Le Carnet d'Ysengrimus

Ysengrimus le loup grogne sur le monde. Il faut refaire la vie et un jour viendra…

  • Paul Laurendeau

  • Intendance

Mai 68. La recherche de l’inversion…

Posted by Ysengrimus sur 1 Mai 2018

Jacques Sauvagot, Daniel Cohn-Bendit, Alain Geismar. Les trois chefs inversés par excellence.

Jacques Sauvagot, Daniel Cohn-Bendit, Alain Geismar. Les trois chefs inversés par excellence.

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Il y a cinquante ans démarrait la révolte de Mai 68. J’avais dix ans. J’étais dans mon bac à sable à Repentigny (Québec) et je jouais avec mes petites autos dans mes petites villes de sable. Je n’en ai donc rien vu, sur le coup. Mais l’esprit de Mai et les valeurs de Mai, en retombées omniprésentes et émulsives, formèrent l’ambiance implicite définitoire de ma jeunesse. Quelle joie, quelle joie, quelle joie! Environ une douzaine d’années après Mai, j’assistais, dans une petite fac québécoise proche de la frontière américaine, à la soutenance de Maîtrise de Lettres d’un tonique olibrius dont je tairai pudiquement le nom et qui, à l’époque, se prenait pour rien de moins que le Jacques Derrida du Québec. Son mémoire, au sujet aussi abscons et turlupiné que peu inoubliable, était truffé de ces procédés d’inversions rhétoriques si chers à une certaine marxologie situationniste post-moderne d’époque. C’était des tirades comme: Le pouvoir de l’illusion devient l’illusion du pouvoir surtout et/ou exclusivement quand l’arme de la critique ignore la critique des armes. Ces constructions pseudo-songées mobilisant massivement ces effets de flip-flop d’inversions typiques d’une certaine langue de bois libertaire émaillaient son discours (autant que le texte de son mémoire) qui, autrement, se voulait crucialement novateur et, fatalement, explosivement subversif et anticonformiste. Un des profs du jury, le seul français présent en fait, et qui, lui, était de la génération 68, avait eu alors ce mot pissant: Cher monsieur, il ne faudrait quand même pas que la recherche de l’inversion devienne l’inversion de la recherche. Tout le monde dans la salle s’était esclaffé et, Tornom, quarante ans après, moi, je la ris encore.

Tout ça pour dire et bien dire qu’il faut comprendre que, dans ses grandeurs comme dans ses étroitesses, Mai 68 fut tout juste cela: la recherche de l’inversion… la recherche par une jeunesse en cours de maturation de l’inversion des discours et des attitudes traditionnels du pouvoir et de la conformité. Et l’exercice, subit, brutal, mécanique parfois, jouissif souvent, ne fut pas que verbal… même si ses traces verbales, les fameux slogans de Mai, en restent l’indice le plus patent au regard contemporain. On a trop voulu voir dans ceux-ci un corpus un peu foufou de facéties verbales au sens philosophique questionnable. Alors que, de fait, ces slogans libertaires, lapidaires mais lucides, font bondir et rebondir cet effet constant, lancinant: celui se donnant comme programme actif d’inverser du discours, d’inverser une vision, de retourner une crêpe. Regardons ça, un petit peu (La principale source pour les slogans de Mai 68 cités ici, qui sont tous authentiques, est CELLE-CI).

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Effets de paronymie. Bon, l’effet de paronymie c’est du calembour et c’est alors par le jeu de mot qu’une expression contestataire est trouvée. Elle surprend, elle étonne, elle détonne, elle déconne mais au fond elle ne fait pas grand chose de différent de ce que ferait une esbroufe publicitaire. Le plaisir du bon mot nous fait un instant oublier le peu qu’il y a éventuellement derrière (pas toujours au demeurant car c’est souvent passablement songé).

  • Jeunesse Marxiste Pessimiste.
  • Matérialisme hystérique.
  • L’action ne doit pas être une réaction mais une création.
  • Autrefois, nous n’avions que le pavot. Aujourd’hui, le pavé.
  • Il n’y aura plus désormais que deux catégories d’hommes: les veaux et les révolutionnaires.  En cas de mariage, ça fera des réveaulutionnaires.
  • Les motions tuent l’émotion.
  • Penser ensemble, non. Pousser ensemble, oui.
  • Marx, Mao, Marcuse.

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Effets d’antonymie. Le jeu de contraste devient moins verbal et plus conceptuel dans les effets d’antonymie. Cela s’installe quand on se met à opérer sur des oppositions diamétrales de sens. Ce n’est pas encore de la dialectique (si tant est que cela en soit jamais) mais l’effet d’inversion commence à plus sérieusement s’installer, dans ces joyeuses réminiscences héraclitéennes.

  • Je ne veux pas perdre ma vie à la gagner.
  • La vie contre la survie.
  • Céder un peu c’est capituler beaucoup.
  • Consommez plus, vous vivrez moins.
  • Crier la mort c’est crier la vie.
  • La liberté, c’est la conscience de la nécessité.
  • Un rien peut être un tout, il faut savoir le voir et parfois s’en contenter.
  • Avoir le plaisir de vivre et non plus le mal de vivre.

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Jeu sur des négations notionnelles. La négation, l’acte négateur, nier s’avérera le cri profond de la poussée libertaire de Mai. Toute détermination est négation (Spinoza) tant et tant que le slogan portera assez rapidement sur ce que cela ne sera pas, sur ce dont on ne voudra pas.

  • Il est interdit d’interdire.
  • Notre espoir ne peut venir que des sans-espoir.
  • Pas de liberté aux ennemis de la liberté.
  • Le patron a besoin de toi, tu n’as pas besoin de lui.
  • Prenons la révolution au sérieux, mais ne nous prenons pas au sérieux.
  • Quand les gens s’aperçoivent qu’ils s’ennuient, ils cessent de s’ennuyer.

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Antanaclases. Mais la négation et l’inversion ne sont pas toujours carrées, tranchées, binaires. Parfois elles s’instillent et s’installent dans les replis de la nuance, et l’irritent, et s’y nichent et la cuisent. L’antanaclase est ce vieux procédé rhétorique qui reprend un mot (nominalement ou pronominalement) en mobilisant un autre de ses sens, comme pour nier ou flipper ou tortillonner ce qui s’introduisait avant. L’antanaclase bifurque en force sur le pivot du mot.

  • La volonté générale contre la volonté du général.
  • À bas le réalisme socialiste. Vive le surréalisme.
  • De bons maîtres nous en aurons dès que chacun sera le sien.
  • Baisez-vous les uns les autres sinon ils vous baiseront.
  • J’emmerde la société et elle me le rend bien.
  • Je ne suis au service de personne, le peuple se servira tout seul.
  • Les réserves imposées au plaisir excitent le plaisir de vivre sans réserve.
  • La barricade ferme la rue mais ouvre la voie.
  • Tout ce qui est discutable est à discuter.

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Effets d’inversion stricto sensu. Les vrais effets d’inversions situationnistes, comme dans le mémoire de maîtrise de mon olibrius de tout à l’heure, vrillent déjà leur chemin. Ils vont s’installer massivement, en coquetterie avec nul autre que Karl Marx. Il est indubitable qu’il a écrit quelque part dans son œuvre immense quelque chose comme les armes de la critique passent par la critique des armes. Sur le moule exclusif d’engendrement de ce patron d’inversion issu du grand barbu post-hégélien de gauche lui-même, la dialectique va pleuvoir dru… encore une fois conceptuellement ou pas.

  • Les armes de la critique passent par la critique des armes.
  • Les murs ont des oreilles. Vos oreilles ont des murs.
  • Je prends mes désirs pour la réalité car je crois en la réalité de mes désirs.
  • Ne nous attardons pas au spectacle de la contestation, mais passons à la contestation du spectacle.
  • Désirer la réalité, c’est bien. Réaliser ses désirs, c’est mieux.
  • Les gens qui travaillent s’ennuient quand ils ne travaillent pas.  Les gens qui ne travaillent pas ne s’ennuient jamais.
  • Manquer d’imagination, c’est ne pas imaginer le manque.
  • Nous voulons: les structures au service de l’homme et non pas l’homme au service des structures.
  • L’obéissance commence par la conscience et la conscience par la désobéissance.
  • Plus je fais l’amour, plus j’ai envie de faire la révolution. Plus je fais la révolution, plus j’ai envie de faire l’amour.
  • Le pouvoir est au bout du fusil. Est-ce que le fusil est au bout du pouvoir?
  • Quand l’assemblée nationale devient un théâtre bourgeois, tous les théâtres bourgeois doivent devenir des assemblées nationales.
  • Si vous pensez pour les autres, les autres penseront pour vous.
  • Tout enseignant est enseigné. Tout enseigné est enseignant.
  • L’éducateur doit être lui-même éduqué.
  • Tout le pouvoir aux conseils ouvriers (un enragé). Tout le pouvoir aux conseils enragés (un ouvrier).

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Altération d’une formulation reçue. Un certain genre d’altération d’une formule reçue va vite quitter le lit douillet du moulage établi par un théoricien mi-endossé mi-subverti (ici Marx) pour se retourner contre quelque chose à la fois de plus ordinaire et de plus ouvertement contesté. On va donc, de temps en temps, tendre à subvertir des formulations reçues qui correspondent aux idées qu’on combat. Noter (et ce sera capital pour la suite) que, dans ce mouvement d’inversion spécifique, la formule d’origine, réputée archiconnue, peut rester implicite. Il y a désormais ici deux discours: celui de la doxa conformiste d’origine (implicite) et celui du propos contestataire inverseur (explicite).

  • Défense de ne pas afficher.
  • Baisez-vous les uns les autres.

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Nous sommes. Avec les constructions récurrentes en Nous sommes et Nous sommes tous, la recherche de l’inversion culmine. Crucialement dans la culture de Mai, il s’agit ici de reprendre implicitement le discours antérieur de ceux qui «nous» ont traités de ceci, de cela, de groupuscules (ce slogan spécifique sera scandé dans des manifs mobilisant des foules immenses, comme antonyme empirique immédiat de la notion contestée), ou qui qualifièrent Cohn-Bendit d’Allemand ou de Juif allemand. Il s’agit de reprendre le qualificatif injurieux et d’ouvertement se l’approprier sur un mode collectif. La solidarité contestataire refuse qu’un ou l’autre des camarades se fasse isoler par une épithète extractrice. Voix du pouvoir, tu traites un des nôtres de quelques choses? Eh bien tremble car nous le sommes tous… On rencontre ici rien de moins que le Yankee Doodle de Mai (l’hymne initialement dénigreur réapproprié et mobilisé dans le combat). Oui, nous le sommes et c’est le fait de l’être qui, en inversant ouvertement les valeurs que vous y attachez, fait de nous les nouveaux maîtres de la définition de ce qui EST et désormais DOIT ÊTRE.

  • Nous sommes un groupuscule.
  • Nous sommes tous des enragés.
  • Nous sommes tous des indésirables.
  • Nous sommes tous des Juifs Allemands.
  • Nous sommes tous [le moule est ouvert].

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C’est nous/C’est lui. Procédure analogue dans le cas de la très fameuse formule en C’est nous/C’est lui. Pendant la nuit d’émeutes du 24 au 25 mai, le ministre de l’Intérieur Fouchet avait stigmatisé «la pègre qui sort des bas-fonds de Paris et qui est véritablement enragée». Plus tôt, Pompidou citant de Gaulle avait dit, concernant les exigences formulées par la contestation estudiantine: «La réforme, oui. La chienlit, non». On impute aussi un «Paris est envahi par la chienlit» au général de Gaulle. Cette chienlit fait référence à toutes sortes de persos carnavalesques la crotte au cul, foutant le bordel dans les rues de Paris. La recherche de l’inversion par nos contestataires ne se fit pas attendre. Yankee Doodle, derechef…

  • La pègre c’est nous.
  • L’exemple c’est nous.
  • La chienlit c’est lui.

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Ces quelques modestes exemples rejoignent discrètement les nombreuses analyses historiques et sociétales qui disent, un demi-siècle plus tard, avec le recul requis, que Mai 68 ne fut pas une grande révolution ratée mais une petite réformette réussie. Pour le coup, puisqu’elle est là, cette réformette socio-historico-culturelle, si infime fut-elle, autant la prendre, hein, et ouvertement assumer que Mai 68 fut d’abord et avant tout une inversion contestataire des discours… avec tout ce que cela entraîne de conceptuel et de pratique dans le titanesque sillage. Inverser n’est pas transformer mais c’est, plus superficiellement, transgresser, retourner, subvertir…. flipper. C’est pas encore ça mais c’est déjà ça

Surtout qu’aujourd’hui, oh, la recherche de l’inversion se poursuit, mais désormais, ayoye, c’est dans l’autre sens. Tristement et brunâtrement, c’est Mai 68 qu’on cherche maintenant à inverser. Toutes sortes de petits théoriciens minables post-sarkoziens de la nouvelle extrême-droite factieuse/fâcheuse voudraient nous liquider les valeurs de Mai. Je les trouve tous fondamentalement vomitifs. Et, moi qui suis trop jeune et qui viens d’un pays trop lointain pour avoir pu prendre Mai 68 à bras le corps, je leurs dis simplement, aux dénigreurs/liquidateurs rétrogrades de cette libération des mœurs si lointaine mais qui m’a pourtant si profondément défini:

Néo-réactionnaires, vous n’êtes que des contreurs de contre-culture. Ne touchez pas trop à Mai 68 parce que Mai 68 m’a trop touché.

Chienlit

45 Réponses to “Mai 68. La recherche de l’inversion…”

  1. Catoito said

    Que dire. Superbe analyse. Des développements complémentaires ici:


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    • Gudule said

      Elle est bien perfide, cette graduelle proximité entre le pamphlétaire et le publicitaire… Elle parle de Mai 68 à sa manière, elle aussi…

      [Absolument exact. — Ysengrimus]

  2. Tourelou said

    «Ce qui revient à dire qu’un vrai Québécois, c’t’un communiste de cœur, c’t’un socialiste d’esprit, pis c’t’un capitaliste de poche.» (La fierté d’être Québécois) Yvon Deschamps.

    J’ai, dans ces année là, écouté nos versions québécoises de ce grand «contreur». Son record «Heille boss, les unions qu’ossa donne», le bonheur, pépère…. écouté à user l’aiguille avec mon père, à répétition. Et je pense que ce fût un peu ma version de Mai 68.

  3. Caravelle said

    Je suis juive, allemande, roumaine, ancienne, et femme universelle.

    • Sissi Cigale said

      Et nous vous aimons pour tout cela, Madame Carava.

    • Cymbale said

      NOUS VOULIONS
      (Georges Moustaki – 1934-2013)

      Nous voulions changer le cours de l’histoire
      Nous voulions toute la mer à boire
      Nous voulions des châteaux en Espagne
      Nous voulions rapprocher les montagnes
      Nous voulions que nos femmes enfantent
      D’une humanité différente
      Nous voulions des aurores nouvelles
      Nous voulions renaître avec elles

      L’imagination était au pouvoir
      Circulez il n’y a plus rien à voir

      Nous voulions tout et tout de suite
      Nous voulions vivre sans limites
      Et nous promener sur la terre
      Sans nous cogner à des frontières
      Nous voulions demander l’impossible
      Nous voulions des orages paisibles
      Nous voulions de l’amour avant toute chose
      Et du bonheur en overdose

      L’imagination était au pouvoir
      Circulez il n’y a plus rien à. voir

      Sans regret, sans mélancolie
      Je te chante la chanson que voici
      Je l’avais rangée au fond de ma guitare
      Elle m’est revenue en mémoire
      Nous voulions…

      L’imagination était au pouvoir
      Circulez il n’y a plus rien à voir
      Nous voulions…

      (Paroles et musiques: Georges Moustaki)

  4. Casimir Fluet said

    Ysengrimus a l’honnêteté de ne pas jouer au soixante-huitard à la manque. Il était enfant, il jouait avec ses joujoux, aux périphéries de l’empire et il le dit… cela fait en fait de lui un commentateur aussi impartial que parfaitement savoureux.

    • Denis LeHire said

      Oh, je seconde.

      Ysengrimus se comporte comme un intellectuel québécois, un peu plus jeune, évoluant dans la travée de Mai. Il ne parle pas de la contestation, des tractations politiques, ou des combats de rue. Il parle des belles paroles qui ont franchi les océans et sont venues, par vaguelettes, nous faire rêver en terre française d’Amérique.

  5. Fridolin said

    Les années soixante ont pris des formes distinctes, en fonction des pays. Mai 68 en France, le draft dodging du Vietnam aus États-Unis, la lutte pour la souveraineté du Québec au Québec. Bouffon de constater que le vieux de Gaulle, affligé par son propre Mai 68 était pourtant venu, en juillet 67, attiser le Mai 68 des québécois

    • Magellan said

      Très juste.

      Et on peut dire que ça symbolise bien qu’il y avait une certaine récupération (une récupération certaine — inversion…) des actions des uns par les pouvoirs des autres. Les ricains ricanaient de Mai 68 qui emmerdait (beaucoup) la vieille France tercériste. De Gaulle ricanait du QUÉBEC LIBRE qui emmerdait (un peu) les ricains impériaux.

      On s’envoyait le troupeau remuant de la jeunesse frondeuse des uns et des autres dans les jarrets, en gros.

    • Piloup said

      Cette pulsion générationnelle des années soixante s’est canalisée fonction des grandes priorités nationale. Les USA, trop grands, trop impériaux, ont exulté contre la guerre locale en cours (MAKE LOVE NOT WAR) et pour les droits civiques des noirs (le I HAVE A DREAM de Martin Luther King). Le Québec, trop petit, ne pouvait que vouloir se libérer de son occupant colonial étroit (VIVE LE QUÉBEC LIBRE — ce mot n’est PAS de De Gaulle, au fait. Il l’a vu sur des pancartes de manifestants en débarquant du Colbert, dans le port de Québec). Entre le trop grand et le trop petit, la France, puissance moyenne, débarrassée de ses occupants depuis 1944 et de son empire colonial depuis 1962… la vague générationnelle a pu y frapper pour des priorités plus fondamentales. La morosité du pouvoir (L’IMAGINATION AU POUVOIR) et surtout l’arriération des lieux de savoir (le fameux NOUS OCCUPONS LA SORBONNE de Cohn-Bendit). Anti-impérial chez les Américains et anti-colonial chez les Québécois, c’est en France que le mouvement fut le moins dévié vers des revendications conjoncturelles (il y en a eu aussi, hein, ne nous trompons pas… cf Grenelle) et a pu accéder à une dimension plus crucialement fondamentale.

      • jujubelle said

        «Je crois que c’est la première fois que nous voyons cela. C’est-à-dire que, de fait, ici, nous occupons la Sorbonne. Car si les étudiants veulent rentrer, il est évident que nous n’avons plus le droit d’être ici. Donc, l’administration a décidé de déclarer hors-la-loi ceux qui sont dans la Sorbonne, donc ils occupent la Sorbonne. Politiquement, il faut exactement savoir ce que maintenant nous allons faire car la situation est nouvelle.»

        Daniel Cohn-Bendit, 3 mai 1968, cour de la Sorbonne

        Sublime, quand même…

      • Perclus said

        Et c’était il y a cinquante balais, tout juste aujourd’hui.

  6. Égérie said

    Moi, mon slogan 68 c’est:

    LIBERTÉ PANSEXUELLE SAUVAGE ET FOLLE, REVIENT. ILS T’ONT GRIMÉE EN PETITE RECTITUDE MINABLE ET PEUREUSE, FAISANT DE TOI LE PLUS HYPOCRITE DES CONFORMISMES CONTRITS

    [Vous l’aviez mentionné déjà en 2012. Comme le temps passe et comme nos hantises restent… — Ysengrimus]

    • Vernoux said

      La punaise de lit, c’est elle…

      • Mouflet said

        Le foufou au cortex mou, c’est Vernoux.

        [Le paltoquet hors-sujet, c’est Mouflet (et il change de disque ou se tait)… Et, Vernoux, la remarque s’applique aussi à vous, hou, hou, hou… — Ysengrimus]

      • Surprenette said

        Mai(s)… Mai(s)… Mai(s)…

        SOUS LE BLOGUEUR, LE MODÉRATEUR!

        [Sans reproche et sans peur. Vous voyez clair et net, Surprenette. — Ysengrimus]

  7. Mistral Simoun said

    Daniel Cohn-Bendit reste lui, impayable, cinquante ans plus tard:

  8. Line Kalinine said

    Il est évident que l’arme de la critique ne saurait remplacer la critique des armes; la force matérielle ne peut être abattue que par la force matérielle; mais la théorie se change, elle aussi, en force matérielle, dès qu’elle pénètre les masses.

    Karl Marx (1843), Contribution à la critique de La philosophie du droit de Hegel, Introduction

    Le texte complet de cette introduction est ICI (la citation se trouve aux environs du trentième paragraphe). C’est la SEULE fois, à ma connaissance, où Marx (jeune, lui aussi, alors) a utilisé ce genre de jeu verbal d’inversion. Les soixante-huitards ont donné au procédé une expansion/inflation qui n’appartient qu’à eux…

  9. Belle Orangraie said

    Mai 68 fut ouvertement contre-révolutionnaire. C’est la version mouvement social de la vieille fable du chêne et du roseau. Qu’est-ce que Mai 68 a dit à l’ordre établi gaulois-gaullien d’il y a cinquante ans? Vous êtes des croulants, vous êtes trop rigides, vous êtes trop autoritaires, assouplissez-vous, c’est là la seule et unique façon d’éviter une révolution (communiste ou autre). Les autres ont entendu le message. Mai 68 est une grande réussite réformiste, la mise en place et l’institutionnalisation subite de la culture pop et sexy du temps. C’est une mise à jour du capitalisme consumériste (loisirs, musique, fringues dans le vent, voyages), un rattrapage abrupt pour se mettre au goût du jour de la prospérité des Trente Glorieuses.

    • Miranda Delalavande said

      Je seconde.

      Et puis, il faut admettre qu’on s’en fiche un peu aujourd’hui de ces vieilles histoires. Les progrès sociétaux sont venus, on les a. Bravo. On va pas se génuflexer et dire merci sans fin à nos papys et nos mamys des sacro-saintes 1960toches… Je ne remercie pas tous les jours les inventeurs 1980toches de l’ordinateur-microprocesseur devant l’écran de mon ordi de ce jour. Évoluons, un petit peu, aussi…

  10. Hibou Lugubre said

    Ahh quelle belle journée Ysen! du soleil enfin! Merci pour cette rafraîchissante lecture qui nous rappelle que le combat continue! Et puis cette foutue extrême droite! Faut tout de même rappeler qu’à chaque printemps des peuples, tels des mouches noires, les fachos prolifèrent et sévissent le temps d’une saison de pondaison… faudrait lui reconnaître le mérite que c’est grâce à elle que l’esprit de 68 perpétue la lutte et renaît à chaque génération… aujourd’hui encore! Et justement un article récent du quotidien Le Monde publié ce 24 Avril cite un historien Français qui raconte que «Sans Occident (groupuscule d’extrême droite), il n’y aurait pas eu la nuit de violence du 3 mai, et Mai 68 n’aurait peut-être pas eu lieu». Le lien vers cet article fort détaillé.

    Déjà, du temps du général De Gaulle qui était haï par l’extrême droite pour la question Algérienne n’admettait-il pas en 67 que la dénucléarisation, la condition ouvrière et les problèmes sociaux sont une priorité de notre époque! Et d’ajouter en Juin 68 que «Il est possible que parmi ces farfelus de la Sorbonne, il y en ait certains qui n’aient pas tort.», avant de conclure en confession à André malraux «La Révolution ? Le seul révolutionnaire, c’était moi!» 🙂 🙂 )

    Mais pire que De Gaulle, Le truc hilarant avec l’extrême droite est que bien qu’elle s’arrange toujours pour foutre la merde, elle reconnaît la première dans son discours, et dans une sorte d’auto-diagnostic de folle en camisole que ça va pas bien dans sa tête, que ses idées sont suicidaires, qu’une société de droite ne peut subsister dans son délire et qu’il faille du changement)! La dérive du nationalisme au Québec n’étant pas épargné non plus, je me délecte à chaque fois de lire les pseudos ‘’analyses’’ des fachos de chez nous, qui me font parfois rire aux larmes… au point d’avoir envie de manifester devant l’Institut Pinel pour les prendre en charge! 🙂 )

    Bref, m’en vais prendre l’air encore, mon corps, mes os me supplient pour la vitamine D… avant que nos fous décrètent le soleil comme planète à droite lui aussi… au crépuscule de cette belle journée! 🙂

    • Batelier said

      Merci, Hibou Lugubre, pour le lien vers cet article fort triste mais fort intéressant. Que l’extrême droite est donc à la mode…

  11. Lys Lalou said

    N’oublions surtout pas l’imposant mouvement ouvrier de Mai 68:

    Ouvriers en révolte, l’autre visage de mai 68

    Eux, ils ont passé à deux doigts de la faire, la révolution.

  12. Jimidi said

    Mesuré, drôle, documenté, inventif: merci Ysengrimus! J’ai eu beaucoup de plaisir à te lire. Je partage.

  13. Brigitte B said

    C’était hier, Sarkozy contre Mai 68:

    Casse-toi, pauvre… enfin bref…

  14. Ysengrimus said

    En commémoration respectueuse du cinquantenaire de la NUIT DES BARRICADES (10-11 mai 1968), voici les mèmes de la semaine Mai 68 des 7 du Québec.
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  15. Line Kalinine said

    Il y a cinquante ans aujourd’hui, fusion profonde du mouvement étudiant et du mouvement ouvrier.

    MANIFESTATION DU 13 MAI 1968 À LA SORBONNE

    C’est alors là que l’histoire se fait.

    • Lys Lalou said

      Je seconde cette commémoration crucialement historique. Merci Line Kalinine.

      • Martin Turquoise said

        Sur le film, ils font proprets, méthodiques, diurnes et disciplinés. Ils sont bien différents du stéréotype casseurs nocturnes qu’on voit tout le temps. On voit plus de femmes aussi… Un beau petit document ordinaire…

        Vive le drapeau rouge! Vive la Marianne rouge!

      • Tablette Parlante said

        Vive le commentaire turquoise!

      • Pierre Lapierre said

        Cela commémorait très exactement les dix ans (1958-1968) de l’arrivée au pouvoir de De Gaulle.
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  16. Belle Orangeraie said

    Ce témoignage passionnant mentionne un épisode crucial du RÔLE DES FILLES joué dans le déclenchement de Mai 68. Pour résumer: la sous-estimation de l’implication militante des filles par cette société traditionnelle a eu un effet inattendu sur l’explosion initiale de Mai… Écoutez plutôt, ce témoignage court mais vraiment vif.

    [Absolument remarquable. Merci, Belle Orangeraie. — Ysengrimus]

  17. Piko said

    Il y a cinquante ans, les accords de Grenelle étaient conclus.

  18. PanoPanoramique said

    Le fameux discours de De Gaulle, du 30 mai 1968 (intégral). On a dit de ce discours qu’il sonnait la fin de la récré Mai 68… Dans ta face, Ysengrimus
    .

    [Grand merci du lien, gros vilain… — Ysengrimus]

  19. Mistral Simoun said

    Les Gilets Jaunes ne cèdent pas leur place, pour ce qui en est des grands slogans inversifs. Cliquer pour agrandir.

  20. Igor said

    Pauvres merdes. Aujourd’hui chefs de choucroute à Auchan.

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