GILLES VIGNEAULT sera toujours avec nous, vu que nous le continuons (intervention à la Jean de Meung)
Posted by Ysengrimus sur 1 octobre 2010
On fabrique des chaises, on sait pas qui va s’assoir dedans…
Gilles Vigneault
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Notre affaire débute vers 1230. Cette année là, Guillaume de Lorris (1200-1238) laisse inachevé LE ROMAN DE LA ROSE, long poème lyrique, allégorique, courtois et onirique d’un peu plus de 4,000 vers. Environ une génération plus tard, vers 1275, Jean de Meung (1240-1305) vient coller un peu moins de 18,000 vers à la suite du poème de départ, transformant l’œuvre initiale en un simple prélude de l’œuvre achevée, la retournant éventuellement, pour le ton et les idées, comme une fumante crêpe. Ajouter une suite à un texte initialement autonome, le complétant et l’altérant, c’est faire une intervention à la Jean de Meung. Le premier paragraphe du présent poème a été écrit au siècle dernier par notre grand poète et chansonnier national, Gilles Vigneault (né en 1928 – auteur, entre autres, des recueil de poésie Étraves et Balises). Mon intervention à la Jean de Meung forme le second paragraphe du poème de Gilles Vigneault LA MUSIQUE (dont les quatorze premiers vers sont parus initialement, en citation d’exergue et sans titre, dans le recueil de chansons Tam ti delam, Éditions de l’Arc, 1967, p. 7 – Vigneault avait l’habitude, en spectacle, d’y joindre les cinq derniers vers, soit à partir de Or, chaque fois que la musique…). Mais surtout mon intervention à la Jean de Meung se fait, sans cependant, ici, rallonger à l’excès. Qui nous enverra le troisième tableau de cette tapisserie sans fin?
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LA MUSIQUE
Moi, quand j’ai connu la musique,
J’avais dans les cinq ou six ans.
Elle était en habits rustiques.
Elle avait le soulier dansant.
Était venu avec les gens
Et traversé les Atlantiques
Connu les pluies, connu les vents
Et découvert les Amériques.
Battu les quais, battu les ponts,
Et n’avait pas perdu son nom
S’appelait encor Rigodon,
Quadrille et Gigue et Cotillon.
Moi, quand j’ai connu la musique,
Elle était vêtue en violon.
Or, chaque fois que le violon
Retrouve le parler rustique
J’écoute alors, sans accorder,
Sans battre des mains ni des pieds…
Comme on fait quand c’est la musique.
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Moi, quand j’ai connu la musique,
J’avais dans les quinze ou seize ans.
Elle avait la hanche érotique.
Elle portait des bas brillants.
Jaillissait des corps trépidants
Comme une puissance électrique
Sur les planchers lisses et luisants
Des grands dancings de l’Amérique.
Elle était née Révolte et Bruit
Et n’avait pas perdu ce rôle.
S’appelait encor Jazz, Country,
Rythm’n Blues et Rock n’roll.
Moi, quand j’ai connu la musique,
C’était la guitare électrique.
Or, chaque fois qu’en trois accords
Crie cette fée psychédélique,
Ébloui, je l’écoute encor,
Sans faire remuer mon corps…
Comme on fait quand c’est la musique.
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Sophie Sulphure said
Moi c’tait l’Punk,
C’tait d’la junk,
Mais c’tait au boutte.
Depuis, j’en ai mangé des croûtes.
Chu devenue encore bien plus maligne
Mais j’ai jamais oublié Sting.
Un baladin qui hante le château de mon coeur.
Son oeuvre, bien décantée, reste l’ultime valeur
D’un genre musical
Finalement pas si anormal
En fait: quasiment banal…
Voilà…
SoSo
Tourelou said
Quelle belle idée un Jean de Meung pour ce grand poète bien de notre temps qu’est Monsieur Gilles Vigneault. Vous m’offrez la chaise je m’assois dedans:
Moy quand j’ai connu la musique
J’l’écoutais en lisant des romans
Elle me caraissait charmante comme un prince lubrique
Sur le quinzième an de mon âge à la vie s’éveillant
Elle m’ouvrait la porte de la cour des grands
Jusque là gardée un peu mystique
Supertramp, Beau dommage, Beatles, Michel Legrand
Ont blanchi bien de mes nuits d’été frénétiques
Parfois embrumées d’un smog psychédélique
Un corps à corps comme un dernier collé-collé
C’est surtout ce grand slow qu’on veut perpétuer
Comme on fait quand c’est la musique
Bombshell in a nutshell said
I can describe how I discovered Mozart, but I can’t describe how I ‘discovered’ music because I can’t remember a time without music. On the other hand, I don’t consider that I truly ‘met’ music until I met Mozart, until I heard an 18th century countess dictating a letter to her chamber maid, that letter to be sent to her libidinous Count in a plot to ensnare him in his treachery. I can also say that, before that, I had not discovered pure joy, transcendance. I cannot put that in poetry, too hard. I am not a poet. When I was a baby, music had the capacity to literally move me to tears. Mozart does that to me with every work. Every time I hear it. For me, music begins and ends with Mozart.
[Je peux vous décrire comment j’ai découvert Mozart mais je ne peux pas décrire comment j’ai ‘connu’ la musique car il m’est impossible de me souvenir d’un temps exempt de musique. D’autre part, je n’ai pas le sentiment d’avoir vraiment ‘connu’ la musique avant d’avoir rencontré Mozart, avant d’avoir entendu cette comtesse du dix-huitième siècle dictant une lettre à sa suivante, lettre destinée à son sensuel de comte, comme élément d’une combine pour l’emberlificoter dans les rets de sa propre trahison. Je peux aussi dire qu’avant ce moment, je n’avais pas encore découvert la joie pure, la transcendance. Je ne peux pas formuler ceci sur une mode poétique, trop ardu. Je ne suis pas poète. Mais le fait est que quand j’étais bébé, la musique avait littéralement la capacité de m’émouvoir aux larmes. Chaque pièce de Mozart me fait toujours cet effet. Et ce, à chaque audition. Pour moi, la musique débute et finit en Mozart.]
Le Boulé du Village said
Paul, je sais que tu as pondu un vrais hymne à Gilles Vigneault vers 1977-1978. Ne fais pas ton modeste et pitche nous le icitte, qu’on trippe un peu…
ysengrimus said
HYMNE À L’ISTORLET
Grand istorlet au plumage grisaille
Avec ton bec et ton plumier canaille
En survolant tes pêcheries de rêve
Et ton Galet qui se meurt sur ta grève,
Grand istorlet aux plumes grisonnantes,
La clef du sol national, tu la chantes.
Grand istorlet au plumage grisaille
Avec ta gorge et ton mot qui s’éraillent
Et craquent, tel quelque géant voilier
Aux voiles que les typhons vont violer,
Grand istorlet aux plumes grisonnantes,
La clef du sol national, tu la chantes.
Grand istorlet au plumier grisonnant,
Marin du nord et pêcheur de Mingan,
Anvers, Saint Malo, Liverpool et Brest
Savent, par toi, les pays qu’il te reste.
Grand istorlet aux plumes grisonnantes,
La clef du sol national, tu la chantes.
Grand monument aux paupières absentes
Avec tes cheveux en cendres brûlantes,
Campé bien droit dans tes brumeux atours,
Te voici Jos Montferrand à ton tour.
Grand monument aux yeux en baie nordique,
Le mot français te doit son Amérique.
Grand istorlet, grand typhon écouté,
Tes Saint Dilon et tes Manikoutai
Ont émergé des flots durs, de la terre.
La Mariouche a marié Jos Hébert.
Grand istorlet au plumage grisaille,
Tu les verrais… Ils ont de la marmaille!
Et cette descendance là te crie:
Grand istorlet au plumier déjà gris,
Pour tes castors, tes canots, tes berries,
Pour Paul-Eugène et ses trésors écrits,
Pour ton Nord, son Nord et pour tes pays,
Grand istorlet à la voix infinie,
Pour ta muse nationale… merci.
Le Boulé du Village said
Beau texte… Mais qu’est-ce qu’un istorlet?
[Un oiseau de mer, souvent mentionné dans les chansons de Vigneault. Pour tout dire, c’est tout simplement la goélette ou hirondelle de mer (nom technique: sterne pierregarin – Sterna hirundo), qu’on appelle, en Minganie et en Acadie, istorlet. – Ysengrimus]
Bernard de Monès said
Quand jʼai connu la musique
Troisième tableau
Moi quand jʼai connu la musique
Jʼallais piano sur mes onze ans
Elle avait un port angélique
Elle ouvrait des mains de plein-chant
Elle avait traversé les âges
Sans attraper aucune ride
De Dieu elle portait témoignage
De la nef jusque dans lʼabside
Anges volant dans les ogives
En volutes dʼalléluia
Notre foi devenait captive
Des agnus et des gloria
Moi quand jʼai connu la musique
Cʼétait des voix à lʼunisson
Oui! Notre âme avait des frissons
Au chant du grégorien magique
A laudes, à vêpres ou à matines
Mon coeur dansait dans ma poitrine
Comme on fait quand cʼest la musique
Bernard de Monès
Damas, Syrie
Bernard de Monès said
Moi quand jʼai connu la musique
Jʼétais encore un tout petiot
Elle avait les doigts poétiques
Mon grand-père jouait du piano
Cʼétait les valses de Chopin
Des mazurkas des impromptus
De la musique à baldaquin
Quelque air dʼopéra rebattu
Cʼétait Masques et Bergamasques
Des entrelacs de chèvrefeuille
Ou quelque mélodie fantasque
Sur la partition quʼon effeuille
Moi quand jʼai connu la musique
On écoutait lʼORTF
Sur le poste, où quelque grand chef
Nous étourdissait de classique
Mon âme volait dans lʼazur
Mes deux mains battaient la mesure
Comme on fait quand cʼest la musique
Bernard de Monès
Damas, Syrie
Caravelle said
Moi, c’est Beethoven
Beethoven…
Toute autre rengaine
Est vaine.
Toute autre musique est vide.
Ses concertos à lui sont si limpides.
C’est une clef, un filon,
Un chemin, une voie, un sillon,
Un sentier , une artère, une pulsive veine.
Son piano est roi, son œuvre est reine…
Beethoven.
Carava
Claude Bolduc said
Vraiment une inventive continuation à la muse de notre poète et inspirateur national…
Moi quand j’ai connu la musique
Elle m’a tracé la voie vers les acryliques
Alchimiques…