille furtive et donc plus de femmes que d’homme qui endossent et recherchent l’incarnation des valeurs de Paul Newman (ou d’un de ses semblables, stable en amour). Première valeur cruciale aux yeux de la femme contemporaine donc: l’homme stable et durable en amour.
Seconde chose à laquelle une femme aspire: un homme qui soit au dessus des sollicitation de la sexualité ostensible, tapageuse, «évidente» et superficielle. Qu’est-ce qu’il horripile les femmes, l’homme consommateur de porno. De fait, puisqu’on en parle, il faut faire observer que la porno contemporaine est un mystère ondoyant, il faut bien le dire. Personnellement, je me demande surtout comment ils font leur argent? Que le génie dans une bouteille de Coke qui paie de nos jours pour de la porno se fasse connaître!… Ils ont des arrangements avec les diffuseurs Internet, ou quelque chose? Curieux. Incompréhensible. En tout état de cause, ils se font pirater leurs produits autrement que les musiciens et n’ont même pas le bénéfice de chialer au tout venant médiatique… Enfin, en gros, ce détour un peu fétide pour dire simplement que la demoiselle mécaniquement onduleuse qui aguiche fantasmatiquement le gars ordinaire est sur tous les glauques écrans d’ordi, à ce jour. Tant et tant que cette demoiselle de pixels, irréelle et angoissante, dansotte maintenant gratuitement dans la psyché brumeuse de tous les hommes contemporains et ce, au grand dam de toutes les femmes contemporaines. Celle-ci ne la perçoit d’ailleurs pas comme une rivale concrète, mais bien plutôt comme un corps semi-abstrait de contraintes cruellement normatives qu’elle devrait rencontrer pour retrouver l’attention vacillante de son inconstant partenaire. Cette cyber-demoiselle porno, fallacieuse et illusoire, devrait vite se mettre au cinéma vêtu, en fait. Elle sera, de toute façon, bientôt remplacée par un animatron quelconque… au sein d’une industrie qui a vu, au siècle dernier, passer son âge d’or… Bref, tout ça pour dire qu’une femme se demande toujours ce que son copain glandouille le soir, le cul serré devant son écran d’ordi luisant et bourdonnant, et cela l’horripile souverainement. Que voulez-vous, les yeux de l’homme servent de miroir à la femme. La femme reste intensément sensible au regard de l’homme, tant et tant qu’elle en revendique l’exclusivité et a une sainte horreur de constater qu’il se détourne… surtout pour s’enliser dans la contemplation niaiseuse de godicheries inénarrables. Seconde valeur cruciale aux yeux de la femme contemporaine, donc: l’homme souverainement indifférent à la tocade de la porno visuelle omniprésente. L’homme qui ne se retourne jamais abruptement, en déambulant sur une promenade, une salle des pas perdus, ou une plage…
Enfin, troisième chose à laquelle une femme aspire: un homme qui a une vision articulée des soins à donner aux enfants. Ici, je propose une modeste suggestion explicative. Dans le schéma traditionnel du couple (même si les parents étaient séparés), la mère encadrait autrefois la petite enfance, la bouffe, la propreté, les peurs, les terreurs, les douleurs. Le bain, le chiotte, le corps et tout ce qu’il y a d’intime. Distant pendant cette période. Le père commençait à s’approcher vers la fin de l’enfance, début de l’adolescence. Il était associé aux grands jeux, aux autorisations de sorties, à l’élargissement des surfaces humoristiques, au relâchement des règles mises initialement en place, en un mot, au fait de grandir. Perpétuant, par prudence ou pour d’autres raisons, sa batterie initiale de règles, la mère apparaissait alors, dans cette seconde phase, comme justement déphasée, crispée, vétillarde, infantilisante, castrante. Malgré lui (ou non) le père s’appropriait tout le crédit du plaisir de grandir et la mère se tapait le boulot sale associée à ne pas rester toujours petit… On se lasse du mauvais rôle quand les temps changent dans le cercle des rôles. Je suis certain que la redéfinition du rapport à l’enfant et de l’intimité précoce avec l’enfant dans le couple actuel s’explique en grande partie ainsi. Il faudrait relire ce billet dans trente ans, pour voir… Mais, pour cette raison ou pour une autre, le fait que l’homme assume d’entrer dans la portion des rapports intimes au petit enfant est perçu par la femme comme une acceptation du partage à la fois des émotions profondes et des difficultés de l’intendance de ladite petite enfance. Empathie et solidarité dans le même mouvement, cela ne se dédaigne certainement pas. La femme est toujours très touchée par cela. Je suis personnellement plutôt pour cette implication de l’homme dans un univers qu’il ne faut pas transmettre, sans transition masculine, de la figure maternelle traditionnelle à la garderie. Mon premier fils, Tibert-le-chat (né en 1990), est entré en garderie à l’âge de trois semaines, mon second, Reinardus-le-goupil (né en 1993), moins rapide, n’y entra qu’à deux mois et demi. Or, c’est moi qui faisais le travail de bénévolat parental (n’hypertrophiez surtout pas mon mérite. C’était simplement parce que la garderie était sur mon lieu de travail à l’époque). J’ai énormément appris pour ma parentalité, de la garderie. Et soyez assurés d’une chose, mes gars, votre petit chouchou vous reconnaîtra toujours quand vous viendrez le prendre le soir. Toujours, toujours. Les enfants de garderie ont une meilleure vie sociale ensuite à l’école, dorment mieux, communiquent plus aisément. Mon expérience le confirme. Le seul défaut: ruineux. Il faudrait que ce soit libre et gratuit. Cessons de financer la guerre. Finançons les garderies. Je le sais, oh je le sais. Et si je le sais, si je peux le dire haut et fort, c’est d’avoir suivi mes bébés chouchous dans le détail menu de ce cheminement. Bref, poursuivons… Troisième valeur cruciale aux yeux de la femme contemporaine, donc: l’homme, papa de la toute première heure.
Alors maintenant, la clef de pourquoi les hommes mentent si systématiquement aux femmes est ici, juste ici, entre nos mains. Elle réside justement dans ces attentes que les femmes ont envers les hommes. L’homme sait que sa compagne attend de lui qu’il soit un amoureux stable, attiré exclusivement par elle, et sensible au bien-être des petits enfants présents et à venir. L’homme sait parfaitement qu’il faut exhiber maximalement ces trois traits, ces trois plumes de paon cardinales, pour solidement séduire. Or, ces traits, il ne les détient pas vraiment… Il les connaît de tête sans les manifester de façon naturelle, sincère, et réflexe. Il a encore quelques marches à monter pour s’aligner tout naturellement sur les aspirations de sa compagne. On connaît alors le vieil aphorisme: If you cannot make it, fake it. (Ce que l’on ne peut faire, il faut le feindre). L’homme se met donc à boursicoter sa stabilité amoureuse, son exclusivité sexuelle et son intérêt pour les enfants. Il joue, pour la femme et bien souvent aussi pour lui-même, la comédie de ce qu’il n’aspire pas à être vraiment, encore. Son petit retard historique, de quelque pas, l’oblige à ne fournir en guise de proie que l’ombre de ce à quoi sa compagne aspire. Impossible de faire cela efficacement sans sérieusement écorcher toutes formes de sincérité. On notera d’ailleurs combien une portion massive de l’interaction de la femme avec l’homme consiste en de longues et exténuantes procédures, toujours hautement hasardeuses, de vérification de sincérité.
L’homme ment à la femme principalement, sinon exclusivement, au sujet de ce qu’elle voudrait entendre de fondamental, d’essentiel, et formulé avec l’intelligence (partiellement factice ici donc) dont elle voudrait pouvoir faire la constante rencontre. Il le fait tout simplement parce qu’il masque encore une incompétence transitoire, des incapacités et des inaptitudes historiquement temporaires. Il se traîne les pieds dans le siècle. Il temporise la révolution existentielle que la femme, et le monde, attendent de lui. Il fait la grasse matinée de la réforme fondamentale de l’être. La femme n’est absolument pas dupe, d’ailleurs. Elle spécule son espoir comme il maquille son être… et, elle se fâche tout rouge quand la machinerie lourdingue de l’illusionniste désuet se met à grincer un peu trop quand même.
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