Le Carnet d'Ysengrimus

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La bataille d’Aïcha

Posted by Ysengrimus sur 21 octobre 2015

Aïcha à la Bataille du Chameau

Aïcha à la Bataille du Chameau (an 656)

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Aïcha Bint Abu-Bakr a maintenant quarante-cinq ans. Tellement de choses se sont passées depuis sa tendre enfance et Aïcha n’est plus, ne sera plus jamais, la petite fille joyeuse qu’elle avait été du temps glorieux et lointain de l’Islam simple et vrai. Vêtue de blanc, le visage découvert mais le corps et la tête intégralement voilés, la veuve de Mahomet, Prophète de Dieu, marche silencieusement sur une des resplendissantes esplanades de la grande mosquée sacrée de La Mecque. Aïcha est en pèlerinage et, en sortant, cet après-midi là, de la grande mosquée, après la prière, elle appréhende avec angoisse que son recueillement et son abandon à Dieu ne risquent de se trouver brutalement troublés. Cette impression devient d’autant plus tangible qu’Aïcha aperçoit à bonne distance devant elle une femme voilée de noir marchant d’un pas pressé dans sa direction. Assez vite, elle reconnaît sa première servante. Celle-ci se met à l’interpeller un peu trop promptement et d’une voix un peu trop forte à une telle proximité du lieu saint: «Aïcha, ô respectée Aïcha!». Les deux femmes se rejoignent près d’un des longs bancs de marbre qui courent à la périphérie de l’esplanade. Le soleil d’Arabie est ardent et la chaleur est forte et dense. Il y a dans l’air une épaisseur invisible qui annonce quelque chose comme une tristesse infinie. Un peu essoufflée, le visage défait pas les larmes, la servante dit simplement:

 «Othman est tué!

– Tué? Par qui?

– Des musulmans égyptiens en révolte.

– Des musulmans?

– Oui, une foule en colère. Ils sont venus le massacrer dans sa propre maison, à Médine. Son épouse a eu les doigts d’une main tranchés d’un coup de sabre en essayant de le protéger. Ô, Mère des Croyants, qu’allons-nous devenir?»

Un givre de larmes gorge subitement les yeux d’Aïcha. Elle se sent comme si on venait de la gifler très fort. Malgré la chaleur étouffante, son corps semble inexorablement refroidir. Son cœur se serre, son visage se décompose, sa gorge se noue. Doucement, comme dans une ouateuse brume de langueur, elle s’assoit sur le long banc de marbre. Sa servante, qui est éperdue de pleurs, dédouble ses délicats mouvements, comme en une douloureuse harmonie de la modeste femme toute en noir avec la sublime femme toute en blanc. La pleureuse involontaire s’assoit donc quelques secondes après Aïcha, près d’elle.

Othman Ibn Affân, c’est le troisième calife de l’Islam, compagnon de la première heure du Prophète de Dieu et commandeur de tous les croyants. Il devient donc le deuxième calife de l’Oumma à mourir de mort violente. C’est insupportable. C’est incompréhensible. Aïcha est subitement profondément écœurée que les califes tendent maintenant ainsi à mourir assassinés. Qu’est-ce que c’est que cette inique absurdité? Et cette fois-ci, pour la première fois, ce serait un crime commis ouvertement par des musulmans, des coreligionnaires? Aïcha prend les mains de sa servante éplorée et, les yeux dans les yeux de cette fidèle amie, elle revoit en un douloureux souvenir accéléré les morts, cruelles et prématurées, des figures inspirées de Dieu. Tout d’abord son mari, Mahomet, respecté et aimé, le Prophète de Dieu mort presque subitement, sans héritier désigné, d’une fièvre hâtive, fugitive et fulgurante. Elle voit ce mari respecté et aimé fermant doucement les yeux pour toujours, dans ses bras de petite Aïcha tourmentée de vingt ans qui ne comprenait rien encore. Puis, le premier calife, le premier successeur du Prophète désigné par les compagnons de l’Oumma, Abou Bakr As-Siddiq, le propre père d’Aïcha, mort aussi de maladie, après seulement deux ans de califat. Puis, horreur de l’horreur, après les commandeurs des croyants tués par Dieu arrivent ceux tués pas les hommes. Le second calife, Omar Ibn Al-Khattâb, poignardé à la mosquée de Médine, en pleine prière, après seulement dix ans de gloire conquérante et guerrière, par un de ses propres esclaves, un zoroastrien de Perse, pays séculaire, empire déclinant trop hâtivement islamisé. Et maintenant le si généreux et si prodigue Othman, calife depuis douze ans, tué dans sa propre maison par… par des musulmans.

À un bref instant de déroute éperdue succède rapidement, en Aïcha, la rage froide, la saine colère légitime. Juriste précise, haute dignitaire respectée, protectrice des lettres, de l’architecture et des arts, femme de tête habitée de longue date par la foi la plus pure et la plus vraie, Aïcha ne va pas, cette fois-ci, se laisser ballotter par les événements. Si des musulmans ont commis ce crime diabolique, la loi musulmane devra s’appliquer sur eux, dans toute sa puissance implacable et dans toute son impartialité moderniste. Dieu est miséricordieux, il voit tout, il sait donc implicitement qu’Aïcha est vraie et qu’elle n’interrompt ainsi, brutalement, son pèlerinage que pour vaquer aux affaires capitales des hommes et de Dieu. Aïcha se lève. Sa servante l’imite et s’entend dire par la Mère des Croyants: «Nous rentrons immédiatement à Médine. Et ne viens pas me raconter que c’est dangereux de se rendre dans la ville qui a vu Othman récemment tué par la populace car je m’en doute, figure toi. Tous ces dangers vils et méprisables viennent des hommes. Dieu nous protégera. Vois vite à nos préparatifs». La servante ne s’objecte pas car elle connaît la volonté de fer d’Aïcha.

Huit jours plus tard, on retrouve Aïcha à Médine où elle s’est d’abord rendue payer ses respects et avouer ses condoléances aux proches du commandeur des croyants, tué. La situation politique est complexe et, la méditant intensément dans ses quartiers, Aïcha reçoit la visite de Talha ibn Ubayd-Allah, un compagnon de la première heure de Mahomet, âgé maintenant de soixante quatre ans. Encore solide et fier, Talha a la barbe très blanche et les yeux très noirs. C’est un homme droit, un peu vieille Arabie mais très intègre, calme, intelligent, et fin tacticien. Aïcha aborde la question de la présente situation dans l’angle exclusif de ses priorités à elle:

«Je te supplie de me dire, Talha, ce qui a pu pousser des musulmans à tuer notre commandeur des croyants à tous.

– Les communautés du pays d’Al-iraq et du pays d’Égypte sont en soulèvement pour tout un ensemble de raisons. Elles jugent, entre autres, que les impôts levés par le commandeur des croyants sont excessifs.

– Et ils l’ont tué pour ça, sans sommation, sans discussion?

– Oui, il semble bien. Ce sont des Égyptiens en révolte qui ont tué le calife mais il appert qu’il y avait des gens de Bassora, dans le pays d’Al-iraq, parmi la foule de conjurés qui a pris d’assaut la maison d’Othman ici même, à Médine. Ceci n’est donc pas un soulèvement de coptes ou de byzantins mal islamisés. Ce sont incontestablement des musulmans d’au moins deux de nos grandes communautés qui s’en sont pris à Othman.

– Et que font ces insurgés musulmans maintenant?

– Ils s’agitent, ils éructent. Ils font la promotion d’un changement de régime. Pour ce faire, ils se rallient maintenant, ouvertement et bruyamment, à ceux qui soutiennent le califat d’Ali ibn Abi Talib.

– Ali est le cousin du Prophète de Dieu. Mon époux l’aimait très profondément, comme un frère. Il a indubitablement la stature d’un calife, d’un grand calife même… Sauf que…

– Sauf que?

– Mais enfin, Talha, qu’est-ce que c’est que cette dynamique politique folle qui s’installe en Islam? On n’aime plus ce que fait le calife, on le tue et on met son successeur pressenti en place qui, lui, quoi?… devra filer doux s’il ne vaut pas aussi finir tué?

– Oui. Ça ressemble un peu à…

– À quoi, Talha? À quoi? Ose le dire. Ne me ménage pas.

– Ça commence à ressembler aux pratiques des différents chefs de tribus arabes avant le prêche du Prophète de Dieu. On dirait qu’on retourne un peu vers le passé.

– Sauf que ça se joue maintenant au sein de l’Oumma unifiée. Une nation immense, Talha, plusieurs provinces, des principautés, tout un dispositif humain et social où ces pratiques locales expéditives d’avant que les Arabes n’aient trouvé Dieu n’ont plus leur place.

– Je ne sais que dire devant la cruauté regrettable de ces actions, ô Mère des croyants.

– Qu’attendre d’Ali?

– Il est limpide qu’il voudra calmer le jeu avec nos coreligionnaires en révolte. Et, en plus, Ali est lui même fort irrité par les récentes décisions fiscales d’Othman, ce riche marchand dont Ali a toujours trouvé qu’il comprenait mal la vie des musulmans les plus démunis. Devenu calife, je crois bien que notre Ali se fera un devoir de renverser bon nombre des institutions récemment mises en place par Othman…

– Il semble donc assez clair que si Ali devient calife, ce sera la mansuétude pour le groupe foisonnant des assassins d’Othman.

– C’est très possible, oui. Tu vois clair dans la situation, respectée Aïcha.

– Insupportable. Immonde. Et je te prédis que ça signifie aussi, à terme, rien d’autre que la continuation d’un cycle meurtrier pour les califes de l’Oumma.

– Tu crois vraiment?

– Par Dieu, j’en suis certaine. Tu le dis, nous régressons sur les pratiques politiques plus anciennes des Arabes. Dans un tel contexte contraire, veux-tu bien me dire quand est-ce qu’un système de justice formulé primera sur nos restes de coutumes tribales? Ceci est aussi inique que si on se mettait à retourner adorer les idoles.

– Que faire, ô Mère des croyants, que faire?

– Il n’y a qu’une seule chose à faire. Il faut que tous ces insurgés du pays d’Égypte et du pays d’Al-iraq soient le plus rapidement et le plus fermement soumis à la Qisas, le jugement coranique. Ils doivent payer le juste prix pour leurs crimes, sous la limpide lumière de Dieu. Il est fini le temps de la veulerie politique et de la mansuétude tacticienne de façade. Il faut absolument protéger l’Oumma de ces forces régressantes et négatrices. Seule la puissance de la loi de Dieu peut terrasser cette bête immonde qui semble habiter nos entrailles et se perpétuer si vicieusement en elles.»

Et c’est ici, juste ici, que va s’installer le grand malentendu historique entre la femme musulmane, méthodique, sage et respectueusement imprégnée de la loi systématique de Dieu et l’homme musulman, bouillant, ardent, assoiffé de justice immédiate et de droiture politique limpide. L’erreur de Talha est, dans la vigueur et l’ardeur de l’urgence, d’interpréter ces paroles d’Aïcha comme un mandat vengeur de la veuve du Prophète de Dieu contre les conjurés associés au meurtre d’Othman. L’erreur d’Aïcha est, dans sa colère contenue et son entêtement légaliste, de ne pas avoir dit aussi à Talha: il est aussi fini le temps des razzias punitives et de la vendetta expéditive. Se croyant implicitement mandaté par la veuve du Prophète de Dieu, le fidèle Talha, de bonne foi, retourne donc promptement à Bassora, au pays d’Al-iraq, le foyer nord de la révolte, et il y porte ouvertement le combat contre les insurgés associés aux assassins d’Othman. Aïcha, lors de leur conversation, ne faisait pourtant que promouvoir la Qisas qui, elle, exige soit la peine de mort pour les coupables, soit des peines atténuées, soit leur pardon mais l’un ou l’autre, nécessairement dans le dispositif d’une procédure d’accusation formellement formulée.

La crise va rapidement prendre des proportions difficilement contrôlables. Quelques semaines après sa rencontre à Médine avec Talha, Aïcha apprend que Ali a été nommé calife. Talha et ses hommes sont toujours à Bassora au pays d’Al-iraq où ils pourchassent, combattent et massacrent les assassins d’Othman. Ils le font, implacablement, inévitablement, sur ce mode de vendetta qu’Aïcha abhorre, sans mise en accusation, sans clarté des enquêtes, sans vrai dispositif de justice. Aïcha se prend la tête et ses yeux magnifiques roulent involontairement dans leurs orbites. C’est déjà exactement le contraire de ce qu’elle espérait mettre en place. Et, pire, voici qu’Ali entend freiner Talha dans son action vindicative car il y voit la dangereuse amplification de troubles stériles. À la justice cruelle et expéditive, le nouveau calife de l’Islam entend substituer la myopie veule et conciliante. Dans ce but, Ali contacte patiemment des alliés sûrs dont il fait ses officiers et se donne le temps de lever une armée. Ali planifie d’avancer vers Bassora avec ses hommes pour restaurer l’ordre. Talha l’y attend déjà de pied ferme, avec ses hommes aussi. Mise au courant de ces inquiétants développements risquant de déboucher sur un grand conflit fratricide aussi cruel qu’inédit, Aïcha va devoir faire de son mieux pour préserver sa propre cohérence doctrinale, dans la tempête. Son douloureux choix est maintenant fait. Elle entend engager sa crédibilité envers ceux qui cherchent, même maladroitement et imparfaitement, à ce que les tueurs de califes fassent face à la justice. Au jour d’aujourd’hui, Talha lui apparaît comme un pis-aller contre Ali. La mise au pas, même mal explicitée, même expéditive, des tueurs de califes est, bon an mal an, une solution de crise plus valide que l’approche de ceux qui les gracient implicitement, continuent de les serrer, avec dard et venin, contre leur sein, et admettent en sous-main la validité politique du meurtre des chefs et de la force brutale à l’ancienne.

Aïcha est bien consciente de ses limitations politiques de femme. Elle s’adjoint donc son vieil allié le cadi Kaab Ibn Sur, un juriste hautement respecté de Médine, qui sait parfaitement qu’Aïcha est, elle aussi, une juriste consommée. En la compagnie du cadi, et avec sa servante, de vigoureux esclaves et quelques chameaux rapides, Aïcha rejoint Talha sur Bassora en une vingtaine de jours, soit juste avant l’arrivée d’Ali. Ce dernier apparaît sur l’horizon, seulement quelques jours plus tard, avec ses cavaliers, frais, dispos et sourdement déterminés. Il installe son camp devant la ville de Bassora. Il a avec lui plusieurs milliers d’hommes. Aïcha sent monter en elle l’angoisse et la colère. Talha a, lui aussi, quelques milliers d’homme pour lui, un peu moins qu’Ali mais quand même. Très perceptiblement, le groupe des musulmans regroupé autour de Talha et le groupe des musulmans regroupé autour d’Ali apparaissent maintenant de plus en plus comme deux clans polarisés, opposés. Des individus troubles dont le souvenir ne mérite pas d’être évoqué ici cherchent à brouiller les choses entre les deux camps, sous prétexte de médiation. Mais vite, les pourparlers s’enlisent et les rapports s’enveniment. Il est clair qu’on se dirige vers la première guerre civile entre musulmans. Dans ce dispositif difficile, ouvert à toutes les brutalités et à toutes les dérives, Aïcha ne s’esquivera pas.

Le triste matin où il semble fatal et inévitable que les milliers de cavaliers des deux partis vont se livrer bataille, Aïcha se présente au camp des hommes de Talha, qui est à la périphérie de Bassora. Elle va mener fin seule sa propre bataille à elle, celle de l’ultime tentative de médiation entre les vengeurs et les conciliateurs. Vêtue de rouge sang, le visage découvert mais le corps et la tête intégralement voilés, la veuve de Mahomet, Prophète de Dieu, marche directement, en compagnie de son entourage rapproché, vers les quelques méharistes de Talha. Ses chameaux à elle, ceux avec lesquelles elle est venue à fond de train de Médine, sont inutilisables au combat. Ce sont des bêtes placides de caravaniers qu’on ne peut monter qu’au désert, en les couvrant d’un palanquin. Aïcha avise un des méhara des patrouilleurs de Talha. Ils ont des selles de bâts qui permettent de monter en robe, en posant les pieds sur l’encolure de la puissante monture. Le tendre souvenir joyeux de sa rencontre, à la toute fin de son enfance, avec un gros chameau poilu qui s’appelait le Vieux Djimal, revient fugitivement à Aïcha mais elle le chasse. Le Vieux Djimal, la certitude heureuse et éperdue de l’Islam naissant et son enfance ont en commun d’être morts et bien morts depuis fort longtemps. Elle exige qu’on fasse baraquer une des montures de patrouille. Devant l’hésitation du servant du méhari, le cadi Kaab Ibn Sur, qui fait partie du groupe accompagnant Aïcha, s’avance en brandissant ostentatoirement et cérémonieusement une copie du Coran. Les hommes de Talha présents s’inclinent respectueusement. Voici qu’un juge de la loi éclairé par Dieu confirme, d’une voix puissante, à Aïcha et au monde qu’elle, et elle seule, incarne l’obligation d’une organisation juridique en Islam et du rapprochement pacifique de tous les musulmans. La veuve du Prophète est indubitablement l’étendard qui peut faire converger les musulmans et atténuer voire résorber le choc de combat qui s’annonce. On ornemente le méhari de patrouille à la hâte, non pas des couleurs de Talha mais bien de celles du Prophète de Dieu et Aïcha monte sur la bête baraquée. Celle-ci se lève et s’avance majestueusement au milieu des cavaliers de Talha. Elle les dépasse et chemine d’un bon pas en direction de l’attroupement des hommes d’Ali, regroupés sur le fin fil de l’horizon. Aïcha sur sa monture entend se rendre visible avant le choc de combat et aspire à transcender pacifiquement les deux partis. Talha et ses officiers, qui n’ont pas été consultés par Aïcha au sujet de cette hasardeuse manœuvre en solitaire, sont un peu interdits et se concertent un moment, cherchant à comprendre la visée symbolique et stratégique de la Mère des Croyants en train de s’éloigner sur son chameau, en seule compagnie du servant de méhari marchant devant la bête. Le méhari d’Aïcha s’approche tout doucement du point central entre les deux armées. Moins interloqués et plus déterminés dans leur fidélité au nouveau calife, les officiers d’Ali concluent rapidement que la veuve de Mahomet s’avance en fait en tant qu’étendard d’assaut de ceux qui suivent Talha. Ali est vite alerté. Avant que leurs propres hommes ne discernent clairement les couleurs du Prophète de Dieu ou l’identité de la Mère des Croyants, les officiers recommandent à Ali de lancer la charge. Celui-ci place rapidement son cheval bien visible devant les chevaux de ses hommes et lance la charge. Voyant la cavalerie des hommes d’Ali s’avancer, dans un bruit de tonnerre, les officiers de Talha décident précipitamment de conclure que la veuve du Prophète de Dieu leur indique la voie vers le combat, sa légitimité divine valant bien celle d’un calife fraîchement nommé et ayant obtenu sa charge après l’assassinat mal élucidé de son prédécesseur. Sur recommandation de ses officiers, Talha lance la charge. La mécompréhension du message que cherchait à silencieusement convoyer Aïcha désarmée sur son cahotant méhari est intégrale. Les cavaliers de Talha la dépassent rapidement et se lancent à l’assaut des cavaliers d’Ali.

Après le premier choc de combat, la bataille est brève mais violente et sanglante. Au tout début de l’engagement, les deux paquets de cavaliers ont vu à soigneusement fendre leurs rangs pour éviter le chameau d’Aïcha qui continue de s’avancer, faussement bonhomme, œil du cyclone, épicentre calme, dans la terrible tourmente. Aïcha, de plus en plus découragée par la tournure brutale des événements, reste silencieuse sur la puissante monture, que le servant de méhari fait marcher le plus calmement possible, attendu les circonstances. Un cri venu de ceux de Bassora fait frémir Aïcha «Talha est tué!». Le vieux compagnon de Mahomet a en fait simplement été blessé à une cuisse par une flèche empoisonnée. On le transporte vers la ville, loin du lieu du combat. Il mourra le lendemain de sa blessure. Dans la logique implacable des hommes d’Ali, Talha tombé, le seul chef qui reste alors aux insurgés de Bassora, c’est cette haute dignitaire vêtue de rouge sur son méhari. Les rangs des cavaliers d’Ali se resserrent donc en direction de la monture de la veuve du Prophète de Dieu mais nul n’ose lui décocher une flèche meurtrière et devenir, pour la postérité en pleurs, celui qui tua la respectée Mère des Croyants sans arme sur sa placide monture. Les cavaliers d’Ali se contentent de tourbillonner de façon de plus en plus concentrique autour du méhari d’Aïcha. Les hommes de Talha appliquent fatalement la même logique que ceux d’Ali. Ils resserrent les rangs autour de l’ultime étendard que représente fallacieusement pour eux Aïcha. Imperceptiblement, terriblement, un segment important de la bataille se recentre plus étroitement autour de la veuve du Prophète de Dieu. Cette dernière a le temps de bien observer, du haut de sa tremblante montagne de tourments, qu’elle qui voulait freiner le combat est devenue en un rien de temps le principal facteur l’exacerbant.

Le méhari d’Aïcha, cerné par les hommes, d’Ali pousse soudain un intense blatèrement de douleur. Un des sabreurs de la cavalerie d’Ali vient de le blesser aux jambes arrière. Ce blatèrement, déchirant, symbole de toutes les douleurs animales et humaines du jour, parachève l’infini découragement d’Aïcha. Elle se penche vers le servant de méhari et lui crie: «Il a mal. Fais le baraquer!». Le servant du méhari s’exécute d’autant plus facilement que la pauvre bête croule à demi à cause de sa blessure. Le vaisseau du désert fait lentement naufrage, sur un douloureux lit de sable et de sang. Le servant le tient par l’encolure en lui parlant doucement. Ça permet à Aïcha de descendre en utilisant l’encolure où ses pieds reposent toujours comme un petit tremplin. Elle atterrit sur le sable et s’éloigne à bonne distance du méhari. Elle se tient maintenant debout bien droite, les bras le long du corps, l’œil humide, dans le tourbillon des chevaux et des hommes, s’abandonnant sans calcul à la volonté exclusive de Dieu.

Ceux de Bassora interprètent la lente descende du chameau et l’immobilité statuesque de la haute dignitaire au long voile rouge comme le repli d’un étendard, leur étendard guerrier. En réalité, c’est ici la capacité de rayonnement d’une loi universelle en Islam qui tombe sur les genoux avec le chameau cruellement blessé d’Aïcha. Ali est vainqueur, momentanément du moins. Il s’approche à cheval avec six de ses officiers. Les sept hommes descendent de leurs fougueuses montures et saluent respectueusement la veuve du Prophète de Dieu. De centripète, la force construisant le cercle des cavaliers cavalant autour du méhari d’Aïcha devient centrifuge. Un filet de gardes à pieds et à cheval s’improvise autour de la captive, de son chameau baraqué, du cousin du Prophète de Dieu et de leurs gens. Les hommes de Talha, officiers et simples soudards, engagés dans les autres segments de la bataille, ne peuvent laisser ainsi la Mère des Croyants exposée, sans garantie de sécurité, au danger guerrier. Ils font donc promptement leur reddition. Le califat d’Ali peut alors vraiment commencer. On ne le sait pas encore sur ce champ de bataille tragique et impromptu mais avec ledit califat, c’est la cohésion fondatrice de l’Oumma musulmane qui se termine.

Cohérent dans sa conception magnanime de chef arabe ouvertement outrecuidant de tout, surtout de sa puissance fraîchement acquise, Ali, respectueux et conciliant par principe, fait reconduire la veuve du Prophète de Dieu à Médine, avec son cadi, sa servante, ses proches et sa caravane, le tout sous bonne escorte. Selon sa formule politique sommaire, il joue ensuite aussi de mansuétude, tant avec les insurgés de Bassora qu’avec leurs adversaires, les égyptiens et les irakiens ayant tué Othman. Il faut que tout le monde se réconcilie, de façon globaliste et amène. Amnistie générale implicite. Au tout début de son califat, Ali préfère indubitablement à l’idée d’une justice punitive méthodique, parfois répressive, parfois apaisante mais toujours organisatrice l’idée d’une fraternisation virile à l’ancienne, libérale, abstraitement conciliatrice, mais effectivement désorganisatrice et source involontaire de divisions futures et de solutions superficielles et fausses. L’effet de ce choix sera radical et fatal. L’Oumma ne formera plus jamais un état unique.

Cette courte bataille politique et militaire d’Aïcha poussera les musulmans à tirer des conclusions rigides et durables sur l’implication des femmes dans les affaires publiques. Elles en seront désormais autoritairement exclues. Pour éviter de donner le mauvais exemple d’Aïcha aux petites filles musulmanes du présent et de l’avenir, l’histoire appelle cet épisode crucial du schisme musulman la Bataille du Chameau. Son vrai nom factuel c’est, comme tous nos cœurs le crient en silence: la bataille d’Aïcha.

Cinq ans après la susdite bataille, vêtue de noir, le visage découvert mais le corps et la tête intégralement voilés, la veuve de Mahomet, Prophète de Dieu, âgée maintenant de cinquante ans, marche tristement dans le jardinet de ses quartiers, à Médine. Sa servante l’aborde sans façon, dans ce petit espace aux riches couleurs contrastées, et dit simplement:

«Ali est tué!

– Tué? Par qui?

– Un dissident kharijite.

– Un musulman, donc?

– Oui. C’est arrivé à la grande mosquée de Koufa, au pays d’Al-iraq, pendant la prière. Le commandeur des croyants a été frappé par le sabre empoisonné de ce sectateur séparatiste qui, lui, semble avoir agi seul. Ô, Mère des Croyants, qu’allons-nous devenir?»

Aïcha ne répond rien, renvoie sa servante et continue simplement de déambuler dans son petit jardin en fleurs. C’est là un coup dur de plus pour la veuve de Mahomet mais le cuisant impact de celui-ci la surprend bien moins qu’avant. Elle est toujours aussi violemment écœurée que les califes continuent de mourir assassinés par des coreligionnaires musulmans. Mais elle ne pleure plus. Ses yeux aujourd’hui sont secs. Son rôle de femme n’est plus de pleurer mais de se taire. Or même en laissant jaillir ses larmes, on dit quelque chose. Aïcha n’a plus rien à dire. D’autres qu’elle expliqueront, s’ils le peuvent, à qui voudra les entendre s’il en est, que seule la loi appliquée adéquatement aux criminels présents freinera l’élan destructeur des criminels futurs.

Avant sa mort, Aïcha Bint Abu-Bakr verra encore le culte du Dieu unique se scinder irréversiblement en sunnites, chiites et kharijites et l’Oumma se lézarder en une kyrielle de califats locaux souvent autoproclamés. Mais la veuve du Prophète de Dieu ne se battra plus. L’unique bataille d’Aïcha fut brève et se solda sur une défaite, une défaite pour toutes les femmes, pour leur vision, leur apport civilisationnel, leurs conceptions, leur dynamique spécifique, leur approche de la vie politique, leurs droits fondamentaux, leur rayonnement. Seul le souvenir de la quête de justice de la troisième épouse de Mahomet, celle qu’il aimait le plus tendrement, permettra éventuellement de transformer cette cuisante défaite d’il y a quelques mille quatre cents ans en une flamboyante victoire à long terme de la sagesse et de la raison.

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Tiré de mon ouvrage: Paul Laurendeau (2015), L’islam, et nous les athées, ÉLP Éditeur, Montréal, format ePub ou PDF.

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Paru aussi dans Les 7 du Québec

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La nuit d’Aïcha

Posted by Ysengrimus sur 15 octobre 2015

Caravane avec palanquin

C’est pas drôle, un cœur cassé-collé…
Lucien Francoeur

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Le soleil étire déjà les ombres de la caravane de méhara se coulant onctueusement entre les dunes et les rochers. Aïcha Bint Abu-Bakr se sent un petit peu enfermée dans son magnifique palanquin de dignitaire solidement établi au faite de la bosse stable et symétrique du meilleur dromadaire. Elle fulmine intérieurement. Une envie de pisser croissante lui brûle les entrailles et elle attend impatiemment que la pause de la halte ait lieu et que sa monture baraque. Avoir envie de pisser en plein désert d’Arabie, quel paradoxe absurde et ridicule quand même. Spontanée et enjouée de nature, Aïcha en rirait bien ouvertement si on ne s’offusquait pas constamment, dans son entourage social, sur la question des déjections liquides et solides. Et puis quand l’envie de pisser nous serre le bas-ventre, on n’a vraiment pas trop le cœur à rire. On ne craint vraiment plus qu’une chose: tout souiller, tout empester et terminer le voyage dans la gêne honteuse et la pudeur forcée.

La caravane continue d’avancer et le soleil continue de bien baisser dans un ciel immense, zébré de larges bandes de nuages dont les teintes s’altèrent et se foncent déjà radicalement. Enfin, Dieu en soit remercié, l’intendant de caravane appelle la halte. Le servant du méhari d’Aïcha le fait presque immédiatement baraquer. Il faut maintenant encore attendre que deux vigoureux esclaves désarriment le palanquin de la jeune dignitaire et le posent délicatement sur le sol. Délai interminable. Les yeux fermés, les poings serrés, le corps crispé, la jeune fille se pose sur les genoux, serre solidement ses deux cuisses l’une contre l’autre et se met à se balancer fébrilement le corps, pour conjurer la terrible envie. Quelle contrariété qu’un être si beau et si noble que l’humain devienne aussi vil qu’un âne ou qu’un chien quand la pisse lui enserre le corps. Bestialité infâme et rageante des besoins impérieux. Aïcha se vocifère intérieurement: «Vite, vite, magnez vous, baraquez moi ce fichu de palanquin que je revive». Mais la pulsion de chasser le rideau d’ouverture de sa petite maison portative et de fustiger les esclaves verbalement, explicitement et effectivement, ne lui vient même pas à l’esprit. Aïcha est, depuis la plus petite enfance, abandonnée entièrement à la foi et elle sait intimement, charnellement, que ce qui sera sera. Il faut tout simplement, modestement, savoir attendre. Cette sagesse fataliste l’imprègne déjà en profondeur, en cette tumultueuse et historiquement extraordinaire fin d’enfance qui est la sienne. C’est aussi –surtout– la sagesse immémoriale des femmes de son temps. Les habite la ferveur fondamentale de l’Islam devant la vie et l’obligation sereine de suivre les édits si capricieux de Dieu.

Le palanquin est gagné d’un très léger ondoiement. Le respect profond des esclaves d’Aïcha, hommes simples, discrets et heureux dans leur foi, passe invisiblement de eux à elle dans la façon aérienne et fugitive dont ils déplacent le palanquin enveloppant la jeune femme adulée de tous les croyants. Après un bref envol, le fond de la petite maison portative crisse doucement sur le sable. Le palanquin d’Aïcha se pose sur le sol exactement au même moment où le soleil couchant se pose sur l’horizon. Encore quelques interminables secondes, histoire de bien entendre les deux esclaves s’éloigner rapidement pour aller baraquer un autre palanquin de dignitaire. Les yeux d’Aïcha s’ouvrent, ses mains se délient et chassent vivement le rideau d’ouverture du palanquin et la jeune femme fonce au pas de course sur l’infini lit de sable, comme un petit djinn de feu. En courant à toutes jambes, Aïcha ajuste son observation de l’espace, dans la noirceur montante. La caravane, en route vers Médine, a fait halte le long d’une petite palmeraie sèche constituée d’un bouquet d’une douzaine d’arbres. Ceux-ci s’approchent tout doucement d’Aïcha à mesure qu’elle se rue vers l’horizon. Palmeraie sèche, cela signifie qu’il n’y aura pas d’eau pour les ablutions après l’acte. Aïcha n’y pense même pas. La seule chose qui compte maintenant pour elle, c’est de vite traverser ce bouquet de grands arbres, pour mettre les palmiers, les dattiers et les maigres broussailles de sol sableux entre elle et les regards involontaires des hommes et des femmes de la caravane.

Aïcha traverse maintenant la palmeraie, en écorchant un peu ses pieds nus sur les maigres broussailles du sol. Elle avise un gros dattier qui s’interpose maintenant entre elle et la portion de désert ultérieure à la palmeraie. Il sera le pilier idéal pour supporter la solution définitive à cette tyrannique et affolante contrariété des chairs. Se posant derrière l’arbre comme un aigle sur une charogne, Aïcha ouvre grand deux jambes juvéniles mais vigoureuses, enfonce solidement ses doigts de pieds dans le sable. Elle retrousse sa magnifique djellaba bleu ciel sous laquelle elle est intégralement nue. Elle roule promptement le bas de la djellaba autour de ses hanches, juste au dessus du nombril et la tient serrée, bouffante et enroulée contre elle d’une main, la droite. Elle s’appuie de l’autre main sur le corps du gros dattier et s’accroupie légèrement dans la position d’une cavalière debout sur les étriers. Ses yeux se ferment comme d’eux-mêmes. Sa bouche s’entrouvre pour mieux respirer. L’arbre la cache entièrement des caravaniers en halte, qui, en plus, sont maintenant à bonne distance. Le contact de sa main gauche avec l’écorce rêche et piquante de l’arbre semble déclencher le flot de pisse. Il se déverse comme un torrent, entre les jambes grandes ouvertes d’Aïcha, éclaboussant parfois très légèrement les cuisses d’une bruines de postillons d’urine sporadique, agaçante et honnie. Aïcha se soulage amplement, en prenant bien le temps qu’il faut. Elle respire à pleins poumons et son cœur bat de plus en plus régulièrement. Maudits chiens, maudits ânes, pauvre de nous humains et humaines. Un petit coup de vent gifle légèrement la chair satinée de ses fesses pendant que le dense sable du sol du désert prend bien son temps pour absorber la bonne flaque d’urine qu’Aïcha lui abandonne à jamais. Ô eau, la plus belle, la plus limpide et la plus précieuse des substances, pourquoi dois-tu passer à travers nos chairs d’une façon si vile et si laide?

Son soulagement maintenant installé la rendant plus attentive à l’environnement, Aïcha croit entendre un méhari blatérer au loin, très loin, dans le lointain, depuis le désert se trouvant derrière elle, derrière son cul, ses cuisses, le dattier et toute la palmeraie. Réelle ou imaginaire, cette urgence pousse la jeune dignitaire à promptement rabattre les pans de sa djellaba et à se couvrir la tête. Dans la presse, pendant que les pans du vêtement retombent en prenant un petit peu dans le vent, Aïcha saisit son capuchon à l’encolure et, sans qu’elle ne s’en avise (car la volonté de Dieu est si souvent secrète), son auriculaire s’accroche dans la fine chaînette d’or de son collier et, avec le brouhaha du rajustement des replis du grand vêtement, la sectionne net. Pendant que la toute jeune femme, finit de replacer les pans de cette ample tenue bleu ciel, en regardant tout autour d’elle pour s’assurer que nulle présence ne la surveille, son collier cassé, qui est délicat mais suffisamment lourd, glisse, dégringole silencieusement, entre ses seins, devant son ventre, le long de son pubis, et va se planter entre ses deux jambes encore ouvertes, en plein dans la flaque de pisse qui n’a pas tout à fait fini d’être bue par le sable. Aïcha ne remarque pas cela et se met en marche vers la palmeraie qu’elle entendra bientôt retraverser pour aller retrouver la caravane.

Mais avant toute chose, il faut absolument rendre au Dieu unique, bon et sage ce qui lui est du. L’impression fugitive qui avait effleuré Aïcha quand elle courait, lourde de pissat, comme un petit djinn de feu, se confirme maintenant, tristement. Ceci est une toute petite palmeraie sèche. Il n’y a pas de surface aqueuse, pas d’oasis, pas de puit, pas de fontaine pour faire des ablutions. «Quelle poisse!» se hurle intérieurement Aïcha, dans un court moment de frustration et de rage, car elle se sent maintenant profondément sale et souillée. Cependant, sa foi, entière et sereine, et sa connaissance déjà profonde des lois la rassérènent bien vite. Debout pieds nus dans les maigres broussailles, au milieu de la poignée de palmiers et de dattiers de cette triste palmeraie sèche inconnue, l’épouse de Mahomet, Prophète de Dieu, qui, à quinze ans qui sonnent à peine, se fait déjà surnommer, un peu drolatiquement, Mère des Croyants, sait parfaitement ce qu’il lui reste à faire. Intégralement ignorante en géographie, elle ne dispose d’aucun moyen pour s’orienter cardinalement mais elle voit, ou croit voir, une vague chaîne de montagnes sur l’horizon, se profilant loin derrière le camp des caravaniers. Elle décide donc de présumer que tel est le Hedjaz et que, conséquemment, la Ville Sainte se trouve quelque part derrière ou au milieu de ces montagnes. Elle se tourne vers cet espace, effectif ou imaginaire, et elle laisse ses deux bras retomber mollement le long de son corps. Ses yeux se gorgent de larmes, sa face s’élève et frissonne un peu, quand elle s’abandonne, en toute ferveur tranquille, au Dieu unique. Ses lèvres, pulpeuses et fraîches comme des pétales de rose, s’agitent doucement. Elle prie librement, comme on le faisait tout naturellement du temps de l’Islam avisé. «Dieu miséricordieux, je suis tienne en tout. Je me tourne peut-être vers le mauvais endroit mais tu n’en as cure car tu es partout. Tu es de tous les endroits. Dieu, je n’ai pas d’eau pour me purifier des immondes saletés extérieures et intérieures du corps. Je ne sache non plus faire l’ablution sèche et je n’ai pas ici ma servante pour me la faire. Je suis sale et souillée de pissat et de sable. Et ceci est, par ma prière montant vers toi, mon ablution de l’être. Je m’engage, revenue à Médine, à m’adonner à la série rituelle et réelle des ablutions du corps. Miséricordieux, qui ne demande ni ne réclame jamais l’impossible de tes serviteurs et servantes, tu vois en moi. Tu sais que je suis vraie. Cette prière m’est ablution. Fais de moi ce que ta volonté dictera. Je m’y abandonne pleine de sérénité et dans une vive joie car cette joie ne me vient que de toi». Ayant ainsi prié, Aïcha tape sa djellaba pour en chasser les éventuels grains de sable qu’y aurait fiché le vent. Mais elle ne se soucie déjà plus des détails de sa propreté corporelle. Les ablutions de l’esprit sont paisiblement terminées. Les ablutions du corps et des chairs, elle les fera à Médine, qui est toute proche. Comme par une sorte d’approbation secrète envoyée par Dieu, un vent subtil mais vif pousse les dernières bandes de nuages du ciel, donnant à voir une pleine lune immense, ronde et puissamment brillante. C’est le genre de lune que seul vous présente le désert et qui aide à mieux comprendre pourquoi les Arabes l’avaient si profondément en adoration avant d’avoir trouvé Dieu.

Aïcha se met en marche pour traverser le reste de la petite palmeraie et retrouver la caravane. En s’avançant, elle craint soudainement qu’on la prenne pour une bédouine ne faisant pas partie de l’équipée. Elle n’est pas vraiment consciente du fait qu’elle porte une djellaba bleue ciel si précieuse et si fine qu’on reconnaîtrait entre mille la dignitaire qui s’y drape. Naturellement modeste et ignorante de la richesse presque criarde de sa tenue vestimentaire, et voulant être indubitablement reconnue de ses esclaves et de ses pairs, Aïcha décide de rendre sa tête visible. C’était le temps de l’Islam serein et vrai qui n’imposait pas encore le port public du voile aux femmes. Sans souci, Aïcha rabat vers l’arrière le capuchon de sa djellaba et empoigne ses longs cheveux noirs et frisés, pour bien les faire couler sur ses épaules. Ce faisant, elle se touche inévitablement l’encolure et ne sent plus la présence de son collier. Dans un sursaut horrifié, le cœur battant, elle se touche le thorax et n’y sent plus les formes ou le poids du bijou. Il faut quand même une seconde ou deux à Aïcha pour se souvenir laquelle de ses parures de gemmes elle portait aujourd’hui. L’image mentale lui revient de l’ornement enfilé, le matin même. Il s’agit de celui de ses colliers qui est constitué d’une douzaine de délicates auréoles d’argent pur serties chacune d’un petit rubis et liées entre elles par une chaînette d’or blanc qui, hélas, tend à se casser bien facilement. Ce bijoux, délicat et élégant, très finement ouvragé, a une immense valeur commerciale mais Aïcha ne le sait même pas et n’en a cure. Ce qui compte pour elle, surtout, et par-dessus tout, c’est que ce collier d’argent et de rubis est un cadeau du Prophète de Dieu, son respecté mari, qu’elle aime d’un amour fort, pur, entier, et inconditionnel. Malgré l’indubitable mansuétude que son serein époux manifesterait face à la perte de cet objet matériel, la position d’Aïcha n’est pas ouverte à la moindre transaction avec elle-même concernant ce collier. Il n’est tout simplement pas question de l’abandonner derrière soi. La radicalité de l’amour et l’ardeur de la passion maritale parlent ici solidement, sereinement et sa voix ferme ne considère même pas l’alternative de rentrer à Médine sans ce cadeau déjà ancien de l’homme aimé.

Pivotant d’un bloc, Aïcha vire de bord, l’oeil braqué vers le sol. L’ardente lueur lunaire aidant, il ne sera certainement pas si difficile de retrouver à rebours sa propre piste et de voir le précieux objet scintiller sur le sol sablonneux, blanc comme du lait. Aïcha rebrousse donc chemin, pas à pas, la tête penchée, en sondant méthodiquement le sol du regard. Au moment où elle rentre sous le couvert des palmiers et des dattiers de la palmeraie, elle n’a toujours rien trouvé. Elle doit maintenant concentrer plus intensément son attention car les maigres broussailles dissimulent partiellement la piste et les grandes feuilles des arbres masquent partiellement la lumière de la lune. Toute à sa recherche, elle ne se rend pas compte du fait que, maintenant assez loin derrière elle, l’intendant de caravane réveille les esclaves. Comme la luminosité lunaire est bonne, la température pas trop froide, et les bêtes reposées, on a décidé de lever le camp sans délai, nuitamment, de façon à gagner Médine au petit matin. Le souhait heureux et fébrile de relater aux médinois la toute récente et glorieuse victoire musulmane sur la tribu des Banul Mustaliq n’est certainement pas étranger à cette légitime envie de vite se retrouver au bercail, auprès des siens. Les deux esclaves d’Aïcha présument que la respectée épouse du Prophète de Dieu dort dans son palanquin. On remet, silencieusement, délicatement, sans atermoiement, sur le dos du méhari d’Aïcha, la petite maison mobile toute vide. Comme Aïcha est légère comme un petit oiseau, il est impossible à ses esclaves de détecter qu’elle a, en fait, quitté le palanquin. Bien dressé, le splendide méhari d’Aïcha se lève lentement, majestueusement, sous le disque lunaire. La caravane s’ébranle. Aïcha, qui n’en sait toujours rien, finit par arriver au pied du gros dattier près duquel elle s’était soulagée. Le collier d’argent et de rubis est là, fiché un peu grotesquement dans le souvenir encore odoriférant de sa petite plaque de pissat de femme. Soulagée, joyeuse, Aïcha s’en empare, souffle dessus trois fois, et se le reporte autour du cou. Heureusement la chaînette d’or fin est assez longue et délicate pour qu’on puisse la nouer. Sans se soucier du fait que cela la souille encore plus de pisse et de sable et complète la nécessité impérieuse de bonnes ablutions une fois rendue à Médine, Aïcha glisse le collier à sa modeste place, sous le vêtement, contre sa chair. Elle vire de nouveau de bord, cap derechef sur le camp caravanier. Dieu est miséricordieux et il sait qu’un collier sale et souillé reste totalement serti des gemmes de l’amour fort envers le mari, qui reste le seul homme qu’on autorisera jamais à en voir pleinement briller les merveilles.

On retrouve ensuite notre Aïcha un petit peu déconfite, sur le lieu du campement caravanier déserté. Le vent s’est un peu levé et elle a remis son capuchon pour éviter que ses longs cheveux frisés ne se gorgent de sable et finissent eux aussi souillés, comme tout le reste de son être. Surtout qu’il n’y a plus personne ici, pour la reconnaître ou la méconnaître. Quelques colis et baluchons épars et oubliés sur le sol sont les seuls témoins d’une présence humaine éphémère en ces lieux. La caravane a levé le camp. Aïcha est sans peur. Sa foi est son courage. Dans la paix de l’Islam, elle sait qu’on la retrouvera bien à un moment ou à un autre. Ceci est un contretemps sans conséquence, sans plus. Elle ne peut pas imaginer que ce contretemps sans conséquence va changer pour toujours son entière vision de la vie. Pour l’instant ce dont Aïcha s’avise surtout, c’est du fait qu’il commence quand même à faire un petit peu froid. Elle se roule dans sa djellaba, se pose sur le sol, s’y recroqueville, boule et s’endort. Le sable fait une petite auréole autour du solide tissu bleu ciel. Mais comme le vent tombe assez vite, les formes de la femme restent parfaitement visibles, sous le vêtement lové.

Safwân Ibn al-Mu’attal as-Salmi, méhariste émérite et vigoureux, jeune guerrier compétent et déjà aguerri, prend ses fonctions très au sérieux. Il est le colligeur d’arrière-garde de la caravane du Prophète de Dieu. C’est lui qui est en charge de ramener les choses et les gens oubliés par les caravaniers, après les levées de camps. Safwân, qui est berger dans la vie civile, a bien l’habitude de surveiller l’horizon d’un œil alerte et de repérer et distinguer ce qui n’y bouge pas, tentes et objets, et ce qui y bouge, bêtes et gens. Il s’avance vers la palmeraie sèche depuis la piste suivie antérieurement par la caravane rentrant à Médine. Il traverse la petite palmeraie et se retrouve sur les lieux du dernier camp temporaire des caravaniers. C’est là qu’il aperçoit Aïcha sur le sol, drapée dans sa djellaba et roulée en boule, comme une chatte qui dort. Au riche vêtement bleu ciel, Safwân reconnaît tout de suite, imparablement, l’épouse du Prophète de Dieu. Sans trop s’approcher de la jeune dignitaire, Safwân fait baraquer Djimal, son vieux méhari tout velu. En s’agenouillant, le vieux Djimal pousse un blatèrement bien senti, comme pour saluer l’aube qui commence tout imperceptiblement à barrer le ciel. Aicha, qui rêve que le méhari qu’elle avait cru entendre de loin la veille, depuis le lointain désert, est en train de souffler une petite brise sur ses fesses nues, se réveille en sursaut. Safwân la salue respectueusement. Aïcha, se lève sans se presser et tape sur les pans de sa djellaba pour en secouer le sable. À la lumière de l’aube naissante, l’épouse du Prophète de Dieu reconnaît bien ce jeune homme, qu’elle a vu monter la garde d’un baraquement quand elle soignait les blessés pendant la bataille contre la tribu des Banul Mustaliq. Une petite vérification n’est quand même pas de trop. Le dialogue s’engage donc ainsi:

– Qui es-tu?

– Je suis Safwân Ibn al-Mu’attal as-Salmi, ô Mère des Croyants.

– Que fais-tu là?

– Je suis le colligeur d’arrière-garde, ô Mère des Croyants. Je suis ici pour récupérer les objets et les personnes perdus ou oubliés par nos caravaniers. Vois, il y a déjà quelques ballots sur le dos du vieux Djimal, mon méhari. M’autorise-tu à les décharger, tandis que nous conversons?

– Certes. Mais pourquoi les décharges-tu? Tu n’es pas encore à Médine.

– Je vais réunir les ballots et objets que je décharge avec ceux oubliés ici. Je vais en faire un tas que nos hommes reviendront récupérer ici plus tard.

– Pourquoi?

– Pour que tu puisses t’asseoir seule sur le dos du méhari, sans être encombrée par un chargement, ô Mère des Croyants.

– Je vais devoir monter là-dessus, et sans palanquin encore?

– Oui. C’est là la seule chose que nous puissions faire.

Safwân finit de décharger le vieux Djimal. Aïcha, droite, altière mais naturelle, exempte de toute arrogance, reste à bonne distance de lui et du méhari. Aider le jeune homme à décharger et à colliger les quelques ballots et baluchons ne lui vient pas à l’esprit. Ce serait une inconvenance qui la rabaisserait trop, elle, et que le jeune colligeur d’arrière-garde prendrait pour une insulte. Les objets trouvés ayant tous été réunis en un tas bien visible, Aïcha s’enhardit finalement, sur un geste poli de Safwân, à grimper sur le méhari baraqué. La jeune dignitaire trouve que le vénérable méhari sent bien mauvais et qu’il a le poil bien rêche. Elle grimpe dessus quand même, toute seule. Pour pouvoir l’aider à monter, Safwân aurait du la toucher. Il ne l’envisage même pas. Déjà qu’il peine à poser les yeux sur la ravissante épouse du Prophète de Dieu. Il se tient à bonne distance, prêt à n’intervenir qu’en cas d’absolue nécessité. Quand Aïcha est bien installée au sommet de sa nouvelle montagne de tourments, Safwân fait se lever le méhari. Le vieux Djimal n’a plus les genoux de sa prime jeunesse et en prenant de la hauteur, il fait subir une ou deux embardées assez abruptes à Aïcha. Celle-ci manque de tomber de la monture et n’arrive à se maintenir en place qu’en agrippant à pleines mains les poils puants et longs du vieux Djimal. Cette fois-ci, son humeur ne va plus tout à fait se contenir. Ses grands yeux magnifiques écarquillés, elle s’exclame, bien malgré elle:

 – Je vais tomber et me tuer! Mais qu’est-ce que c’est que cette rosse?

– C’est le vieux Djimal, ô Mère des Croyants. Je l’ai hérité de feu mon oncle. Il n’est plus tout à fait dans sa prime ardeur.

– Tu me le dis. Et… et… on va faire quoi maintenant?

– Je ne peux pas monter avec toi et faire courir la monture. Cela te perturberait trop et tu risquerais de te trouver désarçonnée. Nous allons simplement marcher. Je vais le tenir par la bride et m’efforcer de réduire le plus possible le ballotement corporel accompagnant ses pas.

– Tu es… tu es… bien aimable, ô colligeur d’arrière-garde.

– C’est un très grand honneur de te servir, ô Mère des croyants.

Et ils se mettent en marche. Bientôt, le soleil va se lever. Aïcha ne s’en rend compte que confusément mais elle voyage toujours dans un palanquin perfectionné, solidement arrimé sur le méhari le plus stable et le plus racé de la caravane, un vaisseau du désert littéralement. Sa ballade sur le dos du vieux Djimal va lui en apprendre bien plus sur la vie ordinaire des Arabes que bien des conversations sous la tente avec son respecté mari. La leçon va s’inscrire en elle bien plus profondément qu’elle ne se l’imagine encore, du reste. Après une heure de marche, c’est l’extraordinaire lever du soleil sur la séculaire terre d’Arabie. Safwân et Aïcha ont alors le dernier échange verbal de leur jeune existence:

 – Safwân, arrête un moment. J’ai terriblement mal au dos et aux bras.

– Je veux bien qu’on s’arrête dix minutes mais il te faut rester sur le méhari. C’est la seule chose à faire pour que tu t’habitues à lui. Nous en avons encore pour plusieurs heures de marche avant d’atteindre Médine. Il va falloir être très courageuse, ô Mère des croyants.

– Bien, bien. Compte sur moi. J’ai du courage à revendre. Mais, bon, enfin, toi, qui es mon aîné de presque dix ans, ne trouves tu pas un peu fou et sardonique de m’appeler ainsi «Mère»?

– C’est là la désignation bien méritée de l’épouse aimée du révéré Prophète de Dieu.

– Ouais, ouais… bien pour le moment, si tu veux, c’est moi la caravane et c’est toi maintenant mon intendant de caravane. Tu es donc autorisé de m’appeler Aïcha.

– À votre bon vouloir, respectable Aïcha. C’est une bien petite caravane que celle de mon vieux Djimal fin seul. Mais elle emporte la plus précieuse des passagères vers le plus aimé de tous les hommes. Et nous ne faillirons pas.

– J’y compte bien. C’est la mort de mon dos, de mes bras et de mes jambes de monter ainsi un méhari du commun, posée comme ça directement sur son dos. Par contre, je dois te le dire: la vue est absolument magnifique. Je n’oublierai jamais de ma vie ce splendide lever de soleil. Merci, Safwân. Je te suis profondément reconnaissante.

– Marchons.

Ils se remettent en marche, en silence. Ils ne le savent pas encore mais ils ne se parleront plus jamais. Plusieurs longues heures après, ils arrivent à Médine. Safwân fait baraquer le méhari devant la demeure du Prophète de Dieu. Aïcha saute sur le sol, fonce précipitamment vers ses quartiers, et s’y enferme aussitôt derrière un grand et long voile opaque, tiré et tendu en guise de muraille imprenable. Elle passera de longues heures, de longs jours, seule, puis éventuellement avec sa servante, en ablutions et en prières. Quand le Prophète de Dieu viendra la voir, il restera à l’entrée, invisible derrière le voile opaque tendu. Aïcha lui racontera de vive voix, en toute spontanéité joyeuse, sa nuit, tout juste comme je viens de vous la raconter ici. Et le Prophète de Dieu se retirera sans se faire voir d’Aïcha et en restant singulièrement avare de ses manifestations d’affection habituelles.

Quelques jours plus tard, toujours recluse volontaire derrière son grand voile opaque tendu, Aïcha apprendra d’une médinoise qu’on la soupçonne au jour d’aujourd’hui d’avoir commis l’adultère avec le jeune berger Safwân. Destruction fondamentale et irréversible de tout ce qui existait avant, en Aïcha. Surprise intégrale et consternation absolue. Irrémédiable effondrement de l’ingénuité primesautière de l’enfance. Vrai commencement angoissant et terrible de l’errance nocturne de l’épouse que Mahomet préférait. Le souffle court, Aïcha croit mourir, crever comme un âne ou un chien bouffi de pissat et d’ordure. Il se passera de longs, cruels et lancinants jours avant que le Prophète de Dieu ne les absolve, elle et Safwân, et que ne soient dictés les versets coraniques exigeant des preuves limpides venues de quatre témoins indubitables pour porter des accusations d’adultère.

Pendant les jours qui suivirent cette nuit fatale et innocente, désormais à jamais souillée par le plus affreux des doutes, Aïcha fut brûlée du feu terrible, à la fois désespéré et rageur, qui est celui qui consume de l’intérieur une personne intégralement innocente que tous, y compris l’être aimé, soupçonnent des pire fautes. C’est dans cette douleur, cuisante comme le fer rouge qui marque en permanence, qu’Aïcha entrera véritablement dans le monde des adultes, des menteurs, des fourbes, des soupçonneux, des méchants et des perfides. Ce sont eux qui ont projeté leurs déjections intérieures sur la femme pure, qui, elle, n’a jamais rien fait de mal et qu’on a pourtant flagellée et lapidée de soupçons odieux, terribles, insondables, indicibles. Ceux qui ont ainsi fait gicler leur propre perfidie et duplicité sur Aïcha ont perdu de vue le fait que Dieu se devrait pourtant de tout voir, de tout savoir, de tout détecter et, de ce fait, ils ont perdu, pour toujours, la vérité essentielle de l’Islam.

La douleur éperdue et éternelle d’Aïcha est la douleur cuisante et perpétuellement insultante, irritante et destructrice de toutes les femmes honnêtes qu’on accuse à tort. Oui, oh que oui, le Prophète de Dieu a bien eu raison quand il a déclaré qu’Aïcha est la moitié de la religion. La ferveur de la fraîche et intense jeunesse de la foi étant irrémédiablement perdue, rien, plus rien, ne ravivera les chairs douces et aimantes et les esprits sages et sereins d’avant cette infinie douleur, aussi fatale qu’imprévue.

La nuit d’Aïcha est la nuit qui a tout sali, tout terni, tout détruit. Maudits chiens, maudits ânes, pauvre de nous humains et humaines…

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Tiré de mon ouvrage: Paul Laurendeau (2015), L’islam, et nous les athées, ÉLP Éditeur, Montréal, format ePub ou PDF.

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Paru aussi dans Les 7 du Québec

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