Quelques petits mèmes tragi-comiques pour ceux et celles qui croient ou prétendent croire «ne plus avoir besoin du féminisme»
Posted by Ysengrimus sur 1 janvier 2015
Il y a quarante ans débutait ce qui allait devenir (très exactement le 8 mars 1975) L’ANNÉE INTERNATIONALE DE LA FEMME. Que de progrès accomplis depuis, pépieront les petits colibris. Et pourtant apparaissent maintenant des gens (y compris des femmes) qui croient ou prétendent croire ne plus avoir besoin du féminisme. Pour démontrer que la lutte des femmes, c’est vraiment pas fini, on va mobiliser ici le mode chatoyant et pugnace de la culture des mèmes.
Notons d’abord qu’un bon générateur de mèmes francophones performant est une chose rare. J’ai jeté mon dévolu sur MEMECENTER. Les illustrations des fonds de mèmes répertoriés ici sont des classiques de l’internet. Ils sont, de par les caractéristiques de cette culture, du domaine public. Le renvoi à la documentation complémentaire mobilise les ressources du remarquable site collectif KNOW YOUR MEME, rien de moins que l’encyclopédie la plus exhaustive connue du mème contemporain. J’ai retenu ici des mèmes incorporant un solide élément misogyne. L’échantillon que je fabrique ici de toute pièce est une infime goutte d’eau dans le torrent tonitruant de masculinisme et d’androhystérie qui sévit actuellement sur internet. Je ne dis pas que ces mèmes ne sont pas amusants ou comiques. Je dis qu’ils sont de fait tragi-comiques et, surtout, que, comme ce comique penche toujours dans le même sens, il serait pas de bien bonne tenue de tourner le dos trop vites aux acquis (fragiles) de 1975. Mais voyez plutôt, jugez sur pièces, et conclueurs et conclueuses, concluez.
Je (Paul Laurendeau/Ysengrimus) suis l’auteur des TEXTES de tous les mèmes classés ici. Et croyez-moi, j’ai mis la pédale douce dans ma petite exemplification.
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La dame bien, du premier monde, triste, mécontente et à l’égocentrisme démesuré (titre non confirmé du fond de mème: First World Problems). L’égoïsme « de fille » et l’absence de conscience sociale à leur meilleur.
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La jeune amoureuse en manque affectif, à la fois collante-envahissante et mijaurée-nitouche (titre du fond de mème: Overly Attached Girlfriend). Celui-ci est d’autant plus intéressant que quand on visionne la vidéo humoristique de cette jeune femme (voir la documentation d’appoint sur la fiche de KNOW YOUR MEME liée), on observe qu’elle y formule avec esprit et sagacité les valeurs amoureuses de la jeune femme moderne. Il est tristement indubitable que ce mème au succès énorme est un titanesque jet d’androhystérie réactionnaire des plus purs et des plus compacts.
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La mère de famille de classe moyenne, hautaine et montée en graine, mal informée mais rigide et outrecuidante (titre du fond de mème: Sheltering Suburban Mom). Ici je suis moins contrarié qu’insondablement triste. Une critique sociale légitime, souvent vive, cinglante et tordante, s’emberlificote malheureusement avec la misogynie la plus ordinaire-convulsionnaire. Ceci dit, ceux-ci me font beaucoup rire. Il faudrait simplement que cette dame soit rejointe par son mari sur le mème pour que mon contentement soit complet.
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L’enseignante inutile, arrogante, jolie mais peu amène et sciemment démonstrative de la faillite intégrale du dispositif scolaire (titre du fond de mème: Unhelpful High School Teacher). Même problème que pour le mème précédent. Une critique intellectuelle souvent d’une grande sagacité et d’un comique peu commun s’entortille dans le cassage de bonne-femme le plus simpliste. On paie ici pour les limitations sociétales dont 1975 ne nous a pas encore débarrassés. Entendre: il aurait certainement fallu que ces jeunes hommes, fricoteurs de mèmes rencontrent plus d’instituteurs, dans leur jeunesse vraiment pas si lointaine…
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Le jeune non-macho engoncé, mal avisé, gauche et totalement inepte en amour (titre du fond de mème: Bad Luck Brian). Doctrinalement masculin plus que jamais, on ridiculise ici rien de moins que l’homme nouveau en émergence, le réduisant caricaturalement et grossièrement à un perdant inapte à manifester la plus infime parcelle de potentiel séducteur.
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Que ceux et celles qui croient au jour d’aujourd’hui ne plus avoir besoin de féminisme méditent attentivement les batteries de mèmes étalées supra, indices d’un masculinisme encore très solidement implanté dans la cyber-culture (notamment chez les jeunes hommes). Finalement, sur les fonds de vignettes humoristiques de ROTTEN eCARDS (servant plus souvent qu’à leur tour, elles aussi, de support pour des élans tragi-comiques à vous faire vous demander si l’année 1975 a jamais existé) trouvez infra quelques ecards (non répertoriées au site KNOW YOUR MEME), avançant la respectueuse réponse d’Ysengrimus à celles qui croient, même après avoir pris connaissance de tout ceci (et de bien d’autres choses beaucoup plus graves et cruciales), « ne plus avoir besoin du féminisme »:
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Tourelou said
Ysengrimus qui part son année en misogynous? L’an 1975 a existé. Les femmes choisissaient ne pas devenir misanthrope et on appelait ce phénomène la libération de la chamelle. Bonne année, santé bonheur et vivons l’égalité loups louves. 🙂
[Plutôt en exemplius… et fort atténué encore comparé à ce que l’internet vomit de masculiniste, quotidiennement… – Ysengrimus]
PanoPanoramique said
Pas «mysogynous» mais: GENTILLUS. Je peux vous assurer, Tourelou, qu’il a mis la pédale TRÈS douce. Il y a des exemples bien plus grossiers et directs de mèmes de misogynie sur internet. Je pourrais vous en poster ici quelques exemples.
[Ne le fais pas, PanoPanoramique. Mon échantillon suffit amplement pour faire comprendre l’argument pro-féministe. L’internet est un vivier à petits mecs, Tous leurs fantasmes et toutes leurs aigreurs y circulent sous pression dans le tuyau. Nul besoin n’est de s’appesantir. – Ysengrimus]
Caravelle said
Voilà un lot d’images fort parlantes en effet. Quarante ans plus tard, tout est encore à faire.
Brigitte B said
Et ne les oublions jamais: les petits chat féministes…
Vanessa Jodoin said
On sent une frustration réactionnaire dans plusieurs de ces mèmes. Le masculinisme est moins triomphant que frustré, amer, nostalgique presque.
[Je seconde. – Ysengrimus]
Gudule said
En plus, souvent des écoliers turbulents, si on en juge par les mèmes sur l’instite…
Sophie Sulphure said
Dans certains cas, je ne vois pas du tout de misogynie mais une dénonciation sociopolitique parfaitement légitime se canalisant tout simplement à travers un personnage de femme. Deux exemples:
Le boulé du village said
Le deuxième est parfait mais le premier, je le pogne pas.
Sophie Sulphure said
La pleureuse du premier monde se lamente sur trois occidentaux cruellement tués en Afrique… alors qu’elle ne voit pas les dizaines de milliers d’africains tués en Afrique (bien souvent, justement, par les exactions directes et indirectes des gens du premier monde). Je suis parfaitement d’accord avec cette critique. Et que ce soit une fille qui en fait l’objet ne me dérange absolument pas. Des connes insensibles, il y en a aussi.
[… notamment dans le premier monde. – Ysengrimus]
Bombshell in a nutshell said
Ma favorite, by far, is this one. Happy New Year to all [Mon préféré est, de loin, celui-ci. Bonne année à tous et à toutes]:
Gudule said
D’ailleurs la dernière série (celle des Rotten Cards, avec les filles) n’est ABSOLUMENT PAS masculiniste. C’est une critique, d’ailleurs ironiquement réussie, complète, très bonne, des filles anti-féministes de 2014.
Bombshell in a nutshell said
Je seconde.
Catoito said
Qu’est-ce que c’est donc que ces élections ontariennes que la pleureuse du premier monde (pour jacter comme Sophie) semble à la fois déplorer gagner, perdre… et oublier?
[Voir ici, Catoito… et n’en parlons plus. – Ysengrimus]
Fridolin said
Les rouge bleuis viennent de remplacer les bleus rougeâtres. Rien pour se tirer dans le murs, comme vous le signale Ysengimus. Restons avec les filles, c’est bien plus intéressant.
Isabella said
Je me demande si ces femmes qui rejettent le féminisme savent ce que c’est que le féminisme. Comment une femme peut-elle vraiment rejeter le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes?
[En effet… – Ysengrimus]
Capucine said
Moi, je tends à croire que ces femmes, souvent jeunes et hétéro, qui rejettent ostensiblement le féminisme veulent se faire mousser en grande, comme de véritables séductrices flagorneuses, auprès des petits porte-bites. Tout juste comme toi Isabella, je n’arrive pas à me rentrer dans le crâne que les femmes modernes puissent tourner le dos à la vérité fondamentale de leur égalité à l’homme. Il doit y avoir quelque chose d’autre en jeu dans tout ceci.
En tout cas, mon mème favori ici est celui-ci:

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Fridolin said
Moi, si j’ose, je vois tellement une de mes tantes dans celui-ci:
Cymbale said
Les acquis féministes sont fragiles et en même temps, la femme devient un personnage de mèmes, ordinaire, intelligent ou stupide, comme un autre (beaucoup de personnages de mèmes sont masculins aussi. Banal). On notera, par contre, que quand un mème est sexy ou pornographique, là, il met en scène habituellement des femmes, en les avilissant fort souvent. Pas envie de mettre d’exemple.
[Excellente information complémentaire, Cymbale. – Ysengrimus]
Chloé said
Le stéréotype de la copine collante en est un autre qui a un impact profond et cuisant sur les jeunes femmes hétéros de notre temps. Elles sont craintives d’exprimer leurs besoins, émotionnels et autres, dans une relation. Elles ont très peur de passer pour un «crampon». J’ai vécu cela moi-même. C’est une situation qui permet aux petits porte-bites de toujours tenir le bon bout de ce que je considère comme une pure et simple situation d’abus émotionnel. Qu’y a-t-il de si excessif à demander à petit monsieur de làcher sa meute de roquets pour un soir et de passer quelques heures exclusivement en ma compagnie? Tout ceci pour dire que je suis bien contente d’avoir découvert ceci:
Ses yeux sont extraordinaires et ses propos sont sereins et affirmés. Je ne connaissais pas l’existence de cette vidéo. Je croyais que le mème Overly Attached Girlfriend était basé sur la photo Facebook un peu fortuite de je ne sais quelle infortunée. Je suis bien contente de constater qu’elle ne se fait pas ridiculiser, au départ. C’est bien plutôt elle qui est en plein contrôle de toute la boutade, en fait.
[Absolument. Cette jeune femme est super et mérite de plain pied son statut d’icône culturelle. Quand on visionne la vidéo, on comprend qu’il n’y a pas de mystère sur pourquoi nos petits cyber-mecs se sont rués pour en faire un mème. Elle leur a flanqué un pétohe dingue avec ce genre de fermeté ironique et tranquille. Et leur réaction démultipliée est en fait un indice cardinal d’androhystérie. – Ysengrimus]
Piloup said
Une petite chanson pour vous, Chloé, histoire de montrer le caractère ancien du triste problème de couple que vous signalez (la chanson date de 1975):
AMÈNE PAS TA GANG
Amène pas ta gang si t’es v’nu pour me voir
Laisse ta gang dehors pour une fois pour un soir
Je veux pus veiller sa galerie
Avec douze de tes amis
J’ai l’goût de m’faire caresser
Viens donc dans chambre avec moé?
Chu tannée d’les voir parler de chars parler de sport
Laisse ta gang dehors pour une fois pour un soir
Ma mère s’endort de bonne heure
Pis est dure à réveiller
Viens pas me faire accroire t’as peur
Viens donc dans chambre avec moé?
On a pus l’âge de s’pogner les mains toute la soirée
Des fois je me d’mande si t’as peur de rester seul
Avec moé. Répond moé.
Chu tannée de me faire embrasser dans le noir
Quand tes chums t’attendent sur le bord du trottoir
Chu tannée d’me faire accroire
Que ça va changer demain soir
Yé temps de se faire une idée
Viens-tu dans chambre avec moé?
On a pus l’âge de s’pogner les mains toute la soirée
Des fois je me d’mande si t’as peur de rester seul
Avec moé. Répond moé.
Chu tannée d’me faire embrasser dans le noir
Quand tes chums t’attendent sur le bord du trottoir
Chu tannée d’me faire accroire
Que ça va changer demain soir
Yé temps de s’faire une idée
Viens-tu dans chambre avec moé?
Amène pas ta gang si t’es venu pour me voir
Amène pas ta gang si t’es venu pour me voir
Amène pas ta gang si t’es venu pour me…
Sissi Cigale said
Le comportement de la copine soi-disant trop attachée est, en fait, NORMAL. Point final. Et elle le prouve ici. Je crois tellement me voir moi avec mon ancien copain:
[Je seconde. Nom de cette cyber-actrice: Laina Morris. – Ysengrimus]
Serge Morin said
Pense vite, Ysengrimus. Un souvenir de l’année de la femme, 1975?
[Il y avait un gaminet officiel ou semi-officiel, très populaire. On y lisait L’année de la femme et on voyait un homme à genoux, tendant un bouquet de fleurs à une femme debout devant lui. Vite apparurent des contre-gaminets, dont un qui disait Toujours l’année de l’homme et c’est la même femme maintenant à genoux qui tendait le bouquet à l’homme debout. Dans nos boumes étudiantes, les mecs et les nanas s’amusaient à se prendre en polaroïd dans des imitations de la posture du gaminet et du contre-gaminet. C’était toute une effervescence. Tout le monde en parlait. Il y eut vraiment, à partir de cette année là, un brassage féministe incontestable, dans le tout de la société civile. Les tikus de l’ONU avaient attrapé le ballon sociétal au bon moment, cette fois-là. Je n’arrive pas à retrouver ce gaminet sur internet. C’est bien dommage. – Ysengrimus]
Odalisque said
En France, on avait eu un timbre-poste:
Vanessa Jodoin said
La formulation « de la femme » avait été contestée comme déviation naturaliste. Les militantes féministes lui préféraient « des femmes », plus social.
[Absolument exact. Certaines trouvaient d’ailleurs que faire une année de la femme était rien de moins qu’une quétainerie grotesque. C’était un peu comme la Journée des secrétaires. Tout ça s’enchevêtrait dans le bouillonnement. On en parlait beaucoup, en tout cas, et pas seulement dans les cercles militants. Partout. – Ysengrimus]
Mura said
Oui, oui. Je me souviens parfaitement du T-shirt. C’était quelque chose dans ce genre là. La version inversée, je la connais pas mais j’imagine facilement. Dans l’ambiance du temps… Notre jeunesse…
[Voilà. C’est effectivement fort analogue. C’est très proche. Sauf que je commence à sérieusement me demander si l’ONU avait effectivement émis ça. Il en resterait des traces, comme pour le beau timbre signalé par Odalisque. Si ça se trouve, c’était complètement vernaculaire, cette affaire de bouquet de fleur. Une mode un peu neuneu, déclenchée par l’année de la femme, en fait. – Ysengrimus]
Ysengrimus said
En guise de codicille respectueusement féministes pour ce billet, mes mèmes en réaction à chaud à la pirouette contrainte réclamée par un journaliste à la joueuse de tennis Eugénie Bouchard aux Internationnaux d’Australie en janvier 2015. Le féminisme, c’est pas fini, tu me le dis…
Freluquet du Dimanche said
Je connaissais pas l’expression porte-bite, ça a été inventé par un vagin à pattes?
Enfin tout cela n’est pas drôle, vous voulez vous amuser?
— les larmes d’une femme c’est plein de vitamines (Louis Pasteur)
— on ne bat pas une femme avec une fleur, on prend le pot! (Grand père)
et pour finir:
— je n’ai pas besoin du féminisme car la fête des mères c’est une fois par an alors que la fête des salopes c’est tout les jours.
[Très représentatif de la misogynie ambiante, Freluque. Pas bravo… Ysengrimus]
Freluquet du Dimanche said
Tenez, voilà quelqu’un qui n’a surement pas eu besoin du féminisme
[Vidéo disparue — Ysengrimus]
[Je suis pas certain que ceci soit sans inspiration féministe… en tout cas, c’est pas sans intérêt. – Ysengrimus]
Freluquet du Dimanche said
Vous savez la machine à laver a fait bien plus pour la cause des femmes que Simone de Beauvoir…
[La pilule anticonceptionnelle, la voiture compacte, la seconde guerre mondiale et la tertiarisation de l’économie, aussi… Le féminisme est concrètement historique longtemps avant d’être intellectuel, absolument – Ysengrimus]