De la diglossie dans les chaumières montréalaises
Posted by Ysengrimus sur 29 avril 2008

Paix, Amour, Bilinguisme et Diglossie
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Les histoires de ci-devant baisse du français à Montréal rejoignent une statistique qui circule depuis plusieurs années dans les coins: le nombre de non-francophones-et-non-anglophones augmente six fois plus vite que le nombre de locuteurs d’une des deux langues officielles dans la grande région montréalaise. Bon, bon, si on retire les facteurs en creux (ne pas se procréer et partir pour Repentigny) qui révéleraient un manque de francophones de souche en ville, il reste un seul facteur en plein: l’immigration internationale. L’immigration internationale est par définition linguistiquement hétérogène. Elle fournit ce qu’on appelle dans notre doux jargon sociologique local les allophones, ceux qui parlent une langue “autre” (que les deux langues officielles du Canada). En procédant de la bonne façon et avec le respect requis, des politiques de planification linguistique adéquates peuvent tout à fait amener les allophones aux langues diverses, éparses, sans communication mutuelle directe à embrasser le français comme langue véhiculaire “de la nation”. Le défi est là et il est là depuis au moins cinquante ans. L’augmentation de l’immigration internationale au Québec est en fait un atout, en ce sens que le français ne fait plus face à une autre puissante langue unique (l’anglais qui, avec le profond discrédit US n’a, en plus, plus le prestige qu’il avait aux yeux de nos nouveaux compatriotes) mais à une multiplicité et une diversité de langues communautaires et familliales qui rend un français, langue seconde du segment allophone de la collectivité, beaucoup plus vendable. Si évidemment on évite de faire du charriage, du barouettage et de la petite politique minable (d’un bord ou de l’autre) avec ce délicat problème sociétal de fond. Ainsi on notera, par exemple, que le fait d’avoir concentré les plus récentes recherches démographiques sur la langue du cercle intime peut s’avérer fort trompeur et inutilement paniquant.
Les sociolinguistes nomment DIGLOSSIE l’aptitude qu’ont certaines cultures polyglottes à maintenir une étanchéité complète entre la langue parlée dans un cercle et la langue parlée dans un autre cercle. Plusieurs de nos compatriotes du monde viennent de cultures très profondément diglossiques. Cela fera d’eux des promoteurs naturels de leur langue vernaculaire dans la sphère privée et du français dans la sphère publique. Fait intéressant, j’en jasait justement l’autre jour avec mon barbier montréalais, un italien charmant qui tient échoppe de barbier depuis 1968 et qui ne parle pas l’anglais. Il m’expliquait que la propension linguistique des italo-canadiens du Québec et celle de ceux du reste de l’Amérique du Nord était fort distincte. Les italiens de Montréal tendent à parler italien (ou le dialecte de leur région italienne d’origine) dans le cercle familial et français à la ville. Les italiens de Toronto et du reste de l’Amérique du Nord tendent à parler anglais tant à la ville qu’à la maison. L’Amérique du Nord assimile tandis que le Québec promeut sa langue, tout en préservant la culture d’origine des ci-devant allophones. Cette diversité culturelle effective et cet avantage diglossique hérités historiquement sont la clef du succès de la formule québécoise. Il fallait entendre le ton dépité de mon barbier italien devant la perte de l’italien et du dialecte manifesté par sa parenté torontoise. La diglossie protège les deux groupes du danger d’assimilation, par qui que ce soi. Elle fait du soucis de préservation ethno-culturelle des québécois une priorité universelle et fort intimement comprise, chez les allophones, et fonde ainsi le noyau dur d’une solide compréhension mutuelle sur ces questions si sensibles. C’est indubitablement la formule de demain. Si tu me donnes le choix entre ça et les Flamands des Belges ou les Anglos un peu carrés de nos grands-pères, je prend le lot allophone n’importe quand. Il faut étudier cela plus attentivement, cette capacité diglossique des groupes immigrants et c’est vraiment important. Elle avantage le français comme langue collective québécoise et on n’en parle strictement jamais. Simplisme, simplisme.
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Paru aussi dans Les 7 du Québec
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Sophie Sulphure said
Original et vachement bien vu, Ysengrimus. Quoi de plus stimulant, en effet, pour un sous-groupe qu’on veut inviter à protéger la langue collective que de lui renvoyer ouvertement l’ascenseur, en protégeant sa langue de sous-groupe? Donnant donnant, quand on se compare on se comprend, et qui se ressemble s’assemble. Si vous échappez à votre génante propension à parfois singer grossièrement notre jacobinisme post-colonial obtu, vous y parviendrez. La formule diglossique est effectivement gagnante, la formule assimilatrice, elle, a fait son temps dans le monde multipolaire contemporain…
SoSo
[Vous avez très exactement pigé l’affaire, Sophie – Ysengrimus]
Le Boulé du Village said
Encore une fois, Ysengrimus, tu tires dans le mille avant tous les autres. Rgarde-moé donc c’t’excellent commentaire, en dsous d’un article du Devoir sur la question. Le gars signe immigrant:
Je suis coupable
J’écris en français, je fais mes courses en français et je travaille en français, mais étant immigrant, je parle ma langue maternelle à la maison : d’abord par patriotisme, et ensuite parce que mon grand-père ne parle aucune langue étrangère (bien qu’il essaie de lire le journal en français). D’après ce sondage, je contribue au recul du français à Montréal, mais est-ce vraiment le cas ?
[Absolument non. Vous nous prouvez justement que la diglossie sauve tout le monde de l’assimilation – Ysengrimus]
robert said
Admirable, ouvert, gracieux…
J’aime et approuve (comme-ci cela avait de l’importance!).
[Mais cela en a. Autrement nous ne serions pas ici ni vous, ni moi – Ysengrimus]
robert said
par importance, je parle de mon opinion cher Y.
😉
[Moi aussi… – Y.]
robert said
Bien compris!
robert said
Je connais un famille dite anglo qui est arrivé de Toronto il y a cinquante ans; les enfants furent envoyés à l’école catholique francophone parce que l’école anglo était protestante (à l’époque, c’était important, surtout pour des irlandais). Tous parlent un français sans accent. En famille, ils parlent franglais, anglais et français, selon l’humeur, le sujet, l’alcool…
En ville, ils parlent français, travaillaient en français… Je dis bien au passé… La plupart ont quitté le Québec parce qu’ils se faisaient rappeler constamment qu’ils sont anglo après tout, pas des québécois. Ils n’étaient pas des citoyens à part entière. Et on va me dire que le Québec est une terre d’accueil?
Le tribalisme m’énerve! La race pure m’énerve encore plus! L’univers est de plus en plus anglo. Vive le français en Amérique. Mais la réalité est autour de nous et ce n’est pas la faute des autres canadiens ni des immigrants, ni même de nous, les suppléments québécois de souche.
Benoit said
Commentaire sans fondement et raciste. L’Irlandais est gentil le Québécois (majuscules svp) ne l’est pas?
Analyste said
Théorie intéressante, mais on ne peut s’en servir pour nier que Montréal s’anglicise. D’ailleurs, avec respect, votre illustration avec votre barbier italien démontre votre incompréhension de la situation linguistique montréalaise. En effet, vous affirmez que : « Les Italiens de Montréal tendent à parler italien (ou le dialecte de leur région italienne d’origine) dans le cercle familial et français à la ville ».
Or, la réalité en est toute autre. 80% des Montréalais d’origine italienne qui ont effectué un transfert linguistique l’ont fait au profit de l’anglais. Ceux qui continuent de parler italien à la maison parlent anglais en public, une langue qu’ils maîtrisent généralement mieux que le français. Il suffit de faire un tour dans les écoles anglophones de Saint-Léonard pour constater à quel point la population d’origine italienne (qu’elle soit de première, deuxième ou troisième génération) choisit massivement l’anglais, à tout le moins comme langue d’instruction et langue d’usage public. Alors, pour utiliser les concepts de la diglossie, il peut-être est vrai que ces immigrants italiens polyglottes parlent italien à la maison, mais leur langue d’usage public – celle qui compte vraiment – est l’anglais, non pas le français.
Pierre said
En fait 82% des Italiens du Québec ont comme langues commune au Québec l’anglais.
[Il faudrait que vous me citiez votre source pour ce chiffre – Ysengrimus]
Le fait de donner la gratuité scolaire en anglais au Québec est contre la culture québécoise. Tout cet argent pourrait améliorer nos école francophones et les rendre plus attrayantes pour les allophones. Rien contre les école anglaises mais paye de tes poches comme le font les francophone qui vivent à Londres UK.
Denis LeHire said
Enfin un peu de bon sens sur la question linguistique…
Pierre JC Allard said
Parler la langue seconde au travail est un accommodement qui laisse intacte l’appartenance au groupe d’origine; la parler chez soi est une adhésion au groupe d’accueil qui trouve sa conclusion finale quand les parents REFUSENT à leurs enfants la communication dans leur langue d’origine. C’est ce qui s’est passé en Afrique lors de la colonisation. Processus d’intégration en deux étapes, dont la deuxième peut n’avoir jamais lieu si la volonté d’assimilation n’est pas là, laquelle dépend du rapport de force, réel ou perçu.
Les Chinois qui s’assimilent sont rarissimes. Les Latinos aux USA sont moins nombreux a le faire. La résurgence de l’arabe au Maghreb est liée a une nouvelle perception du rapport de force Islam-France. Les allophones de Toronto s’assimilent à une culture qu’ils perçoivent dominante, ceux du Québec gardent leur langue chez eux parce que le rapport de force de celle-ci français ne leur parait pas justifier ce bouleversement.
PJCA
[Rapport dominant-dominé (avec assimilation linguistique et écrasement/discrédit des langues vernaculaires) OU rapport d’égal à égal (avec diglossie et langue dominante véhiculaire à la ville). Faites vos jeux (car) les jeux sont faits… – Ysengrimus]
Carolle Anne Dessureault said
Enfin, une vision globale d’une situation complexe généralement traitée avec ambiguïté.
«L’Amérique du Nord assimile tandis que le Québec promeut sa langue, tout en préservant la culture d’origine des ci-devant allophones» : une voie saine.
Bonne journée,
Carolle Anne Dessureault
Serge Morin said
Je seconde.
Calina Casse said
Un autre point de vue que je trouve passablement plus pertinent. Désolé le texte est en anglais, mais ce fait augmente peut-être d’autant l’intérêt du point de vue de Salim Mansur
http://www.lfpress.com/news/london/2011/09/07/18653006.html
[Fadaise fasciste. Lassant. – Ysengrimus]
Calina Casse said
Réaction typique: quand on n’a pas d’arguments on passe à l’insulte facile.
[Procédé relativement nouveau: le style pleunircheur du facho-victimaire. – Ysengrimus]
Calina Casse said
Sachant que dans le Roman de Renard, Ysengrin est l’archétype de l’éternelle victime, votre dernier commentaire est à mourir de rire.
[Il est temps de relire plus attentivement le Roman de Renart! Pauvre petite wiki-culture, les ravages que tu te fais à toi-même… – Ysengrimus]
Calina Casse said
Mon pauvre vieux, il serait peut-être temps pour vous de lire l’entrevue avec Salim Mansur puisque vous semblez incapable de distinguer entre la richesse de la diversité culturelle et l’idéologie du multiculturalisme.
[Formulez-moi donc cette distinction en vos propre mots, cela m’intéresse bien plus. – Ysengrimus]
Tourelou said
Idéalement le language et la culture devraient faire aussi partie du cercle. J’ai une amie bilingue/bi-culturelle (ontarienne/québécoise) elle a travaillé extrêmement fort pour y arriver et a vécu avec ces cultures, ses amoureux.
Votre italien n’a probablement pas idée de ce qu’est une tourtière? À moins d’avoir marié une gaspésienne…
Je connais un immigrant Français, ici depuis plus de cinquante ans, qui est toujours abonné à tous les journaux électroniques de l’hexagone, au cable tv et téléphone régulièrement à sa famille à Paris. Au Québec j’ai parlé anglais pour mon travail uniquement car personne de mon entourage ne le parlait et mes confrères ontariens s’excusant de n’avoir pas la mention bilingue dans l’offre d’emploi chez eux alors qu’au Québec c’est exigé.
Si le langage peut entrer dans vos cercles ceux-ci doivent s’emboiter avec la culture… et le cœur n’a de place vraiment que dans un seul de ces cercles celui où il trouve l’amour. C’est pas chinois.
Sa Yu Tric said
Je ne sais trop quel importance accorder a cette ‘enquête/sondage’, cependant mon expérience personnelle me dit que: les immigrants parlent trois langues, ce qui leur ouvre un monde d’opportunités non accessible à d’autres et qu’ils en maîtrisent deux, la leur et l’anglais et aussi qu’ils cassent souvent le français. Sauf peut-être, les vietnamiens qui pour beaucoup sont vite devenu ‘fluides’ en français.
[Euh… casser pour casser, il cassent l’anglais aussi, hein… — Ysengrimus]