Le Carnet d'Ysengrimus

Ysengrimus le loup grogne sur le monde. Il faut refaire la vie et un jour viendra…

  • Paul Laurendeau

  • Intendance

Amir Khadir, l’espoir de mon enfant…

Posted by Ysengrimus sur 14 décembre 2008

Amir Khadir

Soirée des élections québécoises. Je suis devant le téléviseur en compagnie de mon fils de quinze ans, le bien nommé Reinardus-le-goupil. À cet âge, dans une conjoncture brutale comme la nôtre, la conscience sociale émerge déjà solidement mais… une soirée électorale se regarde quand même encore avant tout comme une joute de quilles ou de billard ou… une sorte de jeu vidéo, avec des comptes chiffrés, des gains, des pertes, une victoire à graduellement obtenir. La description de ces blêmes belligérants quasi-interchangeables ne fait pas sauter mon fils d’enthousiasme.

ADQ, parti démagogue, rétrograde, bien à droite, girouette, incohérent, flagorneur, arriviste, xénophobe, sorte d’équivalent québécois populiste et mollement francophiliaque des Conservateurs. PLQ, parti de droite-droite-droite, ronron, journalier, gestionnaire des affaires de conciergerie courantes, suppôt du libéralisme (comme son nom l’indique), bien engoncé dans la magouille politicienne et les combines des traditions électorales québécoises les plus fétides, intendant bonhomme et pro-capi du pouvoir (il gagnera une courte majorité parlementaire, dans cette élection). PQ, parti nationaleux (au nationalisme de plus en plus dépité, larmoyant et opportunistement épisodique), centre-droite, à la fois planificateur et affairiste, promoteur convulsionnaire de Québec Inc, insidieusement et semi-inconsciemment crypto-xéno, et dont la consolation minimale serait de faire élire la première femme Première Ministre du Québec (il formera l’opposition officielle, dans cette élection). Ajoutons toujours les Verts, parti blême, olivâtre, sans base ni assise, à cause circonscrite, négligeant tout programme global et qui, comme partout où les Verts verdissent, finissent en serviteurs bien intentionnés des suppôts les plus socialement et écologiquement toxiques du spectre politique.

Notant au passage que le Québec assure, ouvertement et sans façon, l’intendance de sa soirée électorale comme un véritable pays à part entière, mon fils trouve le tout de la chose passablement plus chiant et moins marrant que l’élection d’Obama, quelques semaines plus tôt, où on avait tous bu du petit lait en famille, comme des millions de gens à travers le monde. Torontois, nous ne votons pas dans cette élection provinciale (nous habitons une autre province canadienne que le Québec) et nous risquons de devoir combattre, les paupières lourdes, un ennui ferme mais… mais… c’est alors que le peu de sel de la soirée s’est manifesté:

Logo_Québec_solidaire

Mon fils: C’est quoi le parti du rond orange avec un bonhomme penché les bras ouverts dans le bas?
Moi: C’est Québec Solidaire. Un conglomérat de différents partis et mouvements de gauche et populaires initialement réunis sous deux parapluies, l’Union des Forces Progressistes et le mouvement Option Citoyenne, et qui se sont ensuite fusionnés en un parti politique unique. C’est, en ce moment, un parti qui se donne comme écologiste, féministe, altermondialiste et, quoique plus mollement, anti-capitaliste. Tu peux considérer que ce sont plus ou moins des socialistes. Ce parti a une particularité inédite, d’ailleurs. Il a deux chefs, un homme et une femme.
Mon fils: Cool. C’est la gauche donc.
Moi: En quelque sorte.
Mon fils: Tu n’as pas l’air complètement certain…
Moi: C’est qu’au moment de l’union des deux principaux mouvements le constituant, un des mouvements faisait la promotion de la souveraineté nationale du Québec, l’autre ne se prononçait pas sur la question. En s’unissant et en fusionnant leurs programmes, ils ont dû trancher cette question et ont décidé qu’ils étaient un parti souverainiste, comme le PQ, donc. Je trouverais personnellement plus cohérent, dans une perspective se voulant socialiste et altermondialiste, donc quand même fondamentalement internationaliste, de fermement renvoyer les fédérastes et les nationaleux dos à dos et d’éviter de s’enliser dans leurs débats stériles. Ce nouveau parti ne le fait pas complètement et j’y vois une faiblesse, une déviation bourgeoise, comme on disait dans le temps.
Mon fils: Nationalisme + Socialisme, risquant de virer à national-socialisme, c’est ça?…
Moi: Tu formules l’affaire en termes trop crus et caricaturaux, mais c’est en partie l’idée, oui. Le nationalisme, fondamentalement, n’est pas une valeur de gauche. Cette faiblesse de leur programme, à visée électoraliste, en fait (ils veulent ratisser la frange gauche du PQ) va leur nuire, éventuellement.
Mon fils: Bon, bon. Mais, pour le moment, c’est ce qu’on a de plus à gauche, ici.
Moi: Indubitablement, oui.
Mon fils: Très bien. Et tu as vu? Ils ont deux candidats en avance.
Moi: Oui, c’est probablement Madame David et Monsieur Khadir, les chefs des deux formations initiales.
Mon fils: Et ils se présentent où, ces deux socialistes?
Moi: Oh certainement dans deux de ces circonscriptions progressistes et gauchisantes du centre-ville de Montréal. Tu sais, si Québec Solidaire envoyait des députés à l’Assemblée Nationale, ce serait un petit événement historique.
Mon fils: Pourquoi? Ils ne seraient que deux…
Moi: Quand même… ils se lèveraient à la période de question et gueuleraient au gros Patapouf que ses politiques néolibérales de gestionnaire ruiné ne valent plus rien. Ils le brasseraient pas pour rire.
Mon fils: Cool…

C’est scellé. Reinardus-le-goupil vient de choisir son espoir de la soirée: Québec Solidaire. Il va compter pour eux ou prendre pour eux, comme on dit dans le jargon des joutes sportives. Il faut qu’ils fassent rentrer des députés, même si c’est en petit nombre. On connaît la suite de l’histoire. Madame David est malheureusement défaite par je ne sais qui et Monsieur Khadir l’emporte dans son comté de Mercier. Au moment de son petit discours, impromptu, vibrant et poignant, il cite des paroles de chanson à contenu social du chanteur Claude Dubois. Quelque chose comme ceci:

Mais autour d’eux il y aura plus petit et plus grand
Des hommes [Amir Khadir dit ici: et j’ajouterais, des femmes] semblables en dedans
Comme un million de gens
Qui pourraient se rassembler
Pour être beaucoup moins exploités
Et beaucoup plus communiquer…

Suave. Unique. Touchant. Enfin des références au corpus des artistes socialisants du Québec, qui est vaste, inspiré, et trop enterré sous la fadaise creuse depuis des années. Sorte d’Obama microscopique, Monsieur Khadir régurgite alors, en rythme, son credo social, sous les viva! de ses partisans en larmes. Quand ceux-ci l’applaudissent, il les applaudit aussi, en retour. Il dit aussi que la souveraineté, c’est quelque chose de global et d’intérieur, ou quelque chose dans le genre, je cite de mémoire (enfin cela se ramène à: noyons un peu le petit poisson des chenaux nationaliste, il en sortira toujours quelque chose à gauche). En contemplant cet homme nouveau, doux, raffiné, humain, charmant, planétaire, cette Chandelle de Mercier, je me suis inévitablement souvenu de quand j’avais les quinze ans de mon fils, mon enfant, mon amour, mon avenir. C’était en 1973. Une poignée flamboyante de péquistes en bois franc pétaradaient alors dans le poêle, à l’Assemblée Nationale, contre le libéral putride Bourassa. C’était trois ans avant que le PQ de René Lévesque ne prenne le pouvoir… et seulement quelques années avant qu’il ne se fasse botter hors de l’Internationale Socialiste pour dérive droitière…

Essayez de ne pas vous faire récupérer trop vite par la petite politique politicienne de merde, Monsieur Amir Khadir, député provincial solidariste du comté de Mercier (et ex-candidat, au fédéral, pour le Bloc Québécois, parti centriste nationaliste – pas un bon point pour vous, ça…). Si je vous en parle comme ça, entre nous, c’est que, à vous tout seul, bon an mal an… vous êtes l’espoir de mon enfant…

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Paru aussi (en version modifiée) dans Les 7 du Québec

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50 Réponses to “Amir Khadir, l’espoir de mon enfant…”

  1. pierforest said

    Amusant ces discussions avec votre fils. J’appelle ça de la propagande familiale. loll. Surtout avec un ado (je présume), le discours de celui qui sort du moule et qui va foutre la merde est sûrement populaire. Pour ma part, j’ai fait ma propagande différemment et on a tous voté pour le PQ, malgré Pauline.

  2. Tourelou said

    Merci de partager ce moment fort ‘solidaire’ avec votre fils. Un exemple que bien des pères devraient suivre. Si Mario Dumont, chef de l’ADQ, s’est déjà retrouvé seul en chambre en 1994, il ne faudrait pas se surprendre de voir la multiplication des bonhommes oranges dans quatre ans. D’ici là, éduquons nos jeunes loups à une société participative, dans l’action. La ténacité ça ne se développe pas pendant qu’on rêve à la fée des étoiles. M. Khadir devra chanter maintenant: Si on s’y mettait… (Jean-Pierre Ferland).

  3. Khadir n’a jamais été un député du Bloc. Il a été un candidat du Bloc battu en 2000 par un libéral dans le comté d’Outremont.

    Vous êtes vous aussi en train de vous faire avoir par Barack Osama.

    Je vois d’un bon oeil l’élection de Khadir. Québec Solidaire devra montrer son vrai visage coercitif étatiste.

    Vous devriez aussi expliquer à votre fils les nombreuses dérives du canadian nationalism, ce nationalisme qui fait en sorte que le Cacanada est une fédération centralisée et que son armée est une armée d’agression.

  4. Je propose un débat entre les anarchistes et les solidaires:

    Lançons le débat Anarchistes vs Solidaires!

  5. rampa said

    Merci de votre visite sur mon humble blog !

    Monsieur Khadir est un espoir, et comme tout espoir, il doit confirmer, avec le risque de l’infirmer. Seul le temps nous le dira… C’est la même chose que pour Obama, même si je crains vraiment que nous ne soyons déçus ! On verra…

    En ce qui concerne le nationalisme que vous rangez à droite, je me dois de préciser qu’il n’en a pas toujorus été ainsi. En tout cas chez nous (môdit français que je suis !), il a été une valeur fondamentale de gauche avant de glisser à droite. Il a été de gauche en tant que consitutif de la « Nation » française contre des États dans l’État (visés : l’Églie catholique, les royalistes, etc…). Notre République de la fin du XIXe siècle, tendance centre-gauche s’est construite là dessus. Bon, le XXe l’a fait glisser à droite et il l’est toujours…

    Je n’arrive pas à me prononcer sur la nature du nationalisme québécois. J’ai des amis qui sont très indépendentistes, mais ne m’ont jamais convaincu… Je crois qu’il y a beaucoup de choses que je ne comprend pas sur le problème ! Mais, a priori, je crains les forces centripèdes. Je suis peut être naïf (sûrement, d’ailleurs), mais il m’a toujorus semblé que le dialogue et les arrangements permettent de plus grandes avancées qu’un clash. Je ne sais pas, par exemple, quel serait l’avenir d’un Québec indépendant entouré d’un Canada et d’États-Unis hostiles… Vaste débat !

  6. ysengrimus said

    C’est que c’est un nationalisme de pays occupé (depuis 1760, un bail…), dépendant. On a déjà dit un indépendantisme, ce qui est, dans un sens, plus historiquement précis. Il intègre donc un fort élément libérateur, nationalement émancipateur, illusoire en fait. Franchement, ramper sous la bourgeoisie de chez nous ou sous la bourgeoisie de celui que le poète Félix Leclerc appelait le gros voisin d’en face, quelle différence sociale fondamentale? Aucune. Comprendre cela ré-introduira un internationalisme dont le Québec a bien besoin dans sa culture politique. Un jour viendra…

  7. Ok, on s’entend sur une chose! Nous trouvons le PCul et QS trop nationaleux.

  8. Boubou said

    Bonne description des différents partis, je partage la majorité de vos idées.

    Par contre, j’attendrais de voir le futur avant de me prononcer sur Québec solidaire. Pour l’instant, ce parti à mes yeux fait figure de pitre, n’étant pas sérieux (ce ne sont pas des chefs, mais des «portes-paroles» et en plus ils sont deux… Ça va être beau si ce parti est au pouvoir!) et une banale réplique du PQ mais, peut-être, en plus «gauchiste» et/ou extremiste.

    Enfin, ce n’est que mon opinion…

    Mais ça apportera certe un vent de renouveau et de fraîcheur, chose qui manquait cruellement à l’Assemblée Nationale (et à la chambre des communes également, encore une fois, opinion bien personnelle)

    Bonne journée!

  9. ysengrimus said

    Deux portes-paroles, pourquoi pas. Ce n’est pas plus « pitre » qu’autre chose. Il faut surtout voir les détails du programme et leur application… Mais, pour tout dire, j’aime autant notre horizon politique avec cette formation que sans…

  10. C’est joliment écrit et fort instructif pour un Français: ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de recueillir le point de vue d’un francophone du reste du Canada sur la politique québécoise!

    En tant que Français donc, je ne me positionne pas sur le clivage souverainisme/fédéralisme mais je m’interroge: si l’on superpose les deux clivages, l’autre étant le droite/gauche, on s’aperçoit qu’il n’existe pas sur la scène politique québécoise de parti fédéraliste de gauche ni, au fond, de parti souverainiste vraiment à droite (qui risquerait de s’apparenter à l’extrême-droite, les dérapages sont vite arrivés…). Comment faites-vous, Québécois fédéralistes de gauche et nationalistes de droite?

    En tant que Français toujours, et donc qu’Européen, je suis quand même bien content, malgré un tropisme libéral lié en partie au rapport de forces, en partie à l’incapacité des sociaux-démocrates à dépasser le cadre national quand ils exercent le pouvoir, qu’existe l’Union Européenne et suis très favorable à une plus grande intégration politique.

    Ce ne saurait être la solution en Amérique du Nord, du fait de la prééminence extrême des Etats-Unis qui déséquilibrerait tout édifice de ce type et ferait des provinces canadiennes de petits Etats fédérés, mais à l’échelle de l’Amérique tout entière ou dans le cadre qui vous plaira, c’est quand même un « beau risque » que cette construction d’un espace de liberté continental, je le vis quotidiennement en tant que résidant d’une région frontalière si jolie qui se nomme Alsace.

  11. ysengrimus said

    Parti fédéraste de centre-gauche: le NPD-Québec (branche québécoise du NPD/NDP fédéral – il vivote, certes, mais n’a pas joint la coalition des gauches de Québec Solidaire).

    Parti nationaleux de droite: l’ADQ (avec sa « vision autonomiste », il mobilise de vieilles compulsions nationalistes et régionalistes qui remontent aux temps brunâtres du créditisme et du duplessisme – il vient de se casser la gueule dans cette élection).

    Les tendances que vous mentionnez sont faiblardes mais elles existent bel et bien. Sur la gauche, pas grand chose au pouvoir, naturellement, conjoncture continentale oblige. Sur la droite, eh bien, l’homme politique, provinciaste ou fédéraste, ayant été au pouvoir le plus longtemps de toute l’histoire canadienne fut Maurice LeNoblet Duplessis (1890-1959), le petit Salazar du Québec. C’était un nationaliste de droite tonitruant (son parti s’appellait pesamment l’Union Nationale – au pouvoir entre 1936 et 1959 avec une courte interruption pendant la guerre), un tribun réactionnaire virulent, dont l’héritage, poisseux et rampant, est aussi prégnant au Québec que celui de Peron en Argentine.

    Prudence avec le nationalisme local, donc…

  12. Daniel Ducharme said

    Beau texte politique dans un contexte familial. C’est plutôt rare… Je partage toutes vos opinions sur le nationalisme québécois, même s’il a bercé ma jeunesse jusqu’en 1980. Continuer à militer pour un Québec indépendant, aujourd’hui, revient à glisser irrémédiablement vers une droite qui, sous couvert de promotion de la langue, peut déraper en mépris pour les étrangers. Le Québécois ont tué l’espoir de faire un pays en cessant de se reproduire. Et un pays ne sert plus à rien: il y a bien assez de frontières comme ça.

  13. ysengrimus said

    Dans le mille sur le nationalisme, Daniel. Méditons ensemble votre sagesse.

    Un seul bémol: les québécois continuent de se reproduire par l’immigration, ce qui est amplement aussi bon…

  14. Daniel Ducharme said

    C’est justement pour cela, mon cher Paul, que j’écrivais que le nationalisme, après 1980, ne peut conduire qu’à mépriser les étrangers qui entrent au Québec à raison de 50 000 individus par année. Les Québécois vivent comme si de rien n’était, continuant à faire des téléromans qui ne mettent en scène que des blancs francophones, comme s’ils ne vivaient pas eux-mêmes dans ce pays. Juste à Montréal, il y a plus de Congolais que d’habitants dans une ville moyenne comme Granby. Le nationalisme est un cancer qui doit être soigné à temps (donc, après le référendum de mai 1980), sinon il peut conduire à une dérive… comme l’a démontré la Commission d’enquête sur les accommodements raisonnables.

  15. « j’aime autant notre horizon politique avec cette formation que sans… »

    Pas si le prix est d’échouer encore une fois dans la réalisation de la séparation du Québec.

  16. « Prudence avec le nationalisme local, donc… »

    J’ai bien plus peur du canadian nationalism, ce nationalisme qui fait en sorte que le Cacanada est une fédération centralisée au détriment des communautés locales et que son armée soit une armée d’agression.

  17. Yvan said

    La perception du nationalisme Québécois, frileux et replié ne correspond pas à celui que j’observe et qui se communique autour de moi. Ma compréhension du nationalisme d’ici me fait découvrir une vision généreuse,inclusive et porteuse d’espoir pour le Québec; il est solidaire.

    Pour réintroduire l’internationalisme que vous mentionnez ne faudrait-il pas d’abord que le Québec soit un pays? Ce qui lui permettrait d’affirmer sa différence et d’apporter sa contribution sans être soumis au filtre « canadien ».

    Le bon voisinage, l’interdépendance ne s’opposent pas au projet de pays; faire ses lois sur son territoire, prélever ses impôts et conclure des ententes avec ses voisins sur des sujets d’intérêts communs et mutuellement avantageux! Ces éléments constituent, il me semble, des bases pour une relation respectueuse et harmonieuse.

    • ysengrimus said

      L’internationalisme est une lente et patiente transition vers la disparition des pays et on y oeuvrerait en érigeant un pays de plus? Il y a là un problème de principe théorique dont Hérouxville fut un des nombreux symptômes pratiques. Je ne m’oppose pas aux nationaleux de ci ou aux fédérastes de là. Je m’oppose en bloc au tout du débat national. Je m’oppose au débat monopolisant et usant l’action politique fédérastes versus nationaleux. Le débat national me parait aussi fondamentalement stérile que le débat constitutionnel. Je suis aussi suprêmement écoeuré de me faire dire, en me faisant enfermer dans la plus malhonnête des logiques binaires (justement la logique que je cherche à briser): « Tu n’es pas avec moi, c’est que tu es avec l’autre. Tu n’es pas nationaleux, cela fait implicitement de toi un sale fédéraste – ou vice-versa». Fédéraste/nationaleux, Mario Dumont (chef de l’ADQ) aurait voulu être les deux. Moi, je suis aucun des deux. Moi, je suis planétaire. Les débats de pays sont des débats de bourgeois. Un jour, les pays seront aussi folkloriques que les lieux dits, les villages, les rivières, les monuments, les clochers…

      Pensez-y dans cet angle nouveau. Affranchissez-vous du cadre national. Ce qui fait l’ouverture et le modernisme des Québécois, ce n’est pas leur illusoire pays futur, c’est leur absence de pays actuelle et bien effective. Celle-ci fait d’eux des internationalistes de facto, moins étroits, plus sereins, ouverts, sans cocarde, sans monarque, forcés au futurisme socio-politique par l’accident historique de leur conquête révolue et par la puissance utopique objective du non-national…

  18. misspotin said

    Très beau texte en effet!

    je ne dirais pas qu’Amir Khadir, à lui seul, serait l’espoir de tout le Québec, mais il représente très bien cette lueur d’espoir de changement dans cette joute politique trop longtemps traditionnelle et bipartite…

    😉

  19. pierforest said

    Si je comprends bien, le premier pas vers cette internationalisation planétaire serait alors de laisser tomber nos frontières, nos barrières, nos lois, notre réglementation, notre monnaie et s’annexer aux États-Unis. Parce que dans un gouvernement planétaire, ce sera toujours le plus gros joueur qui orientera la majorité des décisions ou qui les empêchera.

    On pourrait peut-être s’annexer à la Chine aussi…

  20. ysengrimus said

    Vous savez, quand on dit que le nationalisme est une affaire de bourgeois, ce n’est pas une insulte gratuite de langue de bois. C’est une analyse. Votre observation ici ne fonctionne que tant qu’on embrasse et assume la prémisse oppressive qui s’impose à nous aujourd’hui sous nos régimes: celle de rapports de forces entre des groupes financiers oligarchiques, élitaires, et numériquement minoritaires, utilisant l’enveloppe nationale comme instrument maximalisant leur force de frappe impérialiste. Or, classiquement, l’internationalisme, c’est simplement que le citoyen qui aspire à ce qu’on cesse de lui polluer son eau et d’envoyer ses enfants à la guerre est tributaire d’un objectif commun, universel, qu’il soit de Tokyo, de Pékin, de Wichita ou de Saint Tite des Caps… Parler de s’annexer aux États-Unis, puis à la Chine, c’est continuer de s’articuler dans la logique victoire/défaite, nation contre nation, logique dont l’internationalisme fait justement le procès décisif, corrosif. Il ne faut pas confondre reddition d’une nation et rejet collectif et global de la problématique des nations. Une femme voulant nourrir son enfant, un malade voulant guérir, un homme aspirant à l’abolition de la course aux armement n’ont pas de nation. Tous ceux et toutes celles tributaires de ces objectifs se rejoignent en ce monde, par delà les nations. Il ne faut pas perdre ou gagner la bataille des nations, il faut la dissoudre et la faire tomber en obsolescence.

  21. Tourelou said

    Mes souhaits vont aussi vers un mondialisme heureux. Tout en restant réaliste que cette dernière élection provinciale avec un si faible taux de participation nous confirme que les Québécois et Québécoises sont loin d’avoir cette volonté à passer à l’action. Le chemin vers l’internationalisme s’ouvre avec un ‘cri du peuple’ et ni même un murmure ne s’est fait entendre cette fois-ci, contrairement aux années 80 où même le général de Gaulle nous avait tendu la main et que la foule se soulevait. Nous pouvions au moins ressentir l’engagement collectif. Lu dernièrement, ‘après la grande noirceur, nous revoilà à l’âge des ténèbres’ quelle évolution…n’est-ce pas!? Les Québécois avancent en arrière. Mes pensées et mes actions n’iront pas dans ce sens, et j’espère toujours qu’un jour viendra… comme le dit si bien la citation de votre carnet. Et fort tristement en attendant nos enfants reviennent pieds devant à Trenton, mais avec la conviction d’avoir participer activement à gagner une cause ‘humanitaire et mondiale’.

  22. Yvan said

    La fraternité universelle souhaitée par l’internationalisme que vous préconisez s’appuie sur la disparition des nations! Je suis plutôt enclin à croire que l’atteinte de cette fraternité passe par le respect des identités individuelles et collectives. Le partage de valeurs communes ne signifie pas la perte de son identité en se fusionnant dans un grand tout informe.

    Des préoccupations immédiates, basiques requièrent que nous assurions le mieux-être de notre famille, de nos proches. Ces préoccupations commandent que nous mettions en commun des ressources. Cette mise en commun implique que nous nous dotions d’instruments permettant d’atteindre les objectifs que nous nous fixons; dans ce but, il importe de dégager des consensus. La réalité de notre environnement physique impose ses contraintes. Ceci module les approches et les interventions pour satisfaire les besoins fondamentaux. La nation devient l’extension de notre famille; des êtres différents partageant une histoire, une langue, une culture façonnées par les lieux que nous habitons et que nous reconnaissons comme notre pays! La satisfaction de ces besoins ne constitue pas la négation de la fraternité universelle; au contraire elle doit s’appuyer sur ces valeurs communes afin de permettre le plein épanouissement de ses membres.

  23. ysengrimus said

    Vous exemplifiez le type de nationalisme fraternisant rantanplan que Québec Solidaire cherche certainement à articuler au sein de sa doctrine sociale. Une forme élégante et réformiste de recyclage du type de statut quo politico-social dont le PQ a fait son sel pour une génération, avant de cramper dans l’affairisme anti-syndical et la crypto-xénophobie. Il faudrait pourtant avoir un peu appris de cette errance.

    Pensez-y froidement. L’idée de nation est aussi surfaite et non-opératoire dans un projet collectif effectivement progressiste que l’idée de religion. Communauté nationale, communauté religieuse, même salade fétide, même germes de déviations ethnocentristes. Cela na fait pas des laïcs et des athées un « grand tout informe »… Il s’en faut de beaucoup…

  24. Yvan said

    L’idéal véhiculé par une formation politique ne diminue en rien les avancées que le peuple a connu sous l’impulsion de d’autres formations politiques qui ont dirigé le Québec.

    C’est un beau clin d’oeil à l’histoire que de voir M. Khadir député de Mercier. Honoré Mercier, fils de patriote et fondateur du Parti National, un des pères du nationalisme Québecois. Malgré les coups fourrés du gouvernement fédéral, Mercier a su mettre les bases appropriées pour favoriser le développement économique, culturel et le redresssement du domaine de l’éducation. Il a, entre autres, discipliné les grandes multinationales qui dévastaient nos forêts et mis en place un programme de formation professionnelle échappant à l’emprise du clergé. La longue marche des peuples emprunte la voie du nationalisme; celui-ci peut être dénaturé par des dirigeants rétrogrades, mais il peut aussi être utilisé pour aider au progrès d’un peuple, contribuer positivement au mieux-être des personnes.

  25. ysengrimus said

    Oui, bon, comme un peu n’importe quoi… La question qui compte ici est: le nationalisme est-il un élément progressiste ou régressant, au jour d’aujourd’hui, dans le monde multilatéral d’aujourd’hui. Poser la question, ma foi, c’est y répondre…

    Sans compter le temps qu’il fait perdre… surtout au Québec…

  26. Évidemment, vous sous-estimez le nationalism canadian, ce nationalisme qui fait en sorte que le Cacanada est une fédération centralisée au détriment des communautés locales et que son armée soit une armée d’agression. Vous vomissez encore l’amalgame fallacieux de l’équation séparatisme=nationalisme!

    Ça dérape de plus en plus! Même les autres sympatisants de Québec Solidaire ne divaguent pas autant.

  27. Vous êtes aussi une andouille politiquement parlant que je suis une andouille littérairement parlant. Pathétique!

  28. Yvan said

    Les enjeux sont multiples, au jour d’aujourd’hui, le nationalisme est un phare pour la société québécoise, il englobe les vecteurs de notre évolution comme peuple et favorise notre ouverture sur le monde. On peut perdre du temps à le nier, ou simplement l’intégrer pour mieux répondre à nos besoins.

    Dans le dernier siècle, au global il a favorisé l’amélioration de notre qualité de vie. La nationalisation de l’électricité a aidé à l’éclosion de l’ingénierie québecoise, au même moment il y a eu un foisonnement culturel qui a participé à l’enrichissement de l’identité; la création de cette richesse a permis le développement de programmes sociaux fantastiques, l’assurance-maladie, l’assurance-automobile, l’assurance-médicament! Des leviers économiques puissants tels que la caisse de dépôt ou le mouvement coopératif ont vu le jour et accompagné le Québec dans son développement.

    Pour faire face à l’ensemble des défis dans le monde multilatéral d’aujourd’hui, heureusement que nous avons ces outils. Certains nécessiteront des ajustements, des réalignements mais ensemble ils continueront d’aider le Québec à prospérer malgré les turbulences et les situations explosives où nous ont conduits les politiques débridées des grandes puissances.

    Disposer de la maïtrise de tous ses leviers augmenteraient la capacité d’intervenir du Québec. C’est mon voeu pour le Québec. Je veux croire que nous vivons dans un état de droit ou la démocratie est respectée, j’accepte ainsi de me plier aux règles de nos institutions démocratiques.

    Du même souffle, je crois qu’il faut prendre garde aux propos méprisant, aux insultes et aux injures. Nous sommes peu nombreux et nous avons besoin les uns des autres. Plusieurs de mes amis sont des fédéralistes sincères. Je ne partage pas leurs idées, mais nous partageons des valeurs communes et nous affrontons la même réalité quotidienne. Nos enfants et petits-enfants se cotoyent dans les mêmes bibliothèques, écoles et arénas. Nous voulons qu’ils soient bien préparés pour être de meilleurs citoyens.

    Le nationalisme tel qu’il s’est développé au Québec, comprend un ensemble de valeurs qui en fait un élément progressiste.

  29. De plus, on peut très bien être séparatiste sans être nationaleux

  30. ysengrimus said

    L’un chante l’hymne des acquis bourgeois du nationalisme québécois, l’autre me traite de fédéraste, d’andouille politique et parle de séparatisme (en niant qu’il s’agisse encore là d’un acte de lutte nationale).

    Il semble bien que mon problème avec le nationalisme se complète d’un problème avec la surdité.

    Un jour viendra (mais pas aujourd’hui, d’évidence)…

  31. Comme si le nationalism canadian n’était pas encore plus grave. La séparation n’est pas plus nationaleuse que le statu quo fédéraleux.

    J’appuie la séparation du Québec simplement parce qu’il s’agit d’une étape de transition obligatoire vers l’anarchie.

  32. pierforest said

    La nation, c’est ce qui concrétise le « nous » et le nationalisme, c’est de vouloir préserver cette spécificité.

    Le Nous des Québécois est différent de celui des Canadiens, lequel est différent de celui des Américains, de celui des Français, des Kabyles ou des Russes. Ce « nous » se construit d’abord sur des frontières subjectives qui deviennent plus solides quand il est confronté à un autre « nous », suffisamment différent pour que les deux ne puisse coexister sur un même territoire, avec un seul Gouvernement et des lois communes. Dans ce contexte, soit le « nous » des uns est imposé aux autres par la force, soit on dilue le concept du « nous » pour le rendre aussi frustrant pour les uns que pour les autres, soit de guerre lasse, on établit une frontière physique entre les deux territoires, laissant chaque société vivre son « nous » comme elle l’entend.

    Si les Canadiens de l’ouest, par exemple, préfèrent des lois plus restrictives pour les mineurs délinquants, veulent avoir le droit d’être armés sans que le Gouvernement ne le sache, s’ils veulent ramener la peine de mort, interdire l’avortement, « Let it be ». Pourquoi l’empêcher? Pourquoi juger que ces valeurs sont moins valables que les miennes. Au nom de quel concept devrions-nous créer un « nous » si dilué que le Canadien moyen ne représente finalement qu’une moyenne mathématique?

    Les unions se font sur le partage de valeurs communes et se défont face à l’inconciliable. Dans un monde idéal et sans conflit, tous auraient les mêmes valeurs, les mêmes croyances, parleraient la même langue et auraient les mêmes chances économiques. C’est une utopie. Dans la réalité sans frontières, les minorités nationales sont toujours opprimées par le Gouvernement qui bâtit ses lois et ses règles de société pour satisfaire la majorité. Pensez au sort des Kurdes, cette nation qui fut éparpillée après la première guerre mondiale et qui n’est plus qu’une minorité opprimée partout ou elle existe encore. Pourquoi ne pas les laisser avoir leur pays, leur « nous »? Pensez aux Kabyles qui forment un peuple distinct, alors qu’on dilue leurs particularités dans le grand flou algérien.

    Les frontières, légales au sens du droit international, sont celles qui permettent, en toute souveraineté, de bâtir une société qui aura un « nous » aussi proche que possible des citoyens de son territoire et dont les minorités auront aussi peu de différences que possibles avec la majorité. Alors plutôt que d’éliminer les frontières, je propose de créer davantage de territoires autonomes et que l’on favorise ainsi l’expression de la diversité et la différence, exprimés à travers ces pouvoirs territoriaux. Le tout chapeauté par un gouvernement non-territorial chargé strictement de faire respecter (militairement si nécessaire) les droits de l’homme.

  33. « Je ne m’oppose pas aux nationaleux de ci ou aux fédérastes de là. Je m’oppose en bloc au tout du débat national. Je m’oppose au débat monopolisant et usant l’action politique fédérastes versus nationaleux. Le débat national me parait aussi fondamentalement stérile que le débat constitutionnel. »

    C’est justement pour mettre un terme à ce débat stérile qu’il faut réaliser la séparation du Québec!

  34. Pour compléter le propos de Pierre F, plus les gouvernements sont locaux, plus ça ressemble à une anarchie et moins ces États sont difficiles à dissoudre!

  35. ysengrimus said

    L’anarcho et le nationaleux se rejoignent dans le doux sommeil de la Fleur de Lotus de Lys…

  36. pierforest said

    « plus il y a l’anarchie et moins les états sont difficiles à dissoudre »…

    hmmm…donc

    « plus il y a l’anarchie et plus les états sont faciles à dissoudre »

    C’est un test de logique? 🙂

  37. De toute façon, Québec Solidaire n’est pas vraiment séparatiste:

    Québec Solidaire est-il vraiment séparatiste?

  38. Tout de même, Khadir m’a fait plaisir en fin de semaine!

    Lancer de la chaussure: bravo Amir Khadir!

  39. Abolissons la loi sur les heures d’ouverture des commerces!

    Abolissons la loi sur les heures d’ouverture!

  40. Ysengrimus said

    Abolissons les nations…

  41. Darwin said

    «On peut très bien être séparatiste sans être nationaleux»

    Je ne l’aurais pas dit ainsi, mais je suis tout à fait d’accord! Le Canada n’est qu’un intermédiaire inutile entre le Québec et l’international.

  42. Coccinelle écolo said

    Je n’arrive pas à croire que j’ai manqué cet article! Amir Khadir était aussi mon espoir le 8 décembre 2008. Je dis était, mais il l’est toujours! Vos spéculations sur son travail en chambre se sont avérées plutôt exactes et je dois dire que j’ai moi aussi fait le parallèle avec le PQ lors d’un débordement d’espoir passager.

    C’était comme si tout d’un coup, le temps d’une élection, j’avais perdu une partie de mon cynisme politique. J’étais à un cheveu de croire que j’avais voté pour lui. (Je ne suis pas dans sa circonscription) Je n’ai pas le câble mais ce que j’ai pu glaner de son travail en chambre sur internet me redonnait de l’espoir à chaque fois.

    Je suis plutôt d’accord avec vous concernant la souveraineté et c’est essentiellement la seule chose que je n’aime pas de leur programme mais cela n’est pas assez pour m’empêcher de voter pour eux. Loin de là! Faux dire que je suis loin d’être fédéraliste et que j’en ai ras-le-bol de Harper et de la guerre et de ci et ce ça…

    [Espoir donc – Ysengrimus]

  43. Si je vote pour QS cette fois-ci, c’est pour foutre le bordel dans tout le système de me*** Ce n’est qu’un premier pas et je verrai plus tard (si je suis encore là) ce qu’il y aura à faire.

    [J’ai voté (par anticipation) pour QS en cultivant exactement le même conception. C’est ce qu’on appelle le Situationnisme patapoliticiste… – Ysengrimus]

  44. Gilles H. said

    Bonjour, Quelle est la différence majeure entre 1973 et 2008…? : L’accessibilité de l’information sur le web. Ceux ou celles qui ne comprennent pas le fonctionnement de notre monde CHOISISSENT de ‘se mettre la tête dans le sable’ et de regarder passer la caravane. Eux et ceux qui véhiculent encore des idéologies apprises dans des ouvrages passés date – publiés à l’origine comme la bible dans le but de les priver de leur libre arbitre – ont ABSOLUMENT besoin de prendre du recul et de ré-évaluer OBJECTIVEMENT leur vision du monde. Je ne peux pas croire que notre destin sera déterminé par des petits robots programmables.

    [Il ne faut pas seulement se documenter. Il faut aussi faire l’analyse. Et en parler avec nos enfants, surtout quand les grandes questions se posent en se formulant à travers eux… – Ysengrimus]

    • Carolle Anne Dessureault said

      @Paul Laurendeau

      J’ai beaucoup aimé votre article, cher Paul. Très touchants les mots qui jaillissent de votre coeur pour votre fils, mon enfant, mon amour, mon espoir. Ça ressemble à un pays !

      Des racines fortes.

      Carolle Anne

      • Ysengrimus said

        Pays du fond de moi
        Sache que je te suis fidèle
        Et que la planète est fragile
        Autour de toi…

        (Vigneault)

      • Carolle Anne Dessureault said

        Des paroles de cœur, de bon sens et d’humanité. Merci de me les partager.

        Carolle Anne Dessureault

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